River s’impose à la Bombonera, Central coule Newell’s, San Lorenzo en profite. Le week-end des Clásicos a tenu ses promesses. Plongée dans la folie argentine.

Comment ne pas ouvrir ce fou et fabuleux week-end argentin autrement que par le Superclásico ? Si pour nombre d’habitués et d’amoureux du football argentin, il n’est pas le plus bouillant du pays, chaque duel entre Boca et River reste un moment important d’une saison, l’occasion de voir un coup le Monumental, un coup la Bombonera basculer dans la folie douce. La seule crainte à l’abord d’un tel match est de se retrouver face à un vulgaire pugilat, une bataille de nerfs où le seul objectif est de montrer lequel des deux en « a le plus, » l’une des expressions à la mode et qui fait tant de mal au football argentin de ces dernières saison. Mais l’éclaircie, l’espoir d’un renouveau, était venue du précédent épisode que Boca avait remporté, sauvé par l’une des dernières apparitions de son Carlitos Tevez, digne de celles qui feront sa légende lorsque les spectateurs du premier Superclásico 2016/2017 le raconteront à leurs petits-enfants. Et le beau temps s’est maintenu.

Dans une Bombonera chaude comme jamais, belle comme sait l’être en pareilles circonstances, les deux meilleurs ennemis de Buenos Aires ont livré un duel exceptionnel, à l’intensité rare et surtout où chacun s’est répondu par le jeu. Marcelo Gallardo avait prévenu, il voulait que son équipe prenne les choses en mains. Alors, le premier acte allait basculer en faveur de River. Emmené par son intenable quatuor offensif Pity Martínez – Nacho Fernández – Sebastián Driussi – Lucas Alario qui agressait systématiquement l’arrière garde de Boca, Ponzio et Rojas contrôlant le milieu, River se procurait la première grosse situation du match, Driussi butant sur Rossi alors que lancé plein axe. Si River avait perdu Casco sur la première action du match et un tacle rugueux de Gago, Boca perdait ensuite Centurión au quart d’heure sur blessure. Le coup était dur, il intervenait dans la foulée de l’ouverture du score du Millo, une merveille de reprise du gauche signée Martínez servi par Driussi. La Bombonera prenait un premier coup. River avait saisi sa proie, il ne desserrait pas ses griffes. Fernández et Alario se procuraient deux autres situations, les flèches plantées dans l’arrière garde de Boca créaient d’énormes brèches. Alors River enfonçait le clou. Nouveau contre initié par le duo Driussi – Alario, relai par Pity Martínez et but de Pipa Alario, 2-0 à la 23e Boca semblait totalement KO. Pourtant les Xeneizes allaient se relever. Le temps de se remettre des deux coups reçus, les hommes de Barros Schelotto posaient le pied sur le ballon, commençaient à monter sur le terrain, mettant un peu plus d’intensité dans leur engagement. Et allaient être récompensés juste avant la pause sur un cadeau de Batalla. Pérez retenu par Moreira, Boca obtenait un coup franc excentré que Gago envoyait directement dans les filets, profitant d’une énorme erreur d’appréciation du portier Millonario. 2-1 à la pause, le suspense était relancé, Boca revigoré.

Au retour des vestiaires, le match avait changé. Boca trouvait sa verticalité habituelle, piquait souvent plein axe, emmené par un excellent Dario Benedetto, danger permanent, River cherchait le contre mais souffrait, souvent des absences de Batalla forçant par exemple le parfait Martínez Quarta à se transformer en pompier de service, sauvant sur la ligne devant Benedetto, coupant la plupart des centres qui se présentaient à lui. La pression ne faisait qu’augmenter, Boca tentait tout ce qu’il pouvait, Benedetto gâchait. River attendait, tel un loup. Auzqui faisait passer un premier avertissement. Puis l’incroyable. Fébrile pendant 89 minutes, Augusto Batalla se transformait en héros sur un incroyable double arrêt devant Bou et Peruzzi au rebond alors qu’on entrait dans la dernière minute. Une minute plus tard, une mauvaise passe de Gago, un Bentancur, une fois encore décevant, qui regardait le ballon passer et c’en était fini de Boca. Nacho Fernández filait côté droit, servait Driussi qui se présentait plein axe seul face à Rossi et ne manquait pas sa cible. River s’impose 3-1 à la Bombonera et revient à quatre points de son meilleur ennemi alors qu’il compte un match de retard. Le championnat est relancé.

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Car derrière, San Lorenzo en a profité. A l’heure du clásico face à Huracán, les hommes de Diego Aguirre arrivaient en favori au Ducó, les dynamiques respectives étant l’opposée l’une de l’autre. Mais le début de match voyait les deux formations s’observer, comme si elles pouvaient se craindre. Belluschi allumait la première mèche pour les visiteurs, le Globo allait alors se réveiller et prendre les choses en main. Emmené par un excellent Rolfi Montenegro, s’appuyant sur la vitesse d’Alejandro Romero Gamarra, Huracán se montrait le plus menaçant, donnant du travail à Navarro quand son rival de toujours manquait d’idée au milieu, les absences de Merlini et Ortigoza n’y étant pas étrangères. Reste que les véritables occasions étaient rares, il fallait attendre le début de seconde période pour enfin en voir de réelles. Car Huracán entrait parfaitement dans ce second acte, Montenegro butait sur Navarro, Briasco voyait sa tête toucher les montants, Navarro épongeait devant Romat et Rolfi. On pensait alors que San Lorenzo pouvait craquer. C’est mal connaître la bande à Aguirre qui attendait le pic de domination des locaux pour frapper sur coup de pied arrêté. Cerutti trouvait Marcos Angeleri qui plaçait sa tête dans les buts du Globo. 1-0 San Lorenzo, la clim branchée à fond au Ducó, l’équipe de Juan Manuel Azconzábal ne se relevait pas du coup reçu, perdant toute idée, toute capacité à créer des brèches dans la solide défense adverse. Le score n’allait ainsi plus évoluer, San Lorenzo s’empare de la deuxième place et revient à deux points de Boca.

Si San Lorenzo est deuxième et River troisième, c’est que Newell’s n’a pas survécu à son clásico. Le clásico rosarino, le plus chaud d’Argentine, se déroulait à l’Estadio Marcelo Bielsa et opposait une Lepra à la lutte pour le titre et des Canallas qui espéraient reprendre leur match en avant après la défaite au Nuevo Gasómetro la semaine précédente. Et si tout clásico échappe au réel, ses conséquences ne se mesurent jamais uniquement en termes comptable, particulièrement à Rosario. Le coup réalisé par Central est de fait énorme. Car la défaite concédée par Newell’s chez lui face à son pire ennemi aura des répercussions, non seulement sur la lutte pour le titre, mais aussi sur le moral. A l’image de River à la Bombonera, Central est entré sur le terrain avec la ferme intention de s’installer en maître du jeu, bien aidé par l’ouverture du score signée Pachi Carrizo. Incapable de réagir, Newell’s, comme Boca, allait alors subir les offensives de Central et plier une deuxième fois sur un but du goleador maison, Marco Ruben. Newell’s a ensuite fait du Newell’s. Capable du meilleur comme du pire, la Lepra n’a pas dérogé à son histoire au grand désarroi de ses hinchas. Car Newell’s n’a jamais ensuite été en mesure d’inquiéter Central, se retrouvant souvent bien plus proche de concéder le troisième but que de réduire l’écart. Et pourtant, la Lepra a réussi à offrir un incroyable final. A un peu plus de cinq minutes de la fin, Leguizamón était exclu, Newell’s finissait en supériorité numérique et réduisait l’écart par Mauro Formica. Le Parque Independiencia se mettait alors à y croire. Malheureusement pour ses hinchas, Central réagissait sur le champ et Germán Herrera scellait le score final à 3-1. Tout le malheur de l’homme vient de l’espérance, les hinchas leprosos manifestaient celui-ci par des projectiles qui s’abattaient sur le terrain et causait la suspension de la partie mais ne changeait rien au résultat, Central s’impose, Newell’s chute au classement.

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La Lepra voit donc San Lorenzo et River lui passer devant mais surtout voit une meute de poursuivants se rapprocher. A commencer par Banfield qui se met à croire à la possibilité d’un titre en s’imposant enfin, six ans après, dans un Clásico del Sur. Ce duel face à Lanús a été un combat, un long sacrifice symbolisé par celui de Darío Cvitanich qui s’est battu devant, seul. Mais l’Estadio Florencio Sola a eu son moment de joie lorsque juste avant la pause, Mauricio Sperdutti déposait son corner sur la tête de Nicolás Bertolo pour le 1-0 en faveur des locaux. Pour le reste, peu de football donc, Lanús n’est plus que l’ombre du magnifique champion qu’il a été l’an passé et Banfield revient donc à quatre points du leader, faisant partie du club des équipes à 45 points avec River et Newell’s. Autre concurrent en approche, Independiente qui s’est offert le Clásico de Avellaneda, le premier après une série de cinq sans victoire à domicile. Après une entame de match fidèle aux habitudes du Rojo, forte pression dans le camp adverse, jeu haut mais ne parvenait pas pour autant à se montrer véritablement dangereux. Alors, le Racing allait vivre une bonne période, passant souvent par Bou côté gauche, qui gâchait une incroyable occasion d’ouvrir le score, et s’appuyant sur un Licha López point d’ancrage devant. En seconde période, Independiente allait appuyer côté droit, aurait pu profiter d’un penalty pour une faute de Gastón Díaz sur Ezequiel Barco et allait enfin trouver juste récompense par Emanuel Rigoni qui profitait de la lourdeur d’Orion pour placer son coup franc dans le petit filet. Le plus dur était fait, le Racing ne parvenant à réagir. Alors Independiente allait jouer avec les nerfs de ses hinchas, Albertengo manquant par exemple de plier l’affaire. C’était pour mieux les faire exulter en fin de partie, Meza scellant l’affaire dans les arrêts de jeu. Et voilà comment la première victoire d’Holan à domicile avec le Rojo lui permet de se replacer à un point du podium, avec un match de retard à jouer contre un Defensa y Justicia qui n’en finit plus de remonter au classement après la victoire dans son « presque » Clásico face à Quilmes.

Ailleurs, d’autres Clásicos ont évidemment animé ce week-end. Pendant que les frères ennemis santafesinos se neutralisaient, qu’Estudiantes s’imposait face au Gimnasia et reste dans le groupe des équipes à 44 points, les regards convergeaient vers le Kempes pour le premier clásico cordobés depuis la mort d’Emanuel Barbo. Dans une ambiance de folie pure, les recibimientos de la hinchada de Talleres sont toujours parmi les plus impressionnants du pays, les hommes de Sebastián Méndez et ceux de Frank Kudelka se sont neutralisés dans un duel intense et riche en polémiques, à l’image de l’improbable non exclusion de Juan Cruz Komar après une énorme faute sur un Matías Suárez qui filait au but juste avant la pause, ou de la frappe de Komar qui passait par les bras de Farré en seconde période. Tous deux restent donc scotchés sur leurs positions au classement, la T manquant de prendre place dans le top 10.

Les buts

Résultats

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Classement

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Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.