À peine arrivé à Buenos Aires, plongée dans un des stades les plus chaud de la ville, le mythique Libertadores et América, antre d’un Rey de Copas argentin qui jouait sa place sur le podium face à un ambitieux promu, le club formateur de Diego, Argentinos Juniors

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On ne va pas se mentir, je ne connaissais quasiment rien au football argentin avant d’arriver à Buenos Aires. Chez Lucarne Opposée, je suis plus Major League Soccer et, lorsque j’ai eu l’occasion d’aller voir jouer Independiente à Buenos Aires, les seuls mots qui me vinrent à l’esprit avaient 17 ans et valaient 15 millions de dollar : Ezequiel Barco. Cependant, si je le connais c’est bien car il ne joue plus à Independiente ! Après quelques messages à Nicolas Cougot, notre rédac-chef, et un petit tour par Wikipedia pour m’instruire, j’étais déjà dans le métro, direction le stade Libertadores de América.

La première chose qui choque, bien plus que les nombreux maillots rouges qui passent devant soi, c’est le stade bleu que l’on croise en chemin. Massif et imposant, il se place sur la route qui mène au stade d’Independiente, si bien que l’on le voit avant ce dernier. Le stade Presidente Juan Domingo Perón est l’enceinte des ennemis jurés d’Independiente, le Racing, que vous connaissez certainement bien plus que moi. Une fois l’accréditation prise, je me dirige vers un groupe de supporters dont le seul regard permet de commencer une conversation. hinchasComme la majorité des hinchas (fans en espagnol), ils viennent en famille et depuis plusieurs générations. Le premier sujet de conversation, qui arrive : La Recopa Sudamericana, où Independiente a chuté grâce au Grêmio : « c’était un des objectifs du club », me dit le père de famile, « mais on s’est bien battu, et puis on est content d’avoir remporté la Sudamericana, la Recopa n’était que du bonus ! ». Personne n’a l’air très amer de la défaite, plus concentré sur le futur, et la Libertadores, qui est de loin le plus grand objectif de la saison. Un objectif réalisable ? « Nous sommes El Rey de Copa quand même, on a sous-estimé notre adversaire dans le dernier match mais on devrait sortir de notre groupe lors des prochains matchs ». Le secret ? « On arrête de sous-estimer nos adversaires, comme on l’a fait face à JSP, on gagne à domicile et on se débrouille à l’extérieur ». Daniel, un autre fan rencontré sur place, va d’ailleurs faire le déplacement au Brésil, comme il le fait souvent : son téléphone est rempli de photos venant de tous les pays d’Amérique du Sud où il a supporté son équipe. « Je suis un vrai supporter, dans la défaite ou la victoire. Ali (NDLR : l’ami qui se trouvait à côté de lui) et moi, on supporte le club depuis qu’on a 15 et 17 ans, on a tout connu ».

Alors que je commande un hamburger venant d’un asado que Daniel me conseille, il m’explique ce que c’est d’être un supporter d’Independiente : « L’important, ce n’est pas la gagne mais c’est d’afficher un beau style de jeux sur le terrain. C’est pour ça qu’on est plus qu’une équipe, qu’on est historique, Independiente c’est une équipe tellement grande et imposante ! On nous appelle souvent « La troisième équipe », pour dire qu’on est un cran en dessous de Boca Juniors ou River Plate, mais sur la scène internationale nous sommes meilleurs que River et à égalité avec Boca, bien qu’ils aient inventé certains de leurs titres ! ». Son ami continue en me demandant « D’ailleurs, Boca, c’est comme une PlayStation, tu sais pourquoi ? Car ils n’existaient pas avant les années 2000 ! ».
Avant que j’aie le temps de lui faire une quelconque frise chronologique du jeux vidéo, le voilà qu’il continue : « Tu sais, on a eu beaucoup de problème, nous les supporters d’Independiente. De nombreuses personnes ont utilisé le club, ont volé de l’argent… Mais on est toujours là, à le supporter ! On est là pour l’amour du jeu, et c’est pour ça qu’Independiente en produit du beau, dans la victoire comme dans la défaite ! ». Avec toutes ces discussions sur Boca et River, on en avait presque oublié le rival historique : « Le Racing, ça fait étrange de ne plus voir leurs fans depuis trois-quatre ans ». En effet, en championnat les supporters des équipes qui se déplacent ne sont plus acceptés dans les stades. Il continue « Mais heureusement qu’on ne joue jamais la même semaine à domicile non plus… ça me tuerait d’entendre les cris des fans lors des buts du Racing ! ».

Arrive l’heure du match. Je rentre enfin dans le stade, qui devait être complet au 70% : l’horaire, un dimanche soir à 21h30, n’aide pas les familles. Cependant, ceux qui sont venus se connaissent tous ; ils se saluent, s’embrassent entre supporters et même les gardes de la sécurité sont salués comme s’ils travaillaient là depuis des années. Si le stade n’est pas plein, la Tribune Popular, l’une des deux tribunes se trouvant derrière les buts, totalement faite de places debout, est en feu et chantera pendant toute la soirée. Chaque action provoque une réaction, le public est ultra-attentif et si on s’y trouvait les yeux bandés, on jurerait être dans un stade énorme.

Les fans savent aussi être indulgent. En début de match, Alan Franco pousse son ballon un peu trop loin sur une accélération, le perdant. Au mieux d’entendre des râlements sévères, les supporters l’encouragent et l’applaudissent : ils savent que c’est un début de match, que le niveau va progressivement monter. Très vite, après le premier but d’Emanuel Gigliotti, les joueurs comme les fans dédoublent d’engagement, et un deuxième but suivra pour Miximiliano Meza. Mon voisin de gauche m’explique que c’est le futur de la sélection argentine : il serait pisté par de nombreux clubs européens et il s’attend à le voir partir très vite, c’est là le quotidien d’un fan de clubs argentins. Ce qui saute aux yeux lors du match, c’est le rythme effréné de la rencontre : les deux équipes vont vers l’avant et le ballon est très rarement au milieu de terrain, les actions se succédant avec rapidité. La deuxième mi-temps d’ailleurs commencera avec autant d’intensité, mais comme on me l’avait prédit, Argentinos est un vaillant adversaire : après avoir buté de nombreuses fois sur Martin Campaña, ils reviennent finalement dans la partie, par l’intermédiaire de Lucas Barrios à la 86e. C’est malheureusement trop tard pour le Bicho, et le score en reste là.

Un coup d’œil en tribune me fait réaliser que les fans n’ont pas quitté les tribunes avant la fin du match ; tout le monde est resté à chanter après le coup de sifflet final, malgré l’amer sensation qu’a laissé cette deuxième mi-temps, quelque peu dominé par les visiteurs. Avec ce succès, Independiente est troisième à 11 points de Boca, avec un match de retard. « De toute façon le championnat c’est mort, Boca est bien trop loin devant » me dit Daniel, « l’objectif, le vrai, c’est la Libertadores. Il faut que tu viennes voir un match, les fans et les joueurs décuplent d’intensité pour ces rencontres. C’est là où tu verras le vrai Independiente ».

Pendant ce temps

La victoire du Rojo lui permet de faire l’une des belles affaires de la semaine. Car si Boca et Talleres avancent aussi (victoires face respectivement à Tucumán et Tigre), derrière, certains laissent des plumes. San Lorenzo est accroché dans le bouillant Clásico face à Huracán, le Racing est freiné par la Chaca. Conséquence, Godoy Cruz, qui poursuit son bonhomme de chemin, se replace en position de qualifié pour la prochaine Libertadores. L’autre bonne affaire est un coup double pour River. Quelques jours après enfin une victoire à l’extérieur, sur le terrain d’un Patronato pourtant toujours aussi dangereux, le Millo s’est offert son premier rayon de soleil de 2018 en s’offrant le Superclásico de la Supercopa Argentine, victoire 2-0. Ce succès, le huitième pour Marcelo Gallardo depuis son arrivée au club, toujours en coupe, devrait véritablement lancer un River qui se retrouve à une modeste 18e place en championnat, à sept longueurs des places qui qualifient pour la prochaine Sudamericana.

Résultats

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Classement

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Antoine Latran
Antoine Latran
Rédacteur Etats-Unis pour @LucarneOpposee et @MLShocker, à suivre sur @AntoineLatran et @FrenchSounders