Afin de mieux oublier les déboires de la sélection, la Superliga argentine reprend ce week-end avec pour bien des ambitieux, une seule question : comment rattraper un Boca Juniors double tenant du titre et plus puissant que jamais.

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Elle se sera fait attendre – moins qu’un sélectionneur mais tout de même –, la quatre-vingt-dixième saison de football argentin, le cent-trente-quatrième tournoi de l’ère professionnelle, débute de week-end en Argentine. Elle se terminera en avril 2019 et sera suivie d'une nouvelle compétition la Copa de la Superliga, sorte de Coupe de la Ligue sauce argentine, qui ne concernera que les équipes de Superiga. Les six premiers seront directement qualifiés pour les huitièmes de finale, les vingt autres devant passer par un premier tour. Cette nouvelle épreuve ne sera pas sans intérêt puisque son vainqueur se qualifiera pour la Libertadores, le finaliste la Sudamericana. Au menu du marathon argentin, un nouveau championnat long format, vingt-cinq journées pour vingt-six équipes, quatre relégués, huit accessits continentaux et un champion. Et toujours l’éternelle bagarre entre géants et aspirants à ne pas laisser les scénarios définis par l’histoire vouloir s’écrire d’eux-mêmes. Même si le mois d’août n’est pas terminé et pourrait apporter encore bien des mouvements, tour d’horizon de la Primera División.

Rivaliser avec Boca

Double tenant du titre, parfait gestionnaire (même s’il se sera fait quelques frayeurs en fin de saison dernière, Boca Juniors n’est pas rassasié (impossible pour un tel club) et à la vue des mouvements de l’intersaison, semble encore et toujours son principal rival dans la conquête du titre. Au moins jusqu’à décembre. Car non content de disposer de l’effectif le plus riche du pays, le champion a recruté fort : Esteban Andrada, parfait gardien venu de chez le finaliste de la dernière Libertadores, Lanús, Lucas Olaza, belle promesse prêtée par Talleres, Sebastián Villa, nouvelle pépite colombienne venue du champion de Liga Águila avec Tolima ou encore Mauro Zárate, auteur d’un retour réussi au pays avec son Vélez (8 buts en 13 apparitions). Autant de noms venus compléter un effectif qui compte encore et toujours ses stars, de Carlos Tevez à Wilmar Barrios en passant par Cristian Pavón et en attendant les retours de blessure de joueurs tels que Fernando Gago et Dario Benedetto. De quoi donc largement avancer en championnat tout en gardant comme priorité la Libertadores, obsession des Xeneizes jusqu’à novembre prochain.

Cette obsession est la même pour bien des autres géants du football argentin. À commencer par River qui n’a d’autre choix que celui de la remporter s’il veut y participer de nouveau en 2019 (même si le Millo peut aussi jouer son va-tout sur la Copa Argentina en cas de mauvaise surprise). Seul souci : les finances sont loin d’être en accord avec un statut prêté de millionnaires. River n’a rien recruté, fautes d’entrées conséquentes et est juste parvenu à conserver JuanFer Quintero, auteur d’une grande Coupe du Monde et dont on attendra beaucoup. Rayon départ peu de grands chamboulements mis à part le départ d’un des rares « bankable », Marcelo Saracchi si essentiel dans son couloir gauche. Une fois encore engagé dans ce cercle vicieux, River risque ainsi de perdre des points dans les premiers mois de championnat si l’aventure Libertadores se poursuit et pourrait le payer non seulement dans la course au titre, mais aussi, comme l’an passé, dans la course aux places sur le podium.

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D’autant que les frères ennemis d’Avellaneda disposent de belles munitions pour cette saison. Devant River pour un but l’an passé en Superliga, le Racing va évidemment souffrir du départ de son diamant brut Lautaro Martínez (Inter) ou de celui de son excellent gardien Juan Musso (Udinese) mais a réussi quelques coups intéressants pour chaque ligne. Gabriel Arias dans les buts, les expérimentés Eugenio Mena et Marcelo Diaz, la panthère locale Gustavo Bou ou encore Guillermo Pol Fernández, excellent avec Godoy Cruz. Là encore, la grande question sera de savoir si el Chacho Coudet parviendra à faire fonctionner tout cela, la bande à Lisandro López pourra gérer de front deux compétitions. Du côté du Rojo, bardé de deux titres internationaux en 2017/18, on a joué dans la continuité en ajoutant un joli mélange d’expérience, el Gato Silva et Pedro Pablo Hernández, et de futur talent, Carlos Benavidez. Le tout au sein d’un effectif déjà riche, là encore, l’objectif double championnat – libertadores a de quoi être mené de front, Independiente a même des airs de véritable candidat au titre avec à sa tête un Ariel Holan qui a désormais les pleins pouvoir sur l’effectif pro mais aussi sur les catégories de jeunes. Preuve d’un vrai travail à court, moyen et long terme qui est désormais engagé.

Reste donc un membre du club des cinco grandes : San Lorenzo. Si le travail de Claudio Biaggio est de qualité, on a tout de même du mal à faire du Ciclón un candidat au titre. Rayon départs, Matías Caruzzo, Marcos Angeleri, Leandro Romagnoli, Juan Mercier, et, dernier annoncé, Paulo Diaz, autant de cadres ont quitté le club soit pour évoluer sur d’autres terrains, soit après avoir mis fin à leur carrière. Le renouvellement est donc assez important, la base est intéressante, emmené par des joueurs tels que Fernando Belluschi, Nico Blandi, Fabricio Coloccini, les cadres actuels, et quelques jeunes de talent à l’image du Mago Merlini ou du Perrito Barrios. De là à jouer le titre, il est un pas difficile à franchir.

Se mêler aux géants

Dans l’ombre des cinq grands, ils sont plusieurs à espérer se tailler une part du gâteau, certains ne serait-ce parce que c’est inscrit dans leur ADN, d’autres parce que les performances montrées sur les pelouses du pays les autorisent à y croire.

Sur le terrain quatre équipes peuvent espérer venir se mêler à la course au accessits. Du point de vue performances l’an passé, la première d’entre-elles est bien évidemment Godoy Cruz. Totalement revitalisé par Diego Dabove, qui n’a perdu qu’un seul des seize matchs qu’il a dirigés (12 victoires, 3 nuls), le Tomba sera l’une des attractions de cette saison argentine. Si le départ de Juan Fernando Garro pèse bien évidemment, Juanfi était au club depuis toujours, de même que ceux de Guillermo Pol Fernández, cité plus haut ou encore Leonardo Burián, l’effectif reste tout de même assez stable, el Morro García est toujours là, il est rejoint par deux Paraguayens, Gabriel Ávalos et Iván Ramírez, mais la principale force du Tomba ne réside pas dans ses individualités mais dans son jeu. Même combat pour Defensa y Justicia qui retrouve Sebastián Beccacece et le jeu qui va avec. El Halcón est capable de bousculer n’importe quel adversaire par son pressing tout terrain, son collectif parfaitement huilé et peut compter sur l’expérience de Jonás Gutiérrez et Marcelo Larrondo pour encadrer cette troupe qui peut se mêler à la lutte pour le podium et la Sudamericana.

Autres poils à gratter, Talleres et l’Atlético Tucumán. Le Decano s’est progressivement installé dans le paysage argentin et peut désormais s’appuyer sur ses belles performances continentales (la dernière en date, une victoire nette et sans bavure dans son Monumental face à l’ogre Atlético Nacional et dispose d’un effectif qui se connait par cœur, d’une coach Ricardo Zielinski habitué à construire des équipes capables de renverser des montages au pays. Simple, alors que la ville va retrouver les joies de son Clásico tucumano avec le retour de San Martín en Primera, le Santo qui comptera dans ses rangs la légende Claudio Bieler et qui, sous la conduite de Rubén Forestello aspire à vivre une saison plus paisible qu’une simple guerre pour la survie, l’Atlético Tucumán peut lui viser bien plus haut. Du côté de La T le principal départ est sur le banc puisque Frank Kudelka, l’homme des succès, a migré vers le Chili. Mais la principale recrue est également sur le banc avec la prise de commande de Juan Pablo Vojvoda. Sous sa direction, Defensa y Justicia était convaincant, dans le jeu et dans les résultats (60% de victoires à la tête d’El Halcón). Sous sa direction, Talleres a tout pour continuer dans sa belle dynamique, celle qui a ramené la participation à la Libertadores l’an passé avec une belle cinquième place. Pour cela, le club se montre encore intelligent dans son recrutement avec les arrivées d’Andrés Cubas, de Tomás Pochettino, de la Fiera Miguel Araujo en défense, ou encore de Brian Montenegro, champion au Paraguay avec Olimpia.

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Reste donc les habitués au sein desquels figure Estudiantes qui sort d’une saison 2017/18 des plus anonyme (16e place au final, une seule fois dans le top 5). Malheureusement pour les Pinchas, le marché d’hiver (ou d’été selon votre zone) n’a pas été des plus convaincant. Estudiantes perd l’un de ses meilleurs éléments, Juan Ferney Otero, voit quelques prêts se terminer (Lucas Melano, Christian Alemán (trop peu utilisé cependant)), des contrats arrivés à leur terme (Seba Dubarbier) et ne bouge quasiment pas sur le marché, ne comptant que des retours de prêt. Quelles ambitions nourrir du côté de Leandro Benítez ? Sans doute celle de faire quelques coups voire, en cas de bonne dynamique, accrocher une place en Sudamericana. Mêmes interrogations pour Lanús. Le cycle victorieux a pris fin en 2017 au lendemain de la finale de Libertadores, le début d’année 2018 a été des plus compliqués et Ezequiel Carboni a vu partir plusieurs joueurs importants comme Andrada, Marcone, Román Martínez et les arrivées ressemblent, pour certains, à des paris, à l’image de Lucas Mugni ou des confirmations à venir comme Sebastián Ribas, auteur d’un énorme championnat avec Patronato. Là encore, l’équilibre semble fragile pour ambitionner une lutte pour le titre, surtout à la vue des autres prétendants. Mais le Granate pour espérer jouer les accessits en Sudamericana en cas de belle série.

Il y a aussi les historiques qui peuvent nourrir quelque espoir cette saison. Au premier rang desquels Huracán. Sous la direction de Gustavo Alfaro, le Globo sort d’une saison qui l’a vu évoluer quasiment en permanence dans le top 10 et a été récompensé par une place sur le podium. Si Rolfi Montenegro a mis fin à sa carrière et que Fernando Pussetto est parti en Italie, le Globo signe quelques belles arrivées avec Omar Alderete qui revient au club après un passage au Cerro Porteño, mais aussi celles de Juan Garro et Carlso Auzqui qui vont animer les offensives et espèrent embraser le Ducó. Ne vous y trompez pas, Huracán a les armes pour vivre une saison similaire en 2019, surtout si les géants continuent de laisser des points en route lors de leurs campagnes continentales.

Du côté de Rosario, les deux frères ennemis semblent en retrait. Du côté de Central, le retour de Bauza, qui reprend un club après avoir erré de sélection en sélection à la poursuite d’un rêve mondial qui lui a été à chaque fois retiré au dernier moment, est un élément positif. Pour le reste, le club doit régler le souci Marco Ruben, en froid avec ses dirigeants et dont on ne sait pas encore s’il sera là au 1er septembre, et s’appuie sur un mercato des plus discret même si l’arrivée de Matías Caruzzo va apporter de l’expérience en défense. Reste que cela semble bien insuffisant pour aspirer un top 10. Même constat pour Newell’s. 2017/18 n’a été qu’une saison anonyme passée la majeure partie du temps dans le dernier tiers, Omar de Felippe et les siens devraient avoir du mal à faire mieux en 2018/19. Reste que l’arrivée de Grimi et le retour de Mauro Formica devraient faire du bien à la Lepra qui disposera aussi de celui qui peut être une belle attraction, le jeune Zé Turbo, prêté par l’Inter.

Quatre autres équipes peuvent espérer se mêler à la lutte pour les accessits. Argentinos Juniors est passé à un rien de la Sudamericana l’an passé, le Bicho d’Alfredo Berti, qui a vu partir Lucas Barrios, a réalisé un joli mercato en attirant des joueurs tels que Raúl Bobadilla et Oscar Benítez dont l’association a tout pour faire vibrer La Paternal. Placés dans la même zone l’an passé, Banfield et Belgrano espèrent franchir ce palier qui les ferait basculer du bon côté. Les Piratas de Córdoba seront dirigés par Lucas Bernardi pour 2018/19 et ont procédé à un grand ménage qui rend les pronostics difficiles à établir, d’autant que la peur du vide sera présente assez rapidement en cas de mauvaise série (Belgrano débute avec le même promedio que le premier relégable San Martín), alors que le Taladro de Falcioni se montre plus équilibré et réussit un joli coup en attirant Emanuel Cecchini, de retour à la maison après une saison presque blanche. Quatrième larron, Colón. Le Sabalero perd l’un de ses cadres défensifs Germán Conti, mais la bande d’Eduardo Domínguez reste compétitive avec les arrivées de Burián dans les buts, d’Erik Godoy dans l’axe et de Franco Zuculini au milieu. Onzième de Primera en 2018, le Sabalero peut clairement viser le même objectif voire mieux, s’il parvient à enchaîner une série.

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Opération survie

Si Belgrano et l’Atlético Tucumán sont loin d’être sauvés mais aspirent à vivre une saison plus sereine, si Unión, septième club en cinq ans de Federico Andrada, a arraché une place en Sudamericana la saison dernière avec une place dans le top 10 et dispose d’un matelas de neuf points d’avance sur le premier relégable, le Tatengue devra d’abord se mettre à l’abri pour ensuite espérer mieux. Il reste cependant encore assez loin de l’accident, d’autant que derrière, ils sont nombreux à lutter pour éviter l’une des quatre roues de la charrette.

Ce sera le cas du duo Vélez – Gimnasia. Le Fortín d’Heinze a beau générer bien des espérances dans le jeu, le bilan chiffré, bien que positif, ne lui permet pas encore de respirer. Reste que malgré le départ de Mauro Zárate, le mercato d’intersaison est intéressant : Alexander Dominguez dans les buts, Gastón Giménez et la pépite Pablo Galdames au milieu en sont des exemples. Au point que si la machine se met en marche, Vélez, pourtant classé dans les « opération survie » surtout en raison de la jeunesse globale de son effectif, peut se mettre à aspirer à mieux. Du côté de Lobo, après une saison ratée (27 points soit quatre unités de mieux que le premier relégable), on espère que le retour sur le banc de Pedro Troglio sera synonyme de sérénité. Habitué à bricoler, Troglio peut s’appuyer sur deux arrivées intéressantes, Victor Ayala, ancienne dynamite du Granate qui revient en Argentine après des séjours en Arabie Saoudite et en Equateur, et l’immortel Tanque Santiago Silva.

Derrière, la saison s’annonce compliquée pour quatre équipes : Aldosivi, Patronato, San Martin San Juan et Tigre. Le Matador a sauvé sa peau en Primera d’un rien l’an passé (premier non relégable) et débute 2018/19 dans la zone rouge. Il misera sur l’expérience d’Augusto Batalla dans les buts (malgré son jeune âge), sur celle de Diego Vera devant et sur la vitesse de KR7 Kevin Ramírez en attaque. Reste à savoir si cela sera suffisant pour éviter la saison galère, la vie dans la zone rouge apportant une pression que le jeune entraîneur Crisitian Ledesma devra gérer pour éviter le pire, d’autant que la mission s’annonce des plus compliquée : Tigre compte onze points de retard sur le premier non relégable. Dix-neuvième la saison passée, Patronato a souvent surfé sur les performances de sa machine à but Sebastián Ribas (voir plus haut). Seba parti, el Patrón va devoir faire confiance à une nouvelle attaque, voire à une nouvelle équipe tant les mouvements ont été nombreux. Les arrivées de Sperdutti (Banfield) et Rescaldani (passé par l’Atlético Nacional). Du côté de San Martin de San Juan, si le club part sur la même ligne que Belgrano ou que Patronato (devant pour un point), les certitudes sont bien moins nombreuses par la grande quantité de mouvements lors de l’intersaison. Walter Coyete est arrivé en fin de saison dernière, maintenant les résultats du club, qui disposait alors d’un matelas confortable sur les relégables pour gérer sa saison, ce ne sera pas le cas cette année. La mission s’annonce délicate. Reste enfin l’autre promu en Superliga : Aldosivi.

Champion de Primera B au terme d’un dernier match d’appui avec Almagro, le Tiburón de Gustavo Álvarez va s’appuyer sur quelques vieux habitués de l’élite argentine pour se maintenant. De Luciano Pocrnjic dans les buts à Ezequiel Videla au milieu en passant par l’improbable Denis Stracqualursi devant l’expérience de manque pas. Elle cache aussi quelques talents comme l’ancien espoir d’Independiente Matías Pisano. Mais là encore, les nombreux mouvements à l’intersaison ne laissent rien augurer de positif. Un promu n’a pas de temps à perdre et la mayonnaise devra prendre immédiatement pour que les requins verts et jaunes ne passent pas une saison à chercher à courir après les points perdus.

Programme

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Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.