Comme tout bon pays d’Amérique du Sud, le Pérou a lui aussi son Superclásico, ce moment de folie entre deux historiques qui souvent transcende une journée de championnat. Le 345ème duel entre Alianza Lima et Universitario s’avérait être déjà un tournant dans la saison au vu de l'enjeu primordial pour le titre. Pour LO, une hincha de l'Alianza qui recevait à l'Estadio Nacional sont plus grand rival a tenue à vous faire vivre ce match si particulier de l'intérieur. Récit de la rencontre la plus chaude de l'année au pays du Machu Picchu…

Ce mercredi 22 octobre de 2014, n'était pas un jour comme les autres, c'était un jour spécial puisque à 20h00 jouait l'équipe qui fait tant chavirer mon cœur, l'Alianza Lima jouait et pas contre n'importe quelle équipe, on faisait front face notre rival éternel, l'Universitario de Deportes et cela était une évidence comme tous les ans, je ne pouvais pas manquer ce match si particulier que l'on appelle ici au Pérou, Superclásico.

La nuit allait devenir blanche et violette. Ce maillot blanc et violet a une signification spécial pour les fans de l'Alianza de cœur et aujourd'hui plus que jamais nous comptons sur le Cristo Morado pour nous aider à ramener la victoire, par n'importe quel moyen, parce que ce soir on ne peut pas perdre face à notre plus grand rival qu'est la « U ». C'est une question d'honneur.

Cela fait des semaines que nous avons planifié d'aller au stade avec mon papa, mon frère, ma belle - sœur, un oncle et mon cousin, tous supporters depuis que nous avons l'âge de raison, ainsi l'émotion était palpable déjà dans la file d’attente pour acheter les précieux sésames. Il faut souligner qu'avec mon papa nous avons eu à sortir du travail, en inventant n'importe quelle excuse. Oui, travail ou pas, nous ne pouvions pas courir le risque de louper le Superclásico, le dernier de l'année et surtout celui qui nous permettrait d'être leader du championnat.

Quand enfin mercredi est arrivé, nous sommes tous sortis en courant du travail, et nous nous rejoignons tous à la station de métro du stade. Une fois tous ensembles, maillot de l'Alianza sur les épaules, nous nous dirigeons vers l'Estadio Nacional. Les rues sont déjà bondées de blanc et violet, les supporters et nous même planifions déjà comment allons-nous célébrer les buts de l'Alianza… Les pronostics vont bon trains aussi pour savoir quel sera le buteur qui allait nous offrir la joie de crier jusqu'à en assommer notre voisin, Costas ? Ou encore Cueva ? Ce jeune joueur qui a le profil d'un buteur, je me rappelle à ce moment-là le coup-franc face à Trujillo… Que de nervosité et que d'émotion, bref nous nous disons que peu importe qui marquera, la seule chose qui nous importe c'est de gagner cette rencontre.

C'est le moment de rentrer à l'intérieur du stade, la nervosité laisse place à la joie et la folie, cette folie qui contamine le Commando Sur (NDLR : la Barra Brava de l'Alianza Lima) avec ses chants comme “No me arrepiento, de haber venido hasta acá de caminar muchas horas, para venirte a alentar y no estoy solo, quiero que escuches mi voz solo te pido que ganes, para que salgas campeón, Alianza es un sentimiento que sale del corazón, Alianza es un sentimiento” (Je ne me repens pas, d'être venu jusqu'ici, d'avoir marché beaucoup d'heures, pour venir t'encourager et je ne suis pas seul, je veux que tu écoutes ma voix qui seulement te demande de gagner, pour que tu sortes champion, Alianza est un sentiment qui sort de mon cœur, l'Alianza est un sentiment) ou encore “Yo soy de Alianza y lo digo con pasión porque el pueblo lo adoptado con amor su color es mi calor mi corazon. Yo soy de alianza y nada me va a cambiar, esta hinchada a tu lado siempre esta un sentimiento que nadie lo va a parar" (Je suis de l'Alianza et je le dis avec passion parce que le peuple a adopté avec amour sa couleur qui fait la chaleur mon cœur. Je suis de l'Alianza et rien n'y changera, toujours à tes côtés c'est un sentiment que personne ne pourra arrêter). Le coup d’envoi s'apprête à être donné dans une ambiance incroyable.

Sufrir para ganar (Souffrir pour gagner)

Ici on dit toujours que le vrai supporter de l'Alianza Lima souffre autant qu'un joueur sur le terrain pour gagner et ce match ne fera pas exception à ce dicton. Je me rappelle à ce moment précis, combien de fois j'ai fermé les yeux parce que j'ai pensé qu'on encaissait un but, combien de fois j'ai serré les dents et les poings, et pour finir, combien de fois j’ai étirée mes bras et mes jambes paralysée par l'enjeu comme si j’étais sur le terrain en train de jouer. Ce soir n'échappe pas à la règle, mon papa à côté de moi me dit de me calmer, que je risque d'avoir un arrêt cardiaque. Mais impossible, dans cette première période notre milieu de terrain commet beaucoup trop d'erreurs et les attaques de la « U » se répètent faisant souffrir notre défense. C'est déjà presque la fin de la première mi-temps, nous sommes à la 44ème minute et nous avons eu seulement deux opportunités d'ouvrir la marque, il y a beaucoup de nervosité et cela se ressent auprès de nos joueurs sur le terrain et le gardien de l'Universitario nous a empêchés de chavirer de bonheur.

Durant cette mi-temps j'en profite pour discuter avec ma famille et nous en arrivons à la conclusion que si nous continuons à jouer de la sorte nous n'allons pas obtenir les 3 points qui nous mèneraient à la tête du championnat, il faut changer quelque chose. L'Estadio Nacional l'a très bien compris aussi et quand l'Alianza fait sa réapparition sur terrain, l'ensemble des supporters explose avec des cris et harangue les joueurs pour voir une révolte, accompagné du chant caractéristique «Esta tu hinchada que quiere te ver campeon » (Tes supporters veulent te voir champion) et d'un voile où le Commando Sur avait dessiné le Señor de los Milagros. A ce moment-là je me dis et je sais que nous allons gagner ce match.

À la 60ème minute se produit enfin le changement que nous attendions tous, Julio Landauri sort et laisse sa place à Victor Cedrón. Je dois confesser que quand j'ai vu ce changement je n'avais pas beaucoup de foi, j'ai plus un souvenir d'avoir lancé un non déchirant... Mon frère, qui vous vous imaginez bien a plus de connaissance que moi au niveau football, paraît serein et me dit de me calmer car il en est persuadé : ce match va tourner en notre faveur. Seulement 5 minutes après son entrée en jeu, après un service extraordinaire de Christian Cueva, Cedrón réalise un bon mouvement et devance la sortie de Rouvre et glisse le ballon au fond des filets provocant ainsi le premier but de cette nuit qui s'annonce complètement folle. L’Estadio Nacional entre en fusion, ce cri de délivrance s'est fait entendre jusqu'au ciel, cette sensation de plaisir, de joie, d'orgueil, de victoire qui se profile et notre cœur qui balance dans tous les sens… Difficile d'exprimer tous ses sentiments à la fois, tous les fans de l'Alianza se prennent dans les bras hurlant « Gol carajo ! » (But bordel !). Un moment unique que seul notre club peut nous faire vivre. Ces deux minutes de célébrations semblèrent éternelles, jamais je ne pourrais les effacer de mon esprit.

Après cet instant de folie, l'ensemble des supporters a recommencé à entonner les chants et à sauter, formant ainsi des vagues humaines. Les « olé » à chaque transmission de nos joueurs ne se sont pas fait attendre, ce Superclásico était nôtre, même en souffrant, toujours en souffrant...

En fin de match, deux nouveaux joueurs sont expulsés ce qui fait que cela se termine à neuf contre neuf car un Superclásico est toujours tendu, tout le monde se rend coup pour coup que ce soit sur le terrain ou dans les tribunes. L'Alianza aurait même pu aggraver la marque par l'intermédiaire de Costas, mais le gardien de but de la « U » dévie le ballon hors du cadre pour quelques millimètres nous privant ainsi d'un deuxième moment d'ivresse général… Qu'importe, l'arbitre siffle enfin la fin du match, victoire de l'Alianza Lima 1-0.  Malgré cette occasion d'humilier encore plus notre rival l'allégresse recommence de plus belle, nous venons de remporter le match le plus important de la saison et nous sommes leader du championnat. Une joie que tout un peuple, le peuple de l'Alianza, partage dans une communion avec les joueurs en chantant, enfin non, en s’époumonant « Ole-le Ola-la Alianza es lo mas grande del futbol nacional ! » (Ole-le Ola-la l'Alianza est le plus grand du football national !).

Ce match dans l'Estadio Nacional devant environ trente mille personnes, est pour moi l’un des meilleurs que j'ai pu voir, non pour la technique, la qualité, ni pour la quantité de but, mais parce que cela faisait beaucoup de temps que je n'avais pas vu jouer mon équipe avec tant de hargne, de grinta et beaucoup de cœur. Chaque ballons qui arrivaient, les joueurs se battaient comme des morts de faim dessus et bien que beaucoup d'erreurs ont été commises, de la part du milieu de terrain et de la défense, Fischer Guevara a su répondre présent pour préserver nos cages inviolées.

Après être sorti du stade et tandis je marche avec ma famille en cherchant un transport qui nous ramènera à la maison, nous parlons presque sans voix mais avec beaucoup d'émotion en se remémorant déjà cette rencontre que nous ne sommes pas prêts d'oublier. Nous marchons en riant de nous-mêmes, de comment nous analysons le match et les joueurs. En attendant notre bus, j’écoutais un autre supporter avant de méditer longuement sur la phrase qu'il venait de prononcer, sourire jusqu'aux oreilles, "l'Alianza n'est pas une équipe de football, l'Alianza c'est bien plus fort, c'est un sentiment qui ne s'explique pas". Que de vérités dans tout cela ! Voir ton équipe et être avec ceux qui te sont chers dans les bons comme dans les mauvais moments, c'est quelque chose qui n'a pas de prix.

Par Mary Leyton Lumbre, traduction Bastien Poupat pour Lucarne-Opposée

Bonus LO

Match complet :

Résumé de la rencontre :

Pour vivre la rencontre depuis les tribunes avec le Commando Sur :

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.