Troisième d’une lignée de footballeurs, Telasco Segovia a attiré tous les regards lors de la victoire du Venezuela face au Mexique dans le choc du groupe B. À l’heure du dernier match permettant à la Vinotinto d’assurer sa première place, l’Empereur Telasco III sera particulièrement scruté.

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L’histoire des Telasco Segovia se déroule sur trois dynasties dans la région de Lara où l’on prend ce prénom-nom de père en fils. L’histoire remonte jusqu’à l’arrière-arrière-grand-père, qui jouait avec les Portugais ayant débarqué à Barquisimeto dans les années quarante. Devenu ensuite formateur, son image figure sur les murs aux abords du stade Farid Richa à Lara. Elle s’est poursuivie avec le père, joueur dans la région. Elle continue aujourd’hui avec l’arrière-arrière-petit-fils. Telasco José Segovia Pérez surgit dans le paysage local en pleine pandémie. Il n’a alors que seize ans quand il revêt la tunique de son club de toujours, le Deportivo Lara. Le règne de Telasco III ne fait alors que débuter.

Les clés du jeu

Le troisième membre de la dynastie s’installe immédiatement au milieu d’un Deportivo Lara comme si tout était naturel. Il faut dire que Telasco III est capitaine de son équipe depuis les U12 avec qui, dès le début, il s’installe au milieu non pour détruire mais pour créer. Telasco Segovia a toujours été le leader technique de son équipe, sa vision du jeu devient la clé de toutes les formations au sein desquelles il évolue. Pendant que le pays découvre une machine à provoquer les défenses nommée Yerson Chacón du côté de Táchira, à Lara on voit ainsi émerger un autre type de footballeur : celui qui récupère, conduit, initie, fait jouer, lance voire termine les actions. En d’autres termes, un créateur des temps modernes dont la technique accompagne la vision et dont l’activité en fait un homme essentiel (les amateurs de football argentin trouveront ici quelques parallèles avec Enzo Fernández à River Plate). Mais, Segovia est aussi et surtout un créateur qui possède ce formidable talent si sud-américain de la pausa, du contrôle du temps.

Tout naturellement donc, les clés du jeu de Lara sont ainsi données à un gamin qui enchaîne les matchs. Dans ses pas, le club avance. Dixième à la table cumulée en 2019, Lara dispute la demi-finale du Clausura, décroche sa place en Libertadores l’année suivante en terminant troisième après une « finale » face à Caracas, puis quatrième en 2021, décrochant de nouveau sa place en Copa Libertadores. Cette même année, Telasco Segovia est dans le top 20 des joueurs nés en 2003 ayant disputés le plus de minutes au cours de l’année civile sur toute la planète, devançant par exemple Ricardo Pepi et Pablo Gavi. Le club dispute ainsi trois fois consécutivement la Copa Libertadores, une première dans sa courte histoire, Telasco Segovia connait alors les premières joutes continentales qu’il ajoute à une expérience du haut niveau déjà importante avec près d’une soixantaine de matchs de première division.

Passage en A, lumière en U20

C’est ainsi qu’à la prise de commande de José Pekerman, il attire les regards du sélectionneur. Celui-ci lui offre même ses premiers pas en sélection A, lorsqu’il entre en même temps que Yerson Chacón pour participer à quelques minutes du large succès face à la Bolivie (4-1). Reste que Telasco est principalement appelé à prendre les rênes de la sélection U20, dont l’objectif est de marcher sur les traces de celle de 2017, troisième du Sudamericano puis vice-championne du monde. Première étape : le Tournoi Maurice Revello. Face à l’Indonésie, Telasco Segovia est déjà à l’origine de tout. Les données relevées par Statsbomb sont folles : durant la rencontre, il a réalisé et réussi des passes depuis dix-huit des trente zones dessinées sur le terrain, ses passes ont trouvé vingt-cinq de ces zones. Il fut déjà le meilleur joueur de la Vinotinto sur le terrain. Mais sa performance face au Mexique lui a permis de franchir une autre dimension, d’exploser définitivement aux yeux des spectateurs présents cet après-midi de juin à Vitrolles. Présent à la récupération, à la construction du jeu, capable d’alterner jeu court et jeu long, se projetant dans la surface, il a été le bourreau d’un milieu mexicain qui repose pourtant sur deux de ses meilleurs éléments dans le tournoi, Eugenio Pizzuto et Benjamin Galdames. Une prestation XXL ponctuée d’un but et d’une avant-dernière passe totalement folle sur le but de la victoire des siens.

« Quand on me met en confiance, je suis un bon joueur » nous a-t-il glissé en interview d’après-match. Cette confiance, elle lui est permise aussi par la liberté que Fernando Batista lui a laissé face au Mexique et qui a fait de Telasco Segovia le maître du jeu de la Vinotinto, buteur et impliqué d’une merveille sur le but de la victoire. Une confiance qui a fait qu’en moins de deux semaines passées avec son sélectionneur, ce dernier est déjà conquis : « Telasco est un joueur avec une technique très intéressante qui s’ajoute à son activité. Il a joué aujourd’hui plus haut, il s’adapte à toutes les positions au milieu. C’est un joueur excellent techniquement, qui se projette jusqu’à la surface, marque des buts. J’espère qu’il continuera, qu’il continuera à apprendre car il est encore très jeune mais je suis très content pour lui. J’espère qu’il aura un bel avenir ». L’avenir passe à court terme par ce match face au Ghana avant de viser plus haut. Pour qu’enfin, l’Empereur Telasco III puisse commencer son règne à l’international.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.