Avant-centre du mythique Santos des années 1960, Coutinho bat certains des records de précocité de Pelé et est considéré comme le meilleur partenaire du Roi, avant d’entamer un rapide déclin en raison d’un problème de surpoids. Pour cette deuxième et dernière partie, on remonte sa carrière de l’année 1962 à la fin.
Première partie
En 1962, Coutinho débute une nouvelle fois l’année par un quadruplé, en amical contre Barcelona de Guayaquil. Dans le tournoi de Buenos Aires, Santos bat Racing, vainqueur du championnat argentin quelques semaines plus tôt, sur le score de 8-3, avec trois golaços de Coutinho. « Contre Santos, même le diable ne peut rien », titre la presse argentine. Coutinho découvre la Copa Libertadores, marquant un but en sortie de banc pour son premier match. Il s’offre un triplé une semaine plus tard dans la victoire 9-1 sur le Cerro Porteño. Santos termine en tête de son groupe et se qualifie pour les demi-finales, disputées après la Coupe du Monde. Toujours titulaire avec la Seleção, Coutinho marque contre le Paraguay et remporte une nouvelle Taça Owaldo Cruz. Le 12 mai, le Brésil bat le Pays de Galles 3-1 avec des réalisations de Garrincha, Pelé et Coutinho, qui marque, comme tant de fois, après un une-deux avec Pelé. Le Brésil perd cependant Pepe sur blessure et lors du match suivant, Coutinho doit quitter le terrain avant la fin du match, comme le rappelle Pepe à Milton Leite : « Son histoire est très semblable à la mienne. J’ai été blessé aux Coupes du Monde 1958 et 1962 et je n’ai pas pu jouer. Lui, seulement en 1962. Il a eu une blessure, cela a pris du temps pour se soigner. Il avait un problème au genou à cause de tous les coups qu’il prenait. Pelé et Coutinho ont formé un duo qui a finalement été restreint à Santos, mais ils auraient mérité d’avoir le même succès avec la Seleção ». Présent dans le groupe brésilien en espérant un hypothétique retour, Coutinho remporte la Coupe du Monde 1962, sans jouer la moindre minute, de quoi entraîner les regrets de Pelé : « L’une des choses qui m’a le plus touché, m’a rendu le plus triste, c’est que je voulais jouer avec Coutinho dans l’équipe de 1962. C’est dommage, il s’est blessé tôt au genou et après je me suis aussi blessé. Les personnes ne doivent pas oublier qu’il a aussi été convoqué en Seleção à seize ans ».
Champion du monde avec Santos
Un mois après le titre de champion du monde conservé par le Brésil, Coutinho retrouve le chemin des filets avec Santos en inscrivant un triplé lors de la victoire 5-0 sur Sportiva. Trois jours plus tard, Santos bat 5-1 le XV de Novembro, tous les buts du Peixe sont inscrits par Coutinho ! Santos est toujours privé de Pelé pour la finale aller de la Copa Libertadores, face au double tenant du titre, Peñarol. Au Centenario, le club uruguayen ouvre le score, mais Santos s’impose 2-1 grâce à deux exploits individuels de Coutinho. En l’espace de six jours, Coutinho marque dix buts en trois matchs. Défait au retour dans un match polémique, Santos peut compter pour le match d’appui sur le retour de Pelé, auteur d’un doublé au Monumental, pour remporter la première Copa Libertadores de son histoire. Aux côtés d’Enrique Raymondi et Alberto Spencer, Coutinho, impliqué sur deux buts lors du match d’appui, termine meilleur buteur du tournoi avec six réalisations.
Le titre en Copa Libertadores qualifie Santos en Coupe intercontinentale contre le Benfica d’Eusébio, qui a battu le Real Madrid de Di Stéfano et Puskás en finale de la Coupe des clubs champions. Santos accueille le match aller au Maracanã afin d’assurer une plus grande recette et d’avoir le soutien des cariocas, plus enclins à supporter Santos que les habitants de São Paulo. Coutinho est impliqué sur les deux buts marqués par Pelé et s’offre entre-temps un golaço. Le « gênio da área » contrôle le ballon de la poitrine, enchaîne avec un coup du sombrero sur Cavém et, sans laisser le ballon retomber au sol, conclut par une reprise de volée au fond des filets. Benfica s’incline 3-2, mais reste confiant pour le match retour à Lisbonne. Au stade da Luz, Santos offre finalement l’une des plus grandes démonstrations de football. Pelé est exceptionnel avec un triplé et une passe décisive pour Coutinho, Benfica sauve l’honneur avec deux buts en fin de match pour un score final de 5-2.
Santos est consacrée meilleure équipe du monde et reste en Europe, faisant notamment un 3-3 contre le Hambourg d’Uwe Seeler avec un doublé de Pelé et un but de Coutinho. Deux jours plus tard, Santos affronte Sheffield Wednesday, sixième du dernier championnat anglais. Devant 65 000 personnes, le Peixe s’impose 4-2 avec un triplé de Coutinho et un but de Pelé. Brian Ames écrit pour le Daily Mail : « Je le vois et je ne le crois pas. L’élite du football mondial nous a transportés hier vers une nouvelle dimension du sport. Les témoins de ce qu’il s’est passé à Sheffield diront à leurs enfants et petits-enfants que le football des Brésiliens est surnaturel ».
Santos - Benfica : quand Pelé porte Santos sur le toit du monde
En fin d’année 1962, Santos bat 2-1 la sélection d’URSS au Pacaembu avec des buts, évidemment, de Pelé et Coutinho, qui déclare : « L’année 1962 a été mon année, la meilleure année de ma vie. C’est l’année où j’ai mis le plus de buts [NDRL : ses cinquante-sept buts en 1962 sont en fait dépassés par les soixante-dix-huit inscrits en 1961], l’année où j’ai le mieux joué. J’étais très inspiré cette année. Je regrette un peu de m’être blessé et de ne pas avoir pu jouer la Coupe du Monde au Chili ». Coutinho, également en tête pendant un moment du classement des buteurs du championnat paulista, rate les trois derniers matchs de la compétition et cède le titre de meilleur buteur à Pelé, auteur de trente-sept buts contre trente-deux pour Coutinho. L’année 1962 termine même début 1963 pour Santos avec la Taça Brasil, où Santos entre en demi-finale. Contre Sport, le Peixe fait 1-1 à l’aller grâce à un but de Coutinho avant de s’imposer 4-0 au retour, Coutinho marquant les quatre buts du match dès la première mi-temps ! La finale est un choc au sommet contre le Botafogo de Garrincha, Santos s’impose 4-3 à l’aller avec un but de Coutinho, également buteur lors du match d’appui, remporté 5-0 par le Peixe. Santos réalise une nouvelle fois le doublé championnat paulista – Taça Brasil et Coutinho termine meilleur buteur de la Taça Brasil, répétant après la Copa Libertadores 1962 l’exploit de terminer artilheiro d’une compétition en jouant dans la même équipe de Pelé.
En 1963, Santos enchaîne une nouvelle fois les tournées et les titres, avec d’abord une excursion en Amérique du Sud, où le Deportivo Municipal est notamment battu 8-3 avec des triplés de Coutinho et Pelé. Santos remporte également le tournoi Rio – São Paulo, Coutinho ouvrant le score lors du match décisif, remporté 3-0 au Maracanã face à Flamengo. Le « Feitiço da Vila » retrouve la Seleção lors d’une tournée en Europe, où le Brésil aligne neuf joueurs de Santos face à l’Allemagne de l’Ouest ! La Seleção s’impose 2-1 avec des buts marqués, évidemment, par Pelé et Coutinho, qui doit pourtant faire avec une douleur persistante au genou et des kilos superflus. Les dirigeants de Santos en profitent pour enchaîner avec une tournée en Europe, le temps pour Coutinho de marquer face à la Roma et la Juventus. De retour au Brésil, Santos élimine Botafogo pour se qualifier pour une nouvelle finale de Copa Libertadores, face à Boca Juniors. Au Maracanã, Coutinho marque deux buts dans les vingt premières minutes et Santos prend une option sur le titre avec une victoire 3-2. Au retour, dans l’ambiance hostile de la Bombonera, Santos est mené 1-0 avant d’inverser la tendance grâce à son duo éternel : Pelé sert Coutinho pour le but de l’égalisation, Coutinho sert Pelé pour le but du titre, Santos conserve sa couronne. En fin d’année, le Peixe remporte une nouvelle Coupe Intercontinentale après trois matchs contre l’AC Milan où Coutinho reste muet, la faute à un but refusé par l’arbitre à l’aller et à un arrêt exceptionnel de Ghezzi au retour.
Problème de poids et aux genoux
Coutinho revient de vacances pour la saison 1964 avec quelques kilos en trop, ce qui lui vaut des remarques de l’entraîneur Lula, comme se souvient son coéquipier Pepe : « Lula disait : “Coutinho, tu as grossi hein ?” Coutinho touchait le ventre de Lula et disait : “Vous aussi coach !”. Ça faisait rire Lula. Le poids, pas si en excès, ne lui faisait pas de mal, il semblait encore plus fort, il encaissait mieux les coups. Mais quand la saison commençait, quand il revenait de vacances en surpoids, là oui, il avait des difficultés ». Des difficultés relatives puisque Coutinho débute l’année par un doublé contre Grêmio, en demi-finale de la Taça Brasil. Pelé ajoute un but pour une victoire 3-1 dans un match où les deux attaquants multiplient une nouvelle fois les tabelinhas. En finale aller, pour la belle face à Bahia après le succès du club baiano en 1959 et la revanche de Santos en 1961, la tabelinha entre Pelé et Coutinho devient cette fois aérienne, comme l’écrit le journal A Tribuna de Santos : « Le duo s’échangea le ballon dans les airs, depuis le milieu de terrain. Pelé l’a contrôlé de la poitrine, a réalisé un coup du sombrero sur un défenseur et l’a redonné à Coutinho, qui a fait la même chose et a renvoyé le ballon. Sans espace pour contrôler, Pelé a sauté et a touché le ballon de la tête. Coutinho a répété le geste. Pelé a fait une nouvelle tête et les deux ont fait des échanges jusqu’à la surface de Bahia. Les défenseurs apeurés ne croyaient pas ce qu’ils voyaient, jusqu’à la conclusion de l’action ». Dans le livre Coutinho, o gênio da área de Carlos Fernando Schinner, Coutinho explique : « On ne travaillait jamais les une-deux à l’entraînement. On ne s’est jamais entraîné à faire ça. C’était de l’instinct pur, il n’y avait rien de convenu avant, à la mise au vert ou dans le bus. On préférait jouer de la musique et s’amuser. Je savais où il était, notre communication était seulement dans le regard ». L’action exceptionnelle contre Bahia ne se termine pas au fond des filets, mais le Tricolor baiano subit une avalanche de buts : doublés de Pelé et Pepe, buts de Coutinho et Mengálvio, Santos s’impose 6-0 et remporte quelques jours plus tard son troisième championnat brésilien consécutif.
Le duo Coutinho – Pelé continue de briller dans le Tournoi Rio – São Paulo, où Coutinho termine meilleur buteur de la compétition avec onze buts en neuf matchs. Santos est déclaré co-champion avec Botafogo, les deux équipes ne trouvant pas de date pour le match retour au milieu d’un calendrier surchargé. Pour la sixième année consécutive, Santos réalise une tournée européenne, seule manière pour la direction de conserver son effectif rempli de stars. Contre le Borussia Dortmund, Coutinho se blesse gravement, une nouvelle fois au genou, et doit être opéré au Brésil : « À l’époque, ils faisaient une énorme ouverture et il fallait rester plus d’un mois avec la jambe surélevée. Cela ne solutionnait pas le problème, bien au contraire. Ils ont opéré mon genou gauche, puis le droit et une nouvelle fois le droit, j’ai été opéré trois fois du ménisque », rappelle Coutinho. En son absence, le jeune Toninho Guerreiro forme un nouveau duo extrêmement efficace avec Pelé et pousse doucement Coutinho vers la sortie.
La vengeance sur Osvaldo Brandão
Coutinho revient à la compétition pour le championnat paulista 1964, où Santos s’incline notamment face au Botafogo de Ribeirão Preto. Osvaldo Brandão, entraîneur de Botafogo et habitué aux provocations, apostrophe Coutinho : « Et alors le dix-sept, c’est difficile aujourd’hui ? ». Coutinho met du temps à comprendre la référence au numéro dix-sept, en fait une remarque raciste puisque le dix-sept est associé au singe dans le populaire jogo do bicho, la loterie illégale au Brésil. Avant le match retour, Pelé et Coutinho se rendent à l’hôtel des joueurs de Botafogo pour apercevoir Osvaldo Brandão, comme le rappelle Coutinho : « Notre idée était de provoquer Brandão, qui s’énervait quand on l’appelait Caçamba. À notre grande surprise, lui et les joueurs étaient assis devant la porte de l’hôtel, en train de discuter. J’ai garé la voiture, on est sortis et on les a entendus nous insulter : “Bande de singes, on va vous exploser demain !”. Le lendemain, Santos a gagné 11-0. Pelé était inspiré, il a mis huit buts, les autres buts ont été marqués par Pepe, Dorval et moi. S’il n’y avait pas eu le gardien Machado, considéré comme le meilleur joueur du match, Botafogo aurait pris quinze ou vingt buts ».
Osvaldo Brandão est démis de ses fonctions et rebondit dans la foulée au Corinthians, où il était toujours le dernier entraîneur à avoir remporté le championnat paulista avec le club, dix ans plus tôt. Le Corinthians entre ensuite dans une pesante disette, principalement à cause d’un Santos ultra-dominateur dans le championnat, mais ses supporters reprennent espoir en 1964. Osvaldo Brandão effectue son retour avec un match contre… Santos, alors que les deux équipes ont chacune trente-huit points à quelques journées de la fin. Le Pacaembu est plein, avec près de soixante mille spectateurs, l’immense majorité acquise à la cause du Corinthians. Quinze jours après le 11-0 contre Botafogo, le duo Pelé – Coutinho poursuit sa vengeance contre Osvaldo Brandão : Santos s’impose 7-4 avec un quadruplé de Pelé et un triplé Coutinho, et le Peixe file vers un nouveau titre du championnat paulista. Se vengeant du surnom « dix-sept », Coutinho appelle désormais Osvaldo Brandão « dix-huit », en référence aux dix-huit buts encaissés par le technicien en deux matchs contre Santos. L’année 1964 se termine avec la Taça Brasil, le championnat national de l’époque. Buteur en demi-finale contre Palmeiras aussi bien à l’aller qu’au retour, Coutinho récidive en finale aller contre Flamengo. Pelé ajoute un triplé pour une victoire 4-1, puis le 0-0 au retour au Maracanã permet à Santos de remporter sa quatrième Taça Brasil consécutive. Coutinho termine l’année avec vingt-neuf buts, au cours d’une saison qui l’a vu perdre sa place de titulaire au profit de Toninho Guerreiro.
Sur le déclin
Coutinho débute l’année 1965 par deux doublés, contre Botafogo puis contre la sélection de la Tchécoslovaquie, vice-championne du monde. Le second match se termine par une victoire 6-4 de Santos avec également un triplé de Pelé et est considéré comme l’un des plus grands de l’histoire de Santos, qui remporte le prestigieux tournoi international du Chili. Déjà absent lors de la Copa Libertadores 1964, où Santos avait cédé sa couronne à Independiente, Coutinho rate la phase de groupes de la Libertadores 1965, son excès de poids gênant sa récupération après de nouvelles douleurs au genou. « Si tu ne perds pas du poids, je vais perdre mon emploi », l’avertit le préparateur physique du club, Alcino Pelegrini. « Toute ma vie, j’ai dû vivre avec ce problème. Je mangeais beaucoup et mal, j’adorais manger la graisse du contre-filet et encore aujourd’hui je suis dingue du torresmo. Et ensuite, je prenais une bière, car il n’y avait pas le contrôle qu’il y a aujourd’hui », explique Coutinho. Santos recrute le docteur Tancredi Greco, spécialiste de la perte de poids et qui aide Coutinho à se débarrasser de quelques kilos. Pourtant, malgré ces kilos perdus, Coutinho est moins convaincant sur le terrain et encaisse moins bien les coups.
Coutinho reprend un peu de poids et retrouve le chemin des filets, marquant aussi bien à l’aller qu’au retour contre Peñarol en demi-finale de la Copa Libertadores. Le gênio da área est muet lors du match d’appui et Santos est éliminé après prolongation. Coutinho marque ensuite lors de matchs amicaux, notamment dans la victoire 11-1 contre Maringá, où il est cependant éclipsé par Pelé, auteur d’un triplé, et Toninho Guerreiro, qui marque quatre buts. Coutinho profite de l’absence de Pelé, en une tournée européenne avec la Seleção, pour marquer un doublé contre Vasco. Le journaliste Antônio Guenaga écrit alors : « Nous voulons rendre justice à un homme oublié en Seleção, l’avant-centre Coutinho. Une légende s’est créée disant que le numéro 9 est gros. Mais les apparences sont trompeuses et il n’a pas perdu la classe qu’il a si souvent montrée. Hier, Coutinho a montré qu’il valait… ce qu’il pesait. Ce deuxième but, marqué après un mouvement de corps, montre son agilité et sa classe. […] Nous croyons beaucoup en Coutinho, ce n’est pas exagéré d’espérer sa convocation pour la Coupe du Monde 1966. La performance d’un autre attaquant contre la Belgique n’a pas convaincu. Et il est bien connu que Pelé est plus Pelé avec Coutinho, et Coutinho est plus Coutinho avec Pelé ».
Coutinho marque contre Boca Juniors et River Plate, permettant à Santos de remporter le tournoi de Buenos Aires. Le Peixe domine le championnat paulista avec treize buts de Coutinho et onze de Toninho Guerreiro, alors que Pelé est « hors-concours », marquant quarante-neuf buts en vingt-sept matchs, dont un triplé lors du match du titre, remporté 4-0 contre le Juventus, Coutinho complétant la marque. Santos décroche également une cinquième Taça Brasil consécutive, où Coutinho ouvre le score lors de la finale aller contre Vasco. Coutinho fait partie des pré-convoqués par Vicente Feola pour la Coupe du Monde 1966, mais ne fait finalement pas partie de la liste finale. Sans regret pour Coutinho, qui déclare ensuite : « Parfois, j’ai demandé à ne pas être convoqué. Non pas pour ne pas servir mon pays, mais à cause de la direction. J’ai perdu l’intérêt, en plus la prime était plus intéressante à Santos ». Coutinho dispute donc son dernier match avec le Brésil en 1965, pour un bilan de six buts en quinze matchs, avec un énorme regret, son absence à la Coupe du Monde 1962, où il aurait pu reproduire en sélection son duo inarrêtable avec Pelé.
En 1966, Coutinho perd définitivement sa place de titulaire au sein de l’attaque santista, entre excès de poids et problèmes au genou. Coutinho a alors seulement vingt-trois ans, sa précocité fut telle que son déclin semble avoir eu lieu à un âge bien plus avancé. Le meilleur partenaire de Pelé est encore capable de coups d’éclat, comme en fin d’année 1966, lors d’un match contre le Corinthians. Coutinho revient de blessure et peine à courir, mais il est confirmé dans l’équipe par Lula, qui lui dit : « Le Corinthians n’a pas peur de Pelé, ils ont peur de toi ». Coutinho marque les trois buts du match dès la première mi-temps, mais s’attire les reproches de Pelé, qui le trouve trop personnel et désintéressé du jeu. Le commentateur Mário Morais explique après le match : « C’est impressionnant, Coutinho a fait quelque chose que même Pelé n’a pas réussi dans sa vie : il a joué quatre-vingt-dix minutes sous la pluie, il a quitté le terrain avec le maillot mouillé, car il n’a pas joué avec un parapluie, mais il est sorti avec les chaussures, les chaussettes, le short et le maillot complètement blancs. Il n’a pratiquement pas touché le ballon et n’a eu aucun duel avec un adversaire. Il a été le pire joueur du match, Santos a joué avec dix joueurs. Mais il a gagné le match à lui tout seul ». Cinq jours plus tard, Coutinho marque quatre buts dans une victoire 7-5 contre Comercial, ses derniers buts de l’année.
Auteur de seulement cinq buts en 1967, tous marqués lors de matchs amicaux, Coutinho quitte Santos en 1968, ce qui n’empêche pas le Peixe et son duo Pelé – Toninho Guerreiro de tout remporter au cours de l’année. Coutinho passe par Vitória puis la Portuguesa, où il retrouve son ancien entraîneur Lula. En 1969, le « Feitiço da Vila » effectue son retour à Santos, partageant son temps entre le football et la plage de Santos, où le sélectionneur João Saldanha vient le trouver puisqu’il rêve de reformer le duo Pelé – Coutinho pour la Coupe du Monde 1970 : « Je suis venu de Rio jusqu’à toi. J’ai besoin de toi pour mon attaque, car Tostão est blessé et je ne vois personne pour le remplacer », lui glisse Saldanha. Coutinho, hors de forme, refuse et son duo avec Pelé est limité à Santos. Début 1970, Santos fait un match nul 2-2 contre Boca Juniors avec des buts de Coutinho et Pelé, puis le Peixe remporte une nouvelle fois le toujours prestigieux tournoi international de Santiago. Lors du match décisif contre Universidad Católica, Coutinho ouvre le score et Santos s’impose finalement 3-2 avec un doublé de Pelé. Coutinho marque son dernier but avec Santos lors du championnat paulista 1970 et dispute son dernier match avec le Peixe quelques mois plus tard, un 0-0 contre l’America où il ne fait pas d’éclat. Ses statistiques avec Santos s’arrêtent à quatre-cent-cinquante-sept matchs et trois-cent-soixante-dix buts, Coutinho atteignant la barre des trois cents buts en club l’année de ses vingt-et-un ans !
Santos 1968, l'année parfaite
Flirtant avec la barre des cent kilos, Coutinho passe par le Mexique, à l’Atlas, avant de revenir au Brésil, à Bangu et Saad de São Caetano, où il raccroche définitivement les crampons, à trente ans seulement. Coutinho, toujours adepte de la boisson, de la plage et des femmes, devient ensuite entraîneur, alternant entre équipes principales et jeunes, et s’investit dans un projet social de la ville de São Paulo, où il entraîne des jeunes en difficulté. Coutinho aurait mérité une plus grande reconnaissance internationale, un manque qui s’explique par une courte carrière avec la Seleção et aucun match en Coupe du Monde, ainsi que le fait de jouer aux côtés de l’indétrônable Pelé. Coutinho garde cependant le respect de ses pairs, notamment Tostão qui le classe parmi les quatre meilleurs avant-centres qu’il a vu jouer aux côtés de Romário, Ronaldo et Reinaldo alors que Gilmar, gardien du mythique Santos, déclare : « En termes de rapidité, tranquillité et efficacité, Coutinho n’avait pas d’égal. Et ceux qui ont assisté aux matchs de Santos ont certainement observé qu’il ne marquait jamais en force, il mettait juste le ballon hors de portée des gardiens ».
Au-delà des buts et des titres de Santos, le plus grand exploit de Coutinho est certainement d’avoir été considéré comme le plus grand partenaire de Pelé, allant même parfois jusqu’à être confondu avec le Roi, sur et même en dehors du terrain. Dans son livre Seleção Brasileira de Histórias do Futebol, Marcelo Schwob écrit : « Coutinho était souvent confondu avec Pelé, pas seulement pour la physionomie, mais pour l’attitude et la façon de bouger sur le terrain. Une fois, blessé au poignet, il a utilisé un bandage. Certains pensaient que c’était pour se différencier de Pelé, mais quand il a récupéré de sa blessure, il a retiré le bandage. L’histoire est restée. Lors d’une tournée de Santos en Allemagne, les joueurs sont allés dans une boîte de nuit. Coutinho a commencé à danser avec une fille, mais ses coéquipiers ont vu que la fille était allée aux toilettes des hommes et l’ont averti : “C’est un homme, il te dupe”. Et Coutinho a répondu : “Moi aussi, elle pense que je suis Pelé”. Pour ce qui est du football, la symbiose entre les deux cracks était immense et dans la presse on disait que Pelé était plus Pelé quand il jouait avec Coutinho ». Antônio Wilson Honório meurt à soixante-quinze ans le 11 mars 2019, mais le joueur Coutinho est lui immortel, tout comme ses « tabelinhas » avec Pelé, désormais effectuées sur les terrains de football célestes.
