Ce dimanche soir, Porto Alegre n’aura d’yeux que pour cette rencontre. Pour la 404e fois de l’histoire, les rouges de l’Internacional et les bleus et noirs du Grêmio se rencontreront. Pour la 404e fois, le Gre-Nal embrasera toute une région. Et aura un parfum particulier pour un joueur : Anderson.

Le nouveau Ronaldinho

Anderson Luís de Abreu Oliveira est un enfant de Porto Alegre. Né le 13 avril 1988 dans la capitale du Rio Grande do Sul, il n’a que cinq ans quand il entre dans les équipes de gamins du Grêmio, celles qui quelques années plus tôt on fait éclore un certain Ronaldinho. Comme Ronnie, Anderson est orphelin de père dès son plus jeune âge. Comme Ronnie, c’est au sein des écoles de jeunes du centre de formation de Grêmio qu’il se révèle.

Estampillé « nouveau Pelé » à 11 ans, deux ans plus tard, il devient le « nouveau Ronaldinho ». Il n’a que 16 ans quand Cuca décide de le lancer dans le grand bain. Sa première apparition se fait lors du 363e Gre-Nal au cours duquel il inscrit son seul but dans un grand clássico Gaúcho sur un coup-franc à la 92e minute.

Le nouveau prodige de Grêmio est alors définitivement incorporé à l’effectif professionnel. Après une augmentation de salaire, il devient titulaire à 17 ans d’un Tricolor Gaúcho en pleine crise financière et qui s’apprête à vivre une saison délicate après la relégation de 2004, la deuxième de son histoire.

Le héros de la ‘Batalha dos Aflitos’

Une saison en enfer. En 2005, Grêmio est engagé dans une Serie B marathon divisée en trois phases. Une première phase classique de championnat à 22 qui permet, au terme de 21 journées, de qualifier les huit premiers pour la seconde phase au cours de laquelle les huit sont répartis en deux groupes de quatre. A l’issue de matchs aller-retour, les deux premiers de chaque groupe se qualifient alors pour la phase finale, nouveau groupe de 4 qui envoie alors les deux premiers en Serie A. Le 26 novembre 2005, Grêmio, leader avec 9 points, se déplace à l’Estadio dos Aflitos pour y défier Náutico, troisième, qui espère retrouver l’élite après 11 ans d’absence.

Le climat est électrique, le peuple rouge et blanc de Náutico met une pression énorme sur les joueurs du Grêmio (allant jusqu’à les enfermer dans les vestiaires), le match quant à lui est tendu, engagé. Le Timbu obtient un penalty en première période mais Bruno Carvalho voit sa frappe repoussée par le poteau. Cela ne fait qu’accroitre la tension. Grêmio s’occupe à bien défendre, profitant de sa position de leader au coup d’envoi. Les minutes défilent, la pression exercée par Náutico est énorme, Grêmio attend son heure, plie mais ne craque pas. Jusqu’à la 70e minute.

Nouvelle offensive de Náutico, le ballon touche le coude de Nunes, Djalma Beltrami, arbitre de la rencontre désigne le point de penalty. Fureur dans les rangs du Grêmio. Les joueurs foncent sur l’arbitre de la rencontre qui dégaine 4 cartons rouges contre eux. La police entre sur la pelouse, la rencontre est alors arrêtée pendant 25 minutes. La confusion est totale. 25 minutes de bataille rangée avant que le match finisse par reprendre sur le penalty d’Ademar. Galatto repousse le penalty, Kuki, attaquant du Náutico  s’écroule à l’entrée de la surface, abattu. Il ne se doute pas que sur le contre, Anderson, du haut de ses 17 ans, va entrer dans l’histoire. Servi par Marcelo Costa, il élimine Batata qui le descend. Coup-franc pour Grêmio, carton rouge pour le capitaine du Náutico. Marcelo Costa joue rapidement le coup-franc, Anderson file dans la surface et trompe Rodolpho. 71 secondes après l’arrêt de Galatto, Grêmio ouvre le score et tue le suspense. Le Tricolor de Mano Menezes (dans lequel évolue alors un autre gamin au destin anglais, Lucas Leiva) est sacré champion, il retrouvera l’élite brésilienne, Náutico termine troisième. Le gamin de 17 ans entre dans la légende du club, il restera le héros de la ‘Batalha dos Aflitos’.

 

Retour en rouge

La suite de l’histoire d’Anderson est connue, elle s’écrit en Europe. De Porto à Manchester, l’attaquant devient milieu défensif, réalise deux belles saisons en 2007 et 2008 avant de finir par perdre sa place dans le onze mancunien touché notamment par les blessures et de faire une pige ratée en Italie. Le 3 février dernier, l’information tombe, la rumeur est confirmée, le dernier joyau du Grêmio s’engage pour le grand rival Internacional. Lors de la conférence de presse suivant sa présentation, il répond « Je suis sorti par la grande porte. Mais maintenant, mon club c’est l’Inter. Je respecte les fans du Grêmio mais ainsi est le football ». Pour ses débuts face au Cruzeiro local, il manque un penalty. Quelques jours plus tard, il sort après 35 minutes lors d'un déplacement raté en Bolivie. Ce dimanche, il retrouve ainsi Grêmio.

S’il n’est pas le premier gremista à signer à l’Inter (Réver, son coéquipier, arrivé cette année aussi, en est également un), Anderson reste cependant l’un des derniers héros Tricolor. Ce soir, à l’heure du 404e Gre-Nal où il a promis de célébrer s’il venait à marquer, nul doute que ses anciens fans auront comme un pincement au cœur. Mais ainsi est le football.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.