Petit club de São Paulo, l’Associação Desportiva São Caetano a connu une ascension vertigineuse en quelques années avant de chuter jusqu’au plus bas. Retour sur une histoire marquée par une grande tragédie.

Fondé en 1989, le São Caetano est l’histoire de la volonté d’un groupe de personnes, menées par la famille Tortorello, de relancer le football professionnel dans une ville orpheline du São Caetano Esporte Clube, devenu ensuite Associação Atlética São Bento lors d’un court intermède dans les années cinquante et de Saad Esporte Clube qui ferme ses portes la même année de l’arrivée de l'Associação Desportiva São Caetano. Le club adopte les couleurs de la ville et dispute son premier match en troisième division du Paulista le 18 mars 1990. En 1993, seulement quatre ans après sa création, l’Azulão atteint déjà l'élite du championnat de l'État de São Paulo et ne cesse alors de progresser.

Jusqu’aux sommets du continent

Il attend le tournant des années 2000 pour franchir le palier le plus important. Vice-champion de la Serie C du Brasileirão en 1998, São Caetano dispute la Serie B l'année suivante dont il remporte la première phase avant de tomber lors de la deuxième face à Santa Cruz. L'année suivante, le club bénéficie de la bataille juridique lancée notamment par Vasco et d’un championnat organisé par le Clube do Treze qui transforme le Brasileirão en championnat à cent-seize équipes. Ce tournoi, nommé Copa João Havelange, marque un tournant décisif pour le São Caetano lorsqu'il atteint la finale du Módulo Amarelo, s'inclinant face au Vasco de Juninho Pernambucano et Romário dans des circonstances controversées avec notamment une finale retour rejouée en début d’année 2001 après le drame du São Januário (une histoire à retrouver dans le LOmag n°18).

En 2001, emmené par Mancini, le club poursuit son ascension en atteignant de nouveau la finale du championnat brésilien, mais il est défait par l'Athletico Paranaense d’Ilan. Cette performance lui ouvre néanmoins les portes de la Copa Libertadores 2002. Pour sa première participation, l’Azulão dirigé par Jair Picerni prend place dans le Groupe 1 aux côtés de Cobreloa, Cerro Porteño et Alianza Lima. Avec dans ses rangs un Marcos Senna qui vit sa dernière saison brésilienne avant de rejoindre l’Espagne, São Caetano élimine successivement Universidad Católica puis Peñarol aux tirs au but avant d’affronter l’América de Manuel Lapuente et son buteur nommé Iván Zamorano. Deux buts à l’aller à la maison, signés Somália et Adãozinho, un autre d’Ailton au retour pour ramener le nul de l’Azteca permettent à São Caetano de signer un véritable exploit : se hisser en finale. Face à lui, un géant nommé Olimpia. Lors du match aller à Asúncion, le petit club brésilien créé un nouvel exploit en s’imposant 1-0 au Defensores Del Chaco grâce à un but d'Aílton à l'heure de jeu. Une semaine plus tard, le 31 juillet 2002, plus de 30 000 personnes se sont massées au Pacaembu pour voir São Caetano aux portes d'un exploit retentissant. Un nul suffit pour remporter le titre et tout semble bien parti lorsqu’Ailton, encore lui, ouvre la marque à la demi-heure de jeu. Mais le Decano paraguayen réplique : Fernando Córdoba égalise, Richard Báez double la mise à l’heure de jeu, Olimpia arrache les tirs au but. Silvio Luiz ne peut que toucher la tentative de Julio César Enciso, Marlon et le regretté Serginho (dont l’histoire tragique vous est racontée ici) envoient leur tentative dans les nuages, Olimpia décroche sa troisième Libertadores, la dernière à ce jour. Si l’exploit fut proche, l’espoir généré par ce petit club brésilien est immense.

Malédiction

Cet exploit connait quelques joyeux lendemains : en 2004, alors dirigé par Muricy Ramalo, São Caetano remporte son premier Paulista, en éliminant São Paulo au Morumbi (2-0) puis Santos (3-3 à Vila Belmiro, 4-0 au retour), le Pequeno Gigante do Brasil s'impose 3-1 à en finale aller face à Paulista, puis 2-0. En octobre de la même année, le décès tragique de Serginho au Morumbi signe le début d’une malédiction. Fortement sanctionné après avoir été reconnu responsable pour négligence, São Caetano se voit infliger un retrait de vingt-quatre points et passe quelques saisons à tenter de sauver sa place dans l’élite, même s’il subsiste encore en Paulista, disputant notamment la finale en 2007 sous la direction de Dorival Júnior. Relégué en Serie B en 2006, le club est à un rien de tomber en Serie C en 2011, chose qui se produit en 2013, malgré l’arrivée de Rivaldo avant la chute en quatrième division l’année suivante. Depuis, le club vivote dans les profondeurs même du Paulista, avec un intermède, en 2019 lors d’un quart de finale. Puis, la famille Klein, fondatrice des magasins de meubles et électroménager Casas Bahia, qui a soutenu financièrement le club pendant des années, se retire après un désaccord avec Nairo Ferreira de Souza, président du club pendant plus de deux décennies et suspendu deux ans après le drame du Morumbi. São Caetano plonge alors dans une crise profonde, entraînant même la grève des joueurs professionnels lors de la Serie D 2020, dernière apparition nationale de l’Azulão.

Après avoir été mis aux enchères sans succès, le club est vendu à l'entrepreneur Manoel Sabino Neto, puis à Jorge Machado, agent de joueurs renommé. Sous la direction de Machado, des efforts sont faits pour réorganiser le club, y compris une tentative avortée de changer l'emblème du club qui rencontre alors une forte opposition des supporters. Machado a investi entre 15 et 20 millions de réais de sa poche pour maintenir le club à flot et veut faire revivre le club en s’appuyant sur la formation de jeunes talents. Mais la malédiction se poursuite. En 2024, le club est relégué de Serie A3 et plonge vers l’avant-dernier échelon du championnat d’État de São Paulo. L'Azulão touche le fond.

Club créé pour ramener le football professionnel dans sa ville et géré comme un club-empresa, São Caetano a tout connu en à peine plus de trois décennies d’existence. De la rapide ascension aux sommets du continent, s’attirant l’affection de bon nombre de Brésilien, le petit club au maillot bleu reste profondément marqué par un drame qui a marqué le début d’une inexorable chute. Il incarne à la fois la gloire éphémère et les défis perpétuels des petits clubs de football au Brésil.

 

Avec Nicolas Cougot

Vincent Dupont
Vincent Dupont
Éperdument amoureux d'une région où fútbol est synonyme de religion, sur les rives du Rio de la Plata j'assouvis ma passion.