Il y avait bien un match de prestige dans la Péninsule arabique ce jeudi. Pas la supercherie marketing se déroulant à Ryadh, mais bien la finale de la Coupe du Golfe. La grande fête du football régional vient de se refermer sur une victoire bien méritée de l’Irak dans une finale qui n’a rien à envier à un certain Argentine – France, même si elle fut témoin d’un drame. Résumé.

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Seize ans après leur sacre inattendu en Coupe d’Asie, les Irakiens décrochent une nouvelle médaille d’or en battant Oman, à la maison qui plus est. Basra, ville portuaire donnant sur le Golfe arabo-persique, accueillait la compétition – une première pour le pays depuis 1979 – dans ses deux stades flambants neufs, le Basra International Stadium (65 000 places) et le Al-Minaa Olympic Stadium (30 000 places). Cette compétition, organisée de manière biannuelle entre les six pays du Golfe ainsi que le Yémen et l’Irak, voit souvent un manque d’homogénéité entre ses participants. Outre le Yémen, dont la terrible situation rend impossible le travail dans des conditions potables et qui fait systématiquement office de punching-ball, certaines équipes se présentent avec des équipes B, voire espoirs.

Ambitions diverses

Ainsi, le Qatar a envoyé des réservistes et quelques mondialistes secondaires, en sus du coach Bruno Pinheiro. L’Arabie saoudite a fait encore mieux en ne convoquant que six joueurs ayant connu la joie d’une titularisation ! Encore une fois, Renard envoie la jeunesse saoudienne se frotter au plus haut niveau, sous la houlette de Saad al-Shehri, pour engranger une expérience salutaire dans le renouveau de l’équipe nationale. Arruabarrena, le coach des Émirats arabes unis, a fait dans le cocasse en ne convoquant pas son meilleur buteur Ali Mabkhout pour « préparer l’avenir », tout en sélectionnant les vieux Abbas, Tagliabue ou Eisa. Le Koweït, à la masse depuis des années, tente de s’extirper du sommeil profond dans lequel il semble plongé, voyant ses années d’or disparaître inexorablement dans le rétroviseur. Finalement, les favoris ne sont pas forcément ceux auxquels on pense. Bahreïn, vainqueur de la dernière édition, toujours dur à cuire sous les auspices de Helio Sousa. Oman et son coach Ivankovic, pas loin d’avoir sa statue à Mascate. Évidemment l’Irak, à domicile et bénéficiant de ses « Scandinaves » Ghasem, Al-Ammari et Amin. Sans compter Aymen Hussein, Ibrahim Bayesh ou Amjad Attwan qui prennent enfin la place qu’ils méritent en sélection. L’Espagnol Jesús Casas, à peine arrivé, imprime sa patte technique assez rapidement.

La phase de groupes est conforme aux attentes. Dans le groupe A, Irakiens et Omanais sortent facilement vainqueurs des jeunes Saoudiens et des Yéménites, sans se départager entre eux. Le match IrakArabie saoudite se déroule sous une flotte impressionnante, transformant le terrain en pataugeoire. Dans le groupe B, Bahreïnis et Qataris passent en demies, renvoyant le Koweït et les Émirats à leurs doutes et leur médiocrité. En demi-finale, la puissance de l’Irak a raison des réservistes qataris, alors que dans l’autre match, il faut un but magnifique de Jamil Al-Yahmadi pour qu’Oman l’emporte sur Bahreïn.

Du drame à la joie

On s’attendait alors au grand moment du football irakien. Malheureusement, la finale a été précédée d’un terrible drame. Plusieurs heures avant le coup d’envoi, une foule immense se pressait aux abords du Basra International Stadium, attendant l’ouverture des portes. Une foule bien trop dense, composée de personnes possédant leur ticket, d’autres possédant des tickets qui se sont avérés être des faux et enfin de personnes envisageant de s’en procurer sur place alors que, selon la fédération, 90% des billets avaient été vendus bien avant le coup d’envoi. Comme toujours en pareilles circonstances, un mouvement de foule a été à l’origine du drame lorsque les portes furent ouvertes. Les conséquences sont terribles : quatre morts, plus de quatre-vingts blessés. Les portes ont ensuite été fermée, les autorités locales poussant pour que la finale se dispute alors que le stade était plein, des écrans géants étant installés à divers endroits de la ville. Cinq heures avant le coup d’envoi, le stade était ainsi totalement plein, ceux qui étaient présents dans l’enceinte n’attendaient alors qu’une chose, retrouver la joie.

Sur la dernière des marches, on se dit que la baraka irakienne allait se prolonger. Le tir croisé d’Ibrahim Bayesh surprenait le gardien omanais et plonge le stade dans la liesse à la 24e minute de la rencontre, alors que le gardien Jalal Hassan, spécialiste ès boulettes, stoppait l’horrible penalty d’Al-Yahmadi à la 82e, faisant exulter la foule une deuxième fois. On se disait alors que les carottes étaient cuites pour les Omanais. Mais c’était sans compter sur un nouveau penalty à la dernière minute du temps additionnel qui envoyais tout le monde en prolongation. Celle de l’apothéose. Le match était tendu, aucune des deux équipes ne se livrait vraiment. Mais à la 116e, nouveau penalty, cette fois pour les hôtes ! Attwan transforme et scellait définitivement la victoire de l’Irak. Mais non ! Deux minutes plus tard, Al-Yahmadi électrisait le flanc droit et centrait pour Al-Malki qui glaçait le stade de Basra. La chance a tourné pour les Irakiens, pense-t-on, Oman va prendre l’ascendant psychologique en vue des tirs au but. Que nenni ! Sur l’action suivante, Manaf catapulte le centre d’Attwan dans les filets d’Al-Mukhaini. C’en est fini de la résistance omanaise, les Lions glanent le trophée pour de bon, leur quatrième dans la compétition, le premier depuis 1988. Aymen Hussein est élu meilleur buteur du tournoi, tandis que Bayesh obtient le prix du MVP, une récompense hautement méritée.

C’est la fête pour le peuple irakien, un bonheur dont il fut privé bien trop longtemps ces dernières années, et dont on espère que les déboires ne seront plus qu’un mauvais souvenir d’ici peu. Serait-ce également la voie de la stabilité pour le football irakien qui se cherche un mentor depuis Katanec ? Avec la pléiade de jeunes talents de la diaspora qui se font les dents en Europe (Iqbal à Manchester, Siddik à Crystal Palace, Al-Hammadi à Wimbledon, Aoraha à QPR, sans compter tous les « Suédois »), et sous réserve de laisser Casas bosser convenablement, l’Irak pourrait se remettre à rêver très prochainement. Prochain rendez-vous du foot arabe, le West Asian Football Federation Championship aux Émirats en mars !

 

Photo une : AHMAD AL-RUBAYE/AFP via Getty Images

Boris Ghanem
Boris Ghanem
Chroniques d'un ballon rond au Moyen-Orient, de Beyrouth à Baghdad, de Manama à Sanaa, football sous 40 degrés à l'ombre d'un palmier.