Club Africain - Espérance, acte 141

Après la galère du huis-clos, le derby entre le Club Africain et l’Esperance Sportive de Tunis va retrouver un semblant de dignité, à l’occasion de sa 141ème édition. Du fait des restrictions et des limitations, on sera encore loin du faste de ce qui est le troisième derby le plus chaud d’Afrique et du monde Arabe, derrière Raja-Widad et El Ahly-Zamalek. Mais une fois de plus, pendant la semaine qui précède et celle qui suit ce match, la capitale sera coupée en deux.

Au-delà de la rivalité entre deux quartiers (Bab Jedid pour le CA, Bab Souika pour l’EST) entre deux fiefs et complexes sportifs (Le Parc A sur les rives du lac, le Parc B à Montplaisir) et entre les innombrables groupes d’Ultras (Les Africain Winners, les Supras Sud, entre autres) le derby de Tunis est le duel de ce qui se fait de mieux dans ce pays niveau haine et adoration.

Depuis plusieurs décennies, CA-EST ne porte pas de connotation géographique ou sociologique précise. Les deux clubs sont populaires dans tout le territoire, avec quelques fois des tendances régionales qui n’obéissent pas à des règles. Comme l’explique Abdallah et Ghazi, supporters Clubiste et Espérantiste installés à Sousse : " Il peut y avoir des disparités au niveau des villes, par exemple trouver une majorité de supporters de l’EST à Kairouan, ou de nombreux sympathisants du Club Africain dans la région du Sahel. A l’époque ou il n’y avait ni huis clos ni limitation, par exemple, le parcage du CA pour les matches contre l’Etoile du Sahel était constitué à 90% de gens qui habitent à Sousse ou aux environs. Très peu de bagnoles descendaient de Tunis pour le déplacement."          

Des polémiques, des détails et des images cocasses, il y’en a eu légion. Le déménagement du derby au stade de Radès flambant neuf à l’orée des années 2000 apporte un plus indéniable au niveau des chants, des tifos, des animations, et fait monter l’ambiance d’un cran. En même temps que l’Esperance s’envole volet palmarès fin années 90, le CA conjugue traversée du désert et désillusions multiples dans les derbys. Le double 4-0 pour l’EST en 99 et 2000, Ali Zitouni et Thabet comme tourmenteurs en chef. Avec le paroxysme de la finale de coupe de Tunisie 2006. La dramatique séance de tirs au but qui donne la coupe à l’EST, symbolisée par la frappe du regretté Lassaad Ouertani qui fuit le cadre du gardien international Ivoirien Jean-Jacques Tizié.

Et au terme de neuf ans de vaches maigres, c’est grâce au Camerounais Poukong et au Marocain Bidhoudhane que le Club Africain décroche une victoire.89ème minute, déboulé de Bidhoudhane, intérieur du genou de volée de Poukong, et le Virage Nord de Radès pète un câble.

Les provocs classiques, et des destins croisés

Pour cette année pas de huis clos, l’interdiction des supporters de l’équipe " qui se déplace" fait qu’il y aura 15 mille supporters du CA, et rien d’autre. Le derby a été lancé avant l’heure avec l’édition des billets et l’oubli soi-disant " involontaire" du logo du club de Bab Souika, ce qui a déclenché l’ire des Espérantistes.

Le billet de la colère

Une fois n’est pas coutume, il y’aura pléthore de joueurs ayant connu les deux clubs. L’attaquant Ahmed Akaichi, buteur avec la sélection Tunisienne contre le Cameroun lors du barrage retour, s’impose cette saison avec l’Esperance et retrouve face à lui le club de ses débuts. Idem pour le milieu de terrain Khaled Mouelhi, aujourd’hui cadre de l’Esperance et autrefois étoile du CA avant son exil en Norvège. Ainsi que Korbi, casseur de tibias en chef chez les " Sang et Or" jadis, et qui officiera au même poste avec les " Rouge et Blanc" du Club Africain quand il sera opérationnel.

Le titulaire au poste de gardien en sélection, Ben Cherifia, manquera le match pour cause de fracture, et le duel entre les deux attaquants Algériens Belaïli (EST) et Djabou (CA) devrait faire des étincelles. Ils brillent tous les deux dans le championnat Tunisien par leur vivacité et leur aisance technique, mais seul Djabou semble avoir une petite chance de figurer parmi les 23 qu’emmènera Vahid au Brésil.

Pour pimenter les débats, le derby de ce 30 novembre constituera le choc entre le leader et son dauphin, mais pour les joueurs et les ultras c’est beaucoup, beaucoup plus que cela.

Farouk Abdou
Farouk Abdou
Actuellement à E-management, passé par Echosciences Grenoble, Le Dauphiné Libéré, Sport Translations et Tunisie foot, Africain volant pour Lucarne Opposee