Le Club Africain : la crise permanente

Cinq semaines, sept matchs, Landry Chauvin n’a finalement pas fait long feu dans l’immense vaisseau à la dérive qu’est le Club Africain. Arrivé à Tunis pour donner un second souffle au club de Bab-Jedid, alors co-leader mais dévoré de l’intérieur par le désordre et l’impatience, l’ancien entraîneur du Stade Brestois a rendu l’équipe à la fois plus joueuse et plus friable. Plombé par le manque de réalisme et remercié après la défaite à Gafsa, le technicien Français laisse le CA dans son état habituel : en plein psychodrame.

Club Africain. Deux mots pour caractériser la névrose d’une moitié de Tunis que la soif de titre a fait sombrer dans la folie la plus totale. Depuis l’arrivée de l’homme d’affaires Slim Riahi aux commandes en 2012, et les moyens financiers mirobolants qui en ont découlé, cette folie semble redoubler d’intensité, et elle touche aussi bien le club que les supporters. Des effectifs pléthoriques, une gestion catastrophique, et une tendance à faire table rase au moindre faux-pas.

Conséquence logique de ce tumulte, l’essorage d’entraîneurs n’a jamais été aussi spectaculaire. Après l’expérience Bernard Casoni (limogé au bout de trois mois) l’intermède Benzarti qui avait duré un mois et demi en 2013, Landry Chauvin n’aura survécu que 40 jours et bat ainsi le nouveau record.

Le CA avant Chauvin : des débuts gâchés

Pour expliquer les raisons de l’échec, une analyse globale de la saison s’impose.

Jusqu’à fin décembre, sous la direction du Hollandais Adrie Koster, le Club Africain reste au contact de l’Espérance en championnat, après avoir compté plusieurs longueurs d’avance et gagné le derby de la capitale. Disciplinée défensivement (3 buts encaissés en 14 matchs) l’équipe produit un jeu totalement dégueulasse mais s’en sort à l’arrache à chaque fois, grâce à l’Algérien Djabou et aux rares fulgurances de Dhaouadi, passé par Evian-Thonon Gaillard.

Puis tout se désagrège, les fans et le président Riahi se relayant pour transformer leurs tics d’agacement en réactions disproportionnées. Au soir de la première défaite à Sousse face à l’ES Sahel, un groupe de supporters agresse les joueurs à la descente du bus à Tunis. Barres de fer,  le milieu de terrain Haddad traumatisé qui veut repartir en France avant de se rétracter, une ambiance saine s’installe.

Deux semaines plus tard, excédé par le manque de spectacle, Riahi débarque Koster malgré trois victoires consécutives et Chauvin arrive pour le remplacer.

Le CA de Chauvin : une solidité défensive perdue, et la malédiction Ezechiel

Conscient qu’il doit révolutionner le jeu sans délai, le Mayennais décide d’envoyer la frilosité de Koster et ses deux 6 devant la défense aux oubliettes. Un seul récupérateur (Baratli ou l’expert ès cassage de tibias Korbi) et le jeune Jebali est lancé pour épauler le quatuor offensif.

Cela déséquilibre totalement l’équipe et dévoile au grand jour les limites de la défense centrale. On constate alors que sans une couverture efficace dans l’entrejeu, les joueurs offensifs adverses s’infiltrent plus facilement  et finissent par exploiter les pauses café régulières des centraux du CA. Les buts encaissés à domicile face au Stade Gabésien, au CS Sfaxien et à Tozeur se passent de commentaires.

Malheureusement pour Chauvin, l’attaque ne compense pas ce déséquilibre. Quelques jours après la nomination de l’ex-coach du FC Nantes, le Tchadien Ezechiel Ndouassel –passé par le CA en 2011-fait son retour à Tunis. Et prend le relais des vendanges initiées avec Matt Moussilou.

Placé en pointe, Ezechiel ruine tous les efforts du duo Djabou-Dhaouadi (qui gagne paradoxalement en régularité) en loupant 5-6 occasions franches à chaque match, le retour de blessure de Moussilou ne changera rien à l’affaire. Avec 9 points sur 21 possibles, le couperet finit par tomber et l’infortuné Landry grossit le rang des sacrifiés.

L’ère Riahi : L’argent n’a soigné ni le désordre ni l’obsession

Aujourd’hui relégué à 9 points de l’Espérance, le CA a été rattrapé par le CS Sfaxien et l’ES Sahel et pourrait même finir la saison au pied du podium. Et au vu des insuffisances longtemps masquées par la rigueur de Koster, ce n’est pas réellement surprenant.

La direction a eu beau clamer ses ambitions, aucune leçon n’a été tirée. Chaque année, le club annonce vouloir acheter tous les joueurs de la planète, une trentaine arrivent, d’autres repartent, dans l’anarchie la plus totale. Korbi et Moussilou payés cher pour un rendement très faible, les Ghanéens Mensah et Narh fuient la Tunisie pour aller jouer en Europe alors qu’ils sont toujours sous contrat, l’enquête interne menée par Riahi qui se heurte aux menaces de démissions massives des dirigeants : Du classique pour un club abonné aux crises de nerfs, où l’argent, en définitive, ne fait qu’accentuer les maux.

Le seul avantage pour Landry Chauvin, c’est qu’il ne fait désormais plus partie du casting de cette tragédie.

Farouk Abdou
Farouk Abdou
Actuellement à E-management, passé par Echosciences Grenoble, Le Dauphiné Libéré, Sport Translations et Tunisie foot, Africain volant pour Lucarne Opposee