Il y a quelques semaines, la Liga MX annonçait son repli sur soi-même et provoquait bien des remous. Conséquence (ou non), voici désormais qu’un historique va disparaître.

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La crise provoquée par la pandémie du coronavirus n’a pas épargné le Mexique. Contrainte de mettre fin à son tournoi de Clôture 2020, la Liga MX en avait également profité pour annoncer de profonds changements qui auront un impact sur l’avenir du football au Mexique : fin des relégations pour les cinq prochaines saisons, transformation de la deuxième division en ligue de développement réservée aux jeunes.

Mexique : vers une MLS sauce MX ?

Dans ce contexte, on comprend immédiatement que les places en Liga MX sont désormais devenues chères. C’est justement l’une d’entre-elles que l’on vise du côté de Mazatlán, l’une des destinations prisées par les vacanciers, une ville située dans la province de Sinaloa, à un peu plus de deux-cents kilomètres de Culiacán, la ville des Dorados qui s’était embrasée pour Diego (et qui fait donc partie de la deuxième division désormais condamnée). Vendredi dernier, le gouverneur de Sinaloa a envoyé une bombe. Quirino Ordaz Coppel a ainsi annoncé que la province était en négociations avec des franchises de Liga MX pour les faire migrer vers Mazatlán, où un nouveau stade de 25 000 places sort de terre, devrait être bientôt inauguré et donc requiert une franchise de Liga MX.

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Vieille tradition

Franchise car c’est bien de cela qu’il est question : faire bouger un club vers Mazatlán. Une opération qui ne serait pas une première. En 1999, Unión de Curtidores décroche sa promotion dans l’élite. La franchise est alors vendue à Puebla, qui été reléguée et sauve ainsi sa place dans l’élite. Pendant près de neuf décennies, Atlante a quitté Ciudad de México et l’Azteca qu’il avait contribué à bâtir pour migrer vers Cancún en 2007, suivant les pas de Necaxa, qui a migré à Aguascalientes quatre ans plus tôt. De même, à la fin du Clausura 2013, on avait assisté à un jeu de quilles entre Querétaro, relégué, et les Reboceros de La Piedad, promus. S’ensuit un jeu de chaises musicales absolument unique qui sera fatal à La Piedad : Veracruz rachète la licence de La Piedad, Querétaro s’offre celle des Jaguares de Chiapas, les délocalisant. Enfin, plus récemment, le FC Juárez s’offre la franchise des Lobos de la BUAP et décroche sa place en Liga MX. Si en se refermant sur elle-même pour les cinq prochaines années, la Liga MX ressemble à la MLS, dans son fonctionnement, certains vous diront que c’était déjà en partie le cas.

L’idée est donc de poursuivre une vieille tradition. Reste à trouver le candidat idéal. David Medrano, journaliste de TV Azteca annonce dans un premier temps que trois clubs sont dans le viseur : Querétaro (décidément), Puebla et Morelia. Des Monarcas qui semblent, depuis ce week-end, être le candidat au déménagement. L’équipe appartient au Grupo Salinas, qui détient aussi TV Azteca, et qui lui avait déjà accolé le nom Monarcas à l’entrée du XXIe siècle. Si l’affaire paraissait encore loin d’être jouée ce week-end, notamment sur le plan purement administratif (la demande de déménagement de franchise doit être approuvée par quatre-vingts pour cent des membres de l’Assemblée générale de la División Profesional, a un coût élevé et doit être déposée au plus tard trente jours avant le début du tournoi), elle s’est rapidement accélérée. D’abord suite aux déclarations d’Enrique Bonilla, le président de la Liga MX qui a vanté le nouveau stade de Mazatlán « ce sera un grand stade » avant d’annoncer que la ligue « doit être flexible » sur le plan administratif. Ensuite car les grandes manœuvres ont déjà débuté. Au cours de deux derniers jours, les Monarcas ont annoncé le départ de leur entraîneur, Pablo Guede, et de leur directeur sportif, Héctor Lara. Il se dit que Paco Palencia prendra sa place sur le banc alors que l’ensemble de l’effectif est emmené à suivre le chemin vers Sinaloa. Selon les dernières rumeurs, l’annonce officielle n’est qu’une question d’heures même si officiellement aucun membre du staff ni aucun joueur des Monarcas n’est au courant. Quant à la future équipe, elle a déjà un nom : Mazatlán FC.joindiscord

Vives protestations

S’attaquer aux Monarcas n’a pas laissé sans réactions. Premiers concernés, les fans locaux de l’équipe qui, malgré la quarantaine et la crise sanitaire, se sont massés ce dimanche dans les rues de la ville pour marquer leur désapprobation au son des « ils changent les équipes, tuent la passion, tout cela pour des millions » et des déclarations d’amour à leur club. Depuis, ils se retrouvent chaque jour pour continuer la lutte. La Locura 81, l’une des barras du club a ainsi émis un communiqué dans lequel elle écrit « ils nous laissent ainsi sans aucun espace pour les loisirs, laissant notre communauté encore plus vulnérable au crime organisé qui sévit ici. C’est l’une des raisons pour laquelle nous croyons que l’équipe doit rester dans cette ville. Il faut ajouter que les Monarcas sont l’une des équipes les plus suivies aux États-Unis, qu’elle emploie de nombreux habitants de la ville et a toujours été un tremplin pour les joueurs sud-américains ». Nombreux sont les acteurs du football à s’être indignés de cette décision. Le plus virulent reste sans aucun doute le Chilien Marco Antonio Figueroa. El Fantasma a marqué l’histoire des Monarcas dont il est le meilleur buteur. Interrogé par Record, il n’a pas mâché ses mots : « Notre génération n’a jamais été respectée par les propriétaires actuels mais malgré cela, nous avons toujours soutenu le club. Nous nous sommes adaptés, nous avons toujours été au stade sans avoir le moindre privilège pour y accéder. J’ai toujours été canario, moreliano ou Monarcas comme on le dit désormais, la seule chose que je peux dire aux gens, c’est que c’est une douleur immense. Je ne parle pas en mon nom, mais pour ce que représente l’équipe pour moi, ma famille, mes amis. On voudrait faire quelque chose si cette équipe s’en va. On ne veut pas d’une nouvelle franchise parce qu’au final, ce sera pareil. On veut que cette équipe, qui est le patrimoine de la ville, reste à Morelia. Dès que je pourrais voyager, je vais venir au Mexique pour aider. L’Estadio Morelo ne peut pas rester sans football. C’est un manque de respect à soixante-dix ans d’histoire, quarante années en première division. On va travailler pour récupérer cette histoire. S’il faut attendre cinq ans, on attendra cinq ans, mais ce sera à nous, pas à un autre promoteur. Cette équipe fait partie de l’histoire, la fédération perd beaucoup en laissant partir cette équipe. On sait tous que le football est un commerce, mais c’est un manque de respect pour une ville, des supporters, un état, et tout ceux qui aiment le football. Un énorme manque de respect ». L’affaire est montée jusqu’aux oreilles de l’ancien président du Mexique, Felipe Calderón qui a twitté « Il est vraiment dommage qu’une équipe avec une telle tradition et des supporters aussi fidèles et dévoués comme les Monarcas disparaisse ainsi. Je proteste ! ». Car oui, les Monarcas sont une véritable institution du football mexicain.

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La mort d’un historique

En février 1950, un club nommé Oro-Morelia participe pour la première fois à une compétition professionnelle mexicaine lors de la fondation de la Segunda División. Le 4 juin de la même année, une fois inscrit auprès de la fédération mexicaine de football, le Club Deportivo Morelia est officiellement créé. Sept ans plus tard, le club est vice-champion de D2 et profite du retrait de Puebla de la première division (pour motifs économiques) pour accéder à l’élite local. L’histoire de souviendra que le premier match des futurs Monarcas se dispute le 14 juillet 1957 face à l’América et se termine sur un score nul (1-1, le premier buteur de Morelia en D1 se nommant Carlos Chino Láscarez) et qu’il faudra attendre la dixième journée pour que le club célèbre enfin un premier succès. Les premiers remous économiques obligent Félix Cerda Loza, le président, à réduire la voilure, limiter les joueurs étrangers et ainsi mexicaniser l’effectif. Morelia se stabilise dans l’élite, dispute sa première finale de coupe en 1965. Alors que les années soixante tirent leur révérence, l’histoire de Primera División de Morelia en fait de même. Le club est relégué en 1968, il attendra treize ans pour faire son retour définitif. Car depuis la saison 1981/82, Morelia est un club de l’élite mexicaine, il n’a plus été relégué, décrochant même un titre, lors de l’Invierno 2000, dirigé alors par Luis Fernando Tena, participant à trois Copa Libertadores, remportant une Copa MX, une Superliga et une Super Coupe du Mexique, se hissant en finale de la CONCAChampions et disputant trois autres finales de championnat. La disparition annoncée de ceux qui sont devenus Monarcas à l’entrée du XXIe siècle élimine du paysage un véritable historique de la Ligue, un historique qui animait la Liga MX depuis désormais près de quarante ans et qui serait désormais sacrifié sur l’autel d’un nouveau marché à conquérir. Ce dimanche, le club a changé sa photo de couverture sur ses réseaux sociaux, ressortant un ancien slogan publicitaire : « A Monarcas, siempre fue por amor ». Cela ressemble plus que jamais à un message d’adieu.

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Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.