Le rideau est tombé sur la Copa América 2021. Derrière le quinzième titre de l’histoire pour l’Argentine, les neuf autres sélections de la zone ont connu diverses aventures. Bilan de la compétition.

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Copa América : toute l’épreuve sur Lucarne Opposée

Argentine : l’an 1 ?

À tout seigneur, tout honneur, nous débutons notre bilan par l’Argentine et sa quinzième couronne, la première de la génération Messi, celle que tout un pays attendait depuis près de trois décennies. Sur le papier, l’Argentine termine la compétition invaincue, meilleure attaque, meilleure défense, possède le meilleur buteur et meilleur passeur du tournoi. Un bilan statistique parfait, symbole d’un champion qui ne l’est pourtant pas totalement.

Au coup d’envoi de l’épreuve, on avait déjà noté de grands changements dans cette Argentine sauce Scaloni. Les derniers matchs, en particulier des éliminatoires avaient en effet montré des signes de renouveaux. L’Argentine semblait avoir trouvé un équilibre, autour d’un 4-3-3 quelque peu modulable au sein duquel elle pouvait faire le choix du jeu ou de la solidité défensive, elle semblait aussi avoir trouvé son avant-centre et enfin, permettait à Lionel Messi de pouvoir de nouveau pleinement s’exprimer et trouver des joueurs parfaitement complémentaires à son jeu. Ces signes ont été confirmés. Car l’Argentine a définitivement trouvé un gardien, Dibu Martínez, un schéma avec notamment milieu à trois De Paul – Lo Celso – Leandro Paredes qui offre une variété dans la construction qui permet d’alterner jeu court et jeu long, exploite au maximum l’amour des espaces de Lautaro Martínez devant et celui du jeu au sol de Lionel Messi. On a ainsi vu l’Albiceleste marcher sur ses adversaires lors de l’ensemble de ses débuts de match à l’exception de la finale. Mais on a aussi souvent vu l’Argentine céder, perdre son intensité et surtout beaucoup souffrir, ne creusant que rarement l’écart et restant souvent à portée d’une mauvaise surprise. Seule exception : la finale. Tactiquement parfaitement préparée et appliquée, totalement maîtrisée sur le terrain sans avoir besoin que son facteur X Lionel Messi ne vienne la sauver, l’Argentine a montré qu’elle avait beaucoup et vite appris durant l’épreuve, laissant entrevoir des lendemains qui chantent.

Attention tout de même à ne pas se reposer sur ses acquis. Si le schéma est trouvé, si l’équilibre est en place, il y a encore des éléments de progression : les couloirs n’ont pas encore véritablement trouvé de propriétaire, l’axe central parfait parfois fébrile et la maîtrise sur toute la durée d’un match a été finalement extrêmement rare. Mais en mettant fin à vingt-huit ans de disette, en libérant la génération Messi d’un poids qui semblait de plus en plus lourd à porter, l’Argentine peut désormais rêver plus grand.

Brésil : finaliste décevant

Par Marcelin Chamoin

Le Brésil organisait une deuxième Copa América en deux ans, malgré la situation sanitaire catastrophique dans le pays, la barre des 500 000 décès de la COVID-19 étant atteinte au cours de la compétition. Tenants du titre, les joueurs brésiliens s’avançaient unis pour le début du tournoi, avec un communiqué publié particulièrement insipide, où ils affichaient leur mécontentement concernant l’organisation du tournoi, mais aussi leur intention de jouer la Copa América. Avec un seul éliminé par groupe, le Brésil ne s’est jamais mis en danger lors de la phase de groupes. Tite a pu faire jouer la totalité des vingt-quatre joueurs sélectionnés, sans jamais aligner son équipe-type. Les deux premiers matchs étaient convaincants, avec des goleadas face au Venezuela et au Pérou. La série de six matchs sans encaisser de buts prenait fin lors de la victoire 2-1 face à la Colombie, celle de dix victoires face à l’Équateur, les remplaçants ne faisant mieux qu’un match nul 1-1. Le Brésil terminait tranquillement en tête de son groupe, sans être particulièrement brillant, mais avec un Neymar étincelant, auteur de deux buts et deux passes décisives en trois matchs.

Les choses sérieuses commençaient réellement lors de la phase éliminatoire, face au Chili en quarts de finale et au Pérou en demi-finale. La Seleção s’imposait à chaque fois sur la plus petite des marges, à chaque fois grâce à un but de Lucas Paquetá, meilleur joueur brésilien du tournoi derrière Neymar. Le Brésil peinait à convaincre et l’impression d’invincibilité en début de compétition s’étaient envolée. En finale, le Brésil manquait à nouveau d’idées, avec un Neymar trop esseulé pour faire la différence. L’Argentine en profitait pour décrocher un premier titre depuis vingt-huit ans et empêcher pour la première fois le Brésil de remporter une Copa América qu’il organise, après les succès de 1919, 1922, 1949, 1989 et 2019. Si les Brésiliens n’accordent pas d’importance à la Copa América, perdre une finale face à l’Argentine fait toujours mal, encore plus au Maracanã où le Brésil avait remporté la Taça Independência 1972, la Copa América en 1989 et 2019, la Coupe des confédérations 2013, les Jeux Olympiques 2016, c’est donc la première défaite brésilienne en finale au Maracanã depuis 1950, et même la première de l’histoire si on considère le Brésil – Uruguay du 16 juillet 1950 comme un match du tour final.

Grand favori de cette Copa América, le Brésil termine la compétition sur une déception et n’a jamais affiché la maîtrise aperçue en éliminatoires. La défense a rarement été mise en danger et seul Renan Lodi, titulaire après la blessure de Alex Sandro, a fait une erreur, sur le seul but de la finale. Au milieu de terrain, Casemiro a été régulier, Fred a lui alterné le moins et le moins bon. Malgré une finale ratée, Lucas Paquetá a réalisé un très bon tournoi, affichant une complicité évidente avec Neymar sur laquelle peut s’appuyer la Seleção. Positionné en faux neuf afin de pouvoir énormément décrocher, Neymar a été élu co-meilleur joueur du tournoi, mais a manqué de soutien en attaque. Everton Cebolinha, Roberto Firmino et Richarlison ont été peu aperçus, Gabriel Jesus réalise un nouveau tournoi sans aucun but après la Coupe du Monde 2018 et a été expulsé en quarts de finale pour un geste aussi stupide que dangereux. Parmi les remplaçants, Everton Ribeiro a été intéressant en phase de groupes, mais n’a plus été vu par la suite. À l’image de la finale, Vinícius Jr et Gabigol ont peu pesé sur le jeu de la Seleção. C’est donc le secteur offensif qui devrait être la priorité de Tite pour la prochaine grosse échéance, la Coupe du Monde 2022.

Pour préparer la Coupe du Monde, Tite va pouvoir observer la sélection olympique, où le Brésil est également tenant du titre. Des joueurs pourront ensuite se greffer à la sélection principale, notamment les « Français » Bruno Guimarães et Gerson, ou, dans un rôle plus offensif, Claudinho et Matheus Cunha. Pedro, non-libéré par Flamengo pour les Jeux Olympiques, peut également rejoindre le groupe de Tite dans les mois à venir. En attendant, les supporters brésiliens pourront se consoler en se disant que le Brésil n’a jamais remporté la Coupe du Monde après avoir gagné la précédente Copa América…

Colombie : lever les derniers doutes

Par Pierre Gerbeaud

La Colombie rentre du Brésil avec une belle troisième place et Reinaldo Rueda avec une idée de jeu précise. Mais la Copa América a aussi laissé des doutes dans les têtes. Commençons donc pas le positif. Tactiquement Rueda semble avoir trouvé son schéma, et ses hommes. S’il a beaucoup testé lors des trois premiers matchs de groupes, avec notamment un 4-2-3-1 et un Duván Zapata excentré côté gauche contre le Pérou pour ce qui a été le pire match de cette Copa, Reinaldo Rueda a trouvé la bonne formule lors du match contre le Brésil. Avec un 4-4-2 à plat, la Colombie a posé beaucoup de problèmes aux deux finalistes et à l’Uruguay lors du quart de finale. C’est déjà dans cette organisation que les Cafeteros avaient largement battu le Pérou lors des éliminatoires début juin. Dans ce schéma des hommes ont marqué des points : Rafael Santos Borré s’est montré très précieux aussi bien dans les deux de devant que sur le côté droit quand Juan Guillermo Cuadrado a purgé sa suspension. S’il ne peut pas être le neuf buteur de cette sélection, lui qui n’a pas pour qualité première le sens du but et la finition, son activité a été plus que précieuse. Dans le couloir gauche un homme sort lui aussi avec un billet en poche pour la prochaine convocation. Luis Díaz a été l’un des hommes fort de cette Copa América. S’il a marqué l’un des plus beaux buts, voire le plus beau, il a surtout été le joueur qui a apporté le plus de danger et il est indiscutable dans le couloir gauche. Enfin la paire Barrios-Uribe a aussi été une grosse satisfaction. Si le deuxième n’a pu disputer les phases finales en raison d’une blessure au mollet, ils ont été alignés lors de trois des quatre matchs de la phase de groupes et leur complémentarité s’est vue. Si elle n’est pas nouvelle, elle avait notamment été vue contre la Pologne au Mondial 2018, elle semble aujourd’hui intouchable.

Côté négatif, le bilan est moyen. Avec trois matchs nuls et deux défaites pour seulement deux victoire, pas de quoi sauter au plafond surtout que le contenu proposé n’a pas toujours été au rendez-vous, en particulier lors de la phase de groupes. Cette sélection a senti l’absence de Falcao. La recherche d’un véritable buteur devrait être l’un des prochains chantiers du sélectionneur. Zapata est resté muet, Borja s’est un peu plus montré mais certain qu’il puisse assumer ce rôle, Morelos, qui a eu la COVID-19 au début de la compétition pourrait avoir une carte à jouer dans le futur. Défensivement la Colombie a inquiété. Si la charnière Sanchez-Mina a été pointée du doigt au pays c’est surtout le deuxième qui était visé. Véritable atout dans le jeu aérien offensif, défensivement Yerry Mina ne montre pas autant de garanties que par le passé. Demandée par bons nombres d’observateurs la charnière Cuesta-Lucumí pourrait être testée dans un futur proche. À gauche si Tesillo est irréprochable c’est surtout par son travail défensif. Le manque d’apport offensif se ressent clairement et quand Fabra est entré on a clairement vu la différence. Mais le gros point noir c’est une nouvelle fois le manque de mental de ce groupe. Fébrile en début de match contre l’Argentine, fébrile après l’égalisation alors qu’il y avait la possibilité d’enfoncer le clou, la Colombie s’est surtout faite manger pendant la séance de tir au but par le portier argentin. Dans ces conditions difficiles de faire mieux que des places honorifiques. Si Cuadrado et Ospina font office de tauliers et de véritable leader dans le groupe, derrière ça s’effrite rapidement.

Pérou : début d’une nouvelle histoire ?

Par Romain Lambert

On ne savait pas jusqu’où irait ce Pérou avec toutes les incertitudes qui l’entourait. Un vice-champion très remanié avec seulement seize joueurs, sur les vingt-six convoqués, qui étaient présents lors de la finale en 2019. L’objectif du Tigre Gareca était de profiter de cet enchainement de matchs internationaux pour tester de nouveaux joueurs. L’ambition restait quant à elle assez floue. Mais surtout, la Blanquirroja se présentait pour la première fois depuis 2007 à une compétition sans son capitaine et goleador, Paolo Guerrero. Un serial buteur qui pèse quatorze buts en cinq Copa América. Ricardo Gareca prend alors le pari fou de convoquer un Italien de trente et un an naturalisé péruvien quelques mois avant (en novembre 2020) pour prendre les rênes de son attaque orpheline. Pari gagnant puisque Gianluca Lapadula a pris ses responsabilités en faisant un bien fou sur le front de l’attaque péruvienne entouré d’Andre Carillo et de Cristian Cueva. Ses trois buts décisifs contre l’Équateur, le Paraguay et la Colombie le place même parmi les meilleurs buteurs du tournoi. Il suffit de faire un tour dans les rues de Lima pour prendre l’ampleur de la Lapadulamania avec toutes sortes d’articles à l’effigie du joueur de Benevento Calcio.

Hormis l’Italien, de nouvelles têtes en ont profité pour bousculer la hiérarchie du onze type péruvien. Si la ligne d’attaque a donné satisfaction, le milieu a été irréprochable. Les habituels Renato Tapia et Yoshimar Yotún ont tenu la baraque et ont pu profiter d’un coéquipier XXL en la personne de Sergio Peña, véritable métronome de cette équipe. Le joueur du FC Emmen va vite devenir indispensable pour Gareca, une belle revanche pour celui qui avait dû quitter le groupe en 2018 pour laisser sa place à Paolo Guerrero pour le Mondial. Le latéral gauche, Marcos Lopez (vingt-et-un ans) faisait déjà partie du groupe, mais a enfin eu plus de temps de jeu et a montré de quoi inquiéter Miguel Trauco dans le couloir gauche. Enfin, les entrées en jeu répétées de Raziel Garcia souvent à la place de Cueva et de Jhilmar Lora pour Aldo Corzo dans le couloir droit, ont sans doute apporté une grande satisfaction au staff technique.

Ce cocktail savant du sélectionneur a été une franche réussite dans son ensemble avec du beau jeu et une quatrième place, mais il ne faut pas oublier qu’un match se joue quatre-vingt-dix minutes minimum et le Pérou a souvent été sur courant alternatif en étant concentré parfois une seule mi-temps. On pourrait alors regretter qu’avec des matchs pleins, la Blanquirroja aurait peut-être créé l’exploit. Qu’importe, cette compétition a apporté des certitudes sur l’avenir de cette équipe qui semble maintenant mieux préparée pour affronter les prochains matchs de qualifications pour la Coupe du Monde au Qatar.

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Photo : imago images/MB Media Solutions

Uruguay : retenir la leçon

Par Jérôme Lecigne

L'Uruguay est éliminé sans avoir perdu son match éliminatoire, comme lors de la Copa América 2019, avec l'élimination sans défaite contre le Pérou. Tout d'abord, il faut noter que la question n'est pas sur la continuité de Tabárez ou sur le niveau de Suárez. La Celeste doit se qualifier pour une Coupe du Monde dans l'année à venir et elle le fera avec le même entraîneur et le même groupe de joueurs à quelques modifications prés. Sans vouloir donc renverser la table, on peut s'interroger sur l'incapacité de l'Uruguay à gagner des matchs, à marquer des buts. On aurait aimé voir quelques visages en attaque tel que Maxi Gómez, même si on ne sait pas comment il s'est remis de la COVID-19 qu'il a attrapée en Espagne quelques semaines avant la compétition. Les « autres » attaquants habituels (Stuani, Nuñez) étaient blessés et ont manqué dans le groupe. On aurait surtout aimé voir le milieu jouer plus directement, jouer plus vite et mieux les surnombres, c'est à dire les seules actions sur lesquels l'Uruguay a pu mettre en difficulté la Colombie. Pour cela, est-ce que la triplette Valverde-Bentancur-Vecino est adaptée ? Rien n'est moins sûr, tellement ce milieu a été d'un niveau égal et prévisible durant tout le mois qui vient de s'écouler. Le football se résume parfois à une gestion de la prise de risque. N'en prendre aucun, c'est s'assurer d'encaisser peu de buts (deux en cinq matchs, magnifique effort), mais s'est aussi s'assurer peu de buts en sa faveur, beaucoup d'ennuis. Le changement en Uruguay pourrait passer donc par un changement de joueurs, mais aussi et surtout par un changement de stratégie. « N'ayez pas peur de faire une erreur », a-t-on envie de crier durant certains matchs. C'est du football ! En quatre-vingt-dix minutes de balle au pied, vous êtes des cracks si vous marquez deux buts, donc des erreurs, il y en aura.

D’où vient cette frilosité ? De plusieurs éléments, allant évidemment du choix des hommes que nous avons mentionnés et peut-être aussi à la longueur du cycle du staff à la tête de la sélection. Parfois, un entraîneur en poste depuis trop longtemps va avoir tendance à faire trop confiance à son groupe, comme l'indiquait van Gaal récemment en interview à l’Équipe. Pour un pays comme l'Uruguay, cela a été une force, une force ayant permis à un pays de trois millions d'habitants de pouvoir être à un niveau égal à l'Argentine et au Brésil sur les trois dernières Coupe du Monde si l'on faisait un bilan « aux points ». Et il ne faut jamais oublier à quel point cela est un exploit à de nombreux niveaux. Mais parfois, sur la longueur d'une compétition, cela peut-être un point faible de l'équipe, comme quand, en Russie, Cavani et Suárez avaient joué le troisième match alors que l'équipe était déjà qualifiée, ou quand Godín joue presque tous les matchs de cette Copa América avec son expérience... et ses années. Tabárez s'est beaucoup plein de la COVID-19 et de ses effets sur l'absence de matchs pour les sélections de jeunes et la rupture que cela entraîne dans le cycle des sélections. Comme le mentionne La Diaria, le mois de juin 2021 a vu des événements comme nous n'en avions jamais vu en quinze ans de processus Tabárez comme la sélection de joueurs en match officiel n'ayant jamais joué ni avec les sélections de jeunes, ni en matchs amicaux, ou la titularisation de joueurs sélectionnés pour la première fois. Le contexte se prêtait donc peu à cette équipe habituée aux temps longs et Tabárez n'a donc pas voulu tout bouleverser en faisant sortir encore plus de repères.

Maintenant, l'équipe va faire face à une année essentielle, avec la majorité des matchs éliminatoires pour la Coupe du Monde au Qatar. Ce qui semble avoir été une faiblesse au Brésil pourrait rapidement se transformer en force avec un groupe formé, qui se connaît par cœur, et qui saura enchaîner les matchs sans avoir besoin de se chercher. Durant la Copa América, l'Uruguay a battu la Bolivie, le Paraguay et n'a pas perdu contre la Colombie ou le Chili. Ce sont ce type de matchs qui définiront si l'Uruguay a le droit de jouer sa quatrième Coupe du Monde de suite. On peut être modérément optimiste, même si parfois il faudra se souvenir à domicile que jouer au football, c'est prendre des risques.

Paraguay : la patte Berizzo

En ouverture de la compétition, nous avions insisté sur la difficile possibilité de construire pour un Paraguay qui ne cesse de changer de sélectionneur. En poste depuis 2019, Eduardo Berizzo aborde désormais le quart d’un centenaire, ayant bouclé ses vingt-cinq premiers matchs avec la sélection face à l’adversaire face à qui tout avait commencé : le Pérou. Comme en 2019, l’aventure paraguayenne s’est terminée aux tirs au but en quarts de finale. Mais à la différence de 2019, l’aventure en Copa América a livré plus d’enseignements.

Elle a confirmé que Toto Berizzo avait véritablement trouvé sa formule, inculqué sa philosophie à son groupe. Le Paraguay a ainsi été redoutable à manœuvrer, difficile à bouger, s’appuyant sur la force de sa défense symbolisée par le duo Gustavo Gómez – Junior Alonso, et exploitant parfaitement les transitions rapides grâce notamment à l’incroyable capacité à perforer les défenses adverses de Miguel Almirón. Mais le Paraguay a aussi démontré qu’il n’était pas une simple équipe de contre. On a ainsi vu des Guaraníes confisquant la possession à l’Argentine par exemple et présentant au sortir de la phase de groupes un bilan statistique assez rare : à l’heure de se présenter face à l’Uruguay lors de la dernière journée de son groupe, le Paraguay était l’équipe qui avait le plus frappé au but et surtout à l’exception des matchs face au Chili et au Pérou, ce dernier joué en infériorité numérique pendant une mi-temps, a toujours eu la possession en sa faveur, même face à l’Argentine.

Reste donc quelques chantiers pour Berizzo, le principal étant de trouver un moyen de convertir ses séquences de domination par des buts (huit seulement sur l’épreuve). Cela passera par l’émergence d’un véritable avant-centre pour venir conclure les dangers créés par les Almirón et autre Romero. Mais dans l’ensemble, le Paraguay a profité de la Copa América pour démontrer qu’il a trouvé une réelle identité. La domination sans partage face à la Bolivie, la victoire face au Chili et le contenu intéressant face à l’Argentine l’ont démontré. C’est sur cette identité et les convictions qui en ressortent qu’il pourra s’appuyer pour retrouver une place en Coupe du Monde.

Chili : vers la transition

Trois matchs. Tel était le total de rencontre mises à disposition de Martín Lasarte avec le Chili pour « préparer » sa première Copa América à la tête de la Roja. Une Copa América qu’il a dû disputer sans son duo Sánchez – Vargas, le premier étant blessé peu avant. Une Copa América pour laquelle on ne savait pas trop quoi attendre de la sélection chilienne qui initiait donc un nouveau cycle et pouvait s’appuyer sur trop peu de certitudes. Au final, le Chili est tombé avec les honneurs face à un Brésil qu’il a totalement dominé, notamment en deuxième période, a surfé sur une révélation, l’Anglais Ben Brereton, tube de la Copa, qui offre de nouvelles possibilités offensives à Lasarte, et a démontré que sa génération dorée était encore loin d’être morte.

Certes, on aura vu un Arturo Vidal loin d’être au top physiquement, avec les conséquences que cela peut induire sur son rendement, mais la Roja n’aura finalement raté qu’un seul match sur toute la compétition, celui face au Paraguay où elle n’a jamais su transformer sa possession en occasions. C’est ce match qui lui a offert le Brésil en quarts et a donc mis prématurément fin à l’aventure. Reste que ce nouveau Chili a montré qu’il était encore redoutable : le trio Aránguiz – Pulgar – Vidal offre une belle complémentarité au milieu, ajoutant touche technique et capacité de percussion balle au pied, les deux schémas aperçus apportent de la variété tactique, défense à trois avec importance des hommes de couloir ou défense à quatre et trois offensifs qui pourrait être la formule que l’on reverra à partir de septembre, en imaginant Brereton s’installer aux côtés du duo Sánchez – Vargas. C’est donc un Chili paradoxal qui sort de cette Copa. D’un côté, il y aura eu peu de nouveautés, pas de réelle émergence de jeunes capables de prendre le relai et surtout des anciens, à l’image de Claudio Bravo, loin d’avoir terminé leur aventure, mais avec peut-être plus de certitudes que lors de l’édition 2019 pourtant terminée aux portes de la finale. Voir cette Roja capable d’être aussi protagoniste face au Brésil alors que son sélectionneur ne dirigeait alors que son cinquième match, est motif de bien des espoirs. À Machete de savoir les entretenir.

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Photo : imago images/Agencia EFE

Équateur : la graine est plantée

Après les parcours continentaux de ses clubs et l’émergence d’une nouvelle génération porteuse de bien des promesses, l’Équateur est regardé avec attention. D’autant qu’à l’heure de se présenter à la Copa América, la Tri pouvait s’appuyer sur une troisième place actuelle dans la campagne des éliminatoires et quelques éléments sur lesquels s’appuyer pour espérer vaincre la malédiction qui veut que l’Équateur n’ait plus gagné le moindre match de Copa América depuis le succès face à Haïti en Copa Centenario. La bande à Alfaro a-t-elle répondu à ces attentes ? En partie.

Car la Tri peut regretter le fait d’avoir laissé échapper ses matchs, que ce soit face au Venezuela, alors qu’elle semblait maîtriser la rencontre, ou face au Pérou où là encore, l’Équateur comptait deux buts d’avance, était devant dans toutes les statistiques et a craqué en deuxième période. Même constat face au Brésil où l’on a vu une Tri prendre le contrôle de la partie lors du deuxième acte. Mais donc toujours pas de succès, toujours des interrogations sur la discipline tactique d’une sélection qui connait par moment de véritables trois d’air, les fameux détails, qui risquent de coûter cher dans les moments clés. Pourtant, on a vu des éléments positifs : la possibilité de passer d’un 4-3-3 générateur de danger – notamment dans les couloirs avec la machine à provoquer Gonzalo Plata – à un 4-4-2 plus compact, offre de belles alternatives à Gustavo Alfaro. Mais il manque encore à trouver une véritable dynamique dans l’animation offensive, la recherche d’un complément idéal à Enner Valencia reste ouverte malgré les bonnes prestations de Leonardo Campana. La Copa América 2021 laisse donc un sentiment mitigé pour cette Tri qui peut avoir acquis quelques certitudes tout en devant encore chercher à résoudre les habituels manques connus depuis des mois (voire des années). À Gustavo Alfaro d’en tirer désormais les bonnes conclusions pour qu’enfin les promesses équatoriennes ne restent pas sans lendemains.

Venezuela et Bolivie : équations insolubles

S’il est une sélection pour laquelle il est impossible de tirer le moindre enseignement de la Copa América, c’est bien le Venezuela. Totalement décimée par la COVID-19, la Vinotinto s’est retrouvée à devoir bricoler et faire avec les moyens du bord. Pourtant, si l’élimination au premier tour est somme toute logique et presque attendue, José Peseiro a démontré qu’il avait de grandes capacités d’adaptation et était parvenu à cimenter un groupe. Sera-ce suffisant pour l’avenir, quand toutes les forces vives seront disponibles ? Difficile à dire. Mais le Venezuela est certainement la seule sélection qui ne va pas disposer de grand-chose sur quoi s’appuyer pour reprendre les éliminatoires – à l’exception peut être du fait que la Vinotinto dispose avec Faríñez et Graterol, de deux gardiens de très haut niveau.

Les enseignements sont également bien difficiles à tirer à l’heure d’évoquer la Bolivie tant on ne comprend pas ce que César Farías cherche à mettre en place. C’est un peu comme s’il avait suffit que Marcelo Moreno soit absent pour que tout le château s’effondre, tous les soi-disant beaux projets tombent à l’eau. En quatre matchs de groupe, la Bolivie a concédé 93 tirs, n’en a tenté que 23. Cela en dit long sur les ambitions d’une Verde qui dispose pourtant de joueurs capables d’être déstabilisant ou offensif. Mais César Farías n’a donc cherché qu’à défendre, à tenir le plus longtemps possible autour d’un bloc bas compact et d’un Carlos Lampe auteur de nombreux miracles. Difficile dans ces conditions d’espérer construire, d’espérer se projeter, la Bolivie n’avance déjà pas vraiment en éliminatoires et sort de la Copa América avec un nouveau record de défaites consécutives (douze) qui ne permet clairement pas de construire ou au moins poser la moindre fondation.

 Tous les buts de la Copa América 2021

 
 
Crédit photo une: imago images/HMB-Media
Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.