Près de trois semaines de compétition auront donc permis de sacrer une nouvelle fois le Chili. Au départ annoncée anecdotique par bien des spécialistes, la coupe du centenaire pourrait cependant bien avoir changé la donne. Bilan.

Il y aura eu les dysfonctionnements de l’organisation (l’hymne chilien pour l’Uruguay, les problèmes de drapeaux et autres joyeusetés), il y aura eu un manque de ferveur apparent mais finalement, à l’heure du bilan chiffré, la Copa América Centenario version US aura été l’un des plus grands succès. Car à l’heure d’analyser le bilan chiffré de la compétition, il apparait que bien des chiffres sont positifs. Dans les tribunes, l’édition du centenaire a attiré plus de 1,5 millions de fans dans les stades (imaginez s’ils avaient tous été pleins) pour une moyenne de 46 000 spectateurs par match, la finale attirant plus de 82 000 personnes au stade. Un succès populaire qui ne sautait pas aux yeux mais pourtant Fox Sports 1, la chaine diffusant la compétition en langue anglaise aux Etats-Unis a ainsi battu ses records d’audience pour des matchs de football, plusieurs égalant les audiences de l’EURO que la chaine diffuse également, pendant qu’Univision, le diffuseur en langue espagnole, se targue d’une moyenne de 3 M de téléspectateurs par match, battant parfois d’autres chaines de langue anglaise sur les mêmes créneaux horaires. Sur le terrain, l’édition 2016 se termine avec une moyenne de 2.84 buts inscrits lors des 32 matchs, meilleure performance depuis l’édition vénézuélienne de 2007, troisième meilleur ratio depuis 40 ans.

Autant dire, une édition qui n’a pas à rougir des habituelles versions sud-américaines et qui ne cessera pas de poser la question de la pertinence d’une véritable compétition regroupant Nord et Sud, les deux grands représentants de la CONCACAF, USA et Mexique ayant démontré qu’ils avaient le niveau requis pour une telle épreuve. C’est aussi l’autre côté positif de cette Copa Centenario, annoncée anecdotique par certains, ses conséquences pourraient être bien plus grandes qu’elles n’y paraissent.

Les incertitudes du Nord

Pays hôte d’un côté, géant de la zone de l’autre, USA et Mexique étaient attendus, épiés, disséqués avant la Copa Centenario, leur domination sur la CONCACAF les propulsant (à tort ou à raison) meilleures chances du Nord face aux ogres sud-américains. Pour tous deux, le sentiment est finalement mitigé.

S’il était difficile d’imaginer voir les Etats-Unis terminer à la quatrième place, ne serait-ce par leur dynamique depuis un an (revoir le parcours chaotique en Gold Cup et les dernières sorties loin d’être rassurantes en éliminatoires), la courte défaite face à la Colombie lors de la petite finale pourrait finalement sonner comme une bonne performance. Elle aura finalement soulevé quelques questions que Team USA devrait se poser si la sélection veut définitivement franchir un cap. Car il y aura eu du bon pour la bande à Klinsmann mais aussi du moins bon sur lequel il va désormais falloir se pencher.

Photo : OMAR TORRES/AFP/Getty Images

Du côté des choses positives, les USA sortent de cette Copa Centenario avec un joli parcours, que peu imaginaient, quelques révélations niveau joueurs et collectif qui peuvent servir de base pour poursuivre leur progression. La grande certitude est que Klinsmann a trouvé sa défense, surtout son axe central, la paire Cameron – Brooks fonctionnant parfaitement, le second sortant d’un tournoi dans l’ensemble satisfaisant. En trouvant cet équilibre, Klinsi a ainsi pu faire reposer son équipe sur de solides bases, son jeu très européen, très physique, qui lui a permis de franchir les différentes étapes avant que le fiasco de la demi-finale, perdue avant même d’être jouée, ne finisse par révéler les carences de son groupe. La principale est que sa sélection ne dispose d’aucune marge, d’aucune réserve individuelle. Privé de Wood, l’une des révélations du tournoi, de Bedoya et de Jones, la Team USA n’a pas existé face à l’Argentine, poussant le ridicule jusqu’à ne pas tirer une seule fois au but pendant 90 minutes, en demi-finale d’une compétition qu’elle organise… En alignant un milieu d’anciens 100% MLS, ils ont surtout montré les limites de leur ligue, le manque de réservoir (même si on regrettera que le sélectionneur n’ait ainsi pas donné plus de temps de jeu à l’excellent Darlington Nagbe dont l’hyperactivité aurait été si utile face au pressing argentin). Certes la naïveté tactique de Klinsmann peut être critiquable, même si elle peut fonctionner avec bien des nations du Nord, mais la grande question qu’il convient de poser concerne finalement la MLS et sa capacité à pourvoir en talents suffisamment armés pour disputer ce type de compétitions. Leur manque évident dans cette Copa América risque de peser à terme, surtout dans la perspective de la Coupe du Monde 2018 que plusieurs devraient avoir du mal à envisager (sur les 10 joueurs MLS appelés par Klinsi, 5 ont plus de 33 ans, 2 abordent la trentaine). Depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, Klinsmann n’a de cesse de rappeler le manque de pression qui pèse sur les jeunes formés au pays, encourage ceux-ci à s’exiler pour apprendre. Dénigrant son championnat, n'allant pas chercher les jeunes du cru, il contribue à la stagnation de la MLS. Reste que si Klinsmann ne les appelle pas car ne les considère pas au niveau, cela signifiie que l'émergence de nouveaux talents locaux pourrait/devrait passer par une réforme de sa MLS qui ne parvient toujours pas à exister dans la CONCACAF.

Du côté du voisin du Sud, même mélange de certitudes et de questionnements. Car si on met de côté la débâcle sans précédent vécue par le Tri, le reste du tournoi a été proche de la perfection. Arrivé invaincu et sans avoir encaissé le moindre but avec la sélection, Juan Carlos Osorio a transformé la sélection mexicaine de telle sorte qu’on avait l’impression de voir jouer un club, notamment son Atlético Nacional d’il y a 2 ans. Car Osorio est un amoureux de ce qu’il appelle la versatilité tactique, comprendre une large palette de schémas de jeu adaptable à tout adversaire, l’inexistence de titulaires à proprement parler, l’ensemble de son groupe étant capable de jouer en fonction du schéma voulu (et ce incluant jusqu’au gardien, l’Atlético Nacional fut champion sous Osorio avec les 3 gardiens disputant des matchs de championnat, sur cette Copa América, Corona, Ochoa et Talavera ont tous été titularisés).

Photo : NELSON ALMEIDA/AFP/Getty Images

Dès lors, il gère son Mexique comme un club là où d’autres sélectionneurs geignent sur le manque de temps qu’ils ont à disposition. Et cela se voit sur le terrain, son Mexique est fluide, dynamique, coordonné. Jusqu’à la catastrophe chilienne, le Tri a impressionné, s’est rapidement mué en favori, la première mi-temps face à l’Uruguay et l’incroyable 3-3-3-1 sauce Verdolaga du colombien ayant porté ses fruits. Mais voilà, il y a eu le Chili, le match au cours duquel Osorio « s’est trompé sur tout. » Car Osorio s’est trompé et en a payé le prix fort. Trompé dans sa volonté de presser haut, trop haut, trop en nombre, face à un Chili qui avait retrouvé sa justesse et sa fluidité. Trompé en laissant des espaces que la Roja a exploités à merveille. Fallait-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ? Fort heureusement les dirigeants mexicains ne l’ont pas fait. Cette défaite, la première d’Osorio est certainement traumatisante pour le Tri, elle n’est que la première, elle ne doit pas, comme certains le souhaitent, signifier de tout casser. Osorio maintenu, son Mexique, déjà qualifié pour la dernière phase des éliminatoires de la Coupe du Monde, va pouvoir tranquillement panser ses plaies et reprendre sa marche en avant. Car plus que soulever des questions, cette (lourde) défaite devrait surtout délivrer une certitude : celle qu’on ne les y reprendra pas à deux fois. Encore faut-il en tirer les bons enseignements.

Dans l’ombre des deux géants, le Costa Rica a déçu. Incapable de montrer quoi que ce soit de pertinent lors des deux premiers matchs, le groupe d’Óscar Ramírez a réussi à se réveiller face à une Colombie bis, grâce notamment à l’excellente performance d’un Johan Venegas qui aura, outre le fait de marquer une merveille de but, redonné l’espoir aux Ticos. C’est d’ailleurs bien ce qu’il reste, une once d’espoir. Car il n’y a pas grand-chose à retenir du parcours de la Sele, mis à part un 0-0 insipide face au Paraguay à une déroute face aux USA et donc un immense sentiment de frustration. Il en est de même avec la Jamaïque qui est apparue limitée, comme si rien n’avait changé par rapport à l’an dernier à l’exception du fait qu’elle est désormais attendue avec plus de sérieux. Si nombreuses sont les voix à s’élever pour réclament le départ de Winfried Schäffer, là encore la fédération jamaïcaine (JFF) semble se montrer patiente, laissant au technicien allemand, qui a eu le mérite de donner consistance et structure à cette sélection, le temps de préparer les deux rendez-vous de septembre face à Haïti et Panamá, rendez-vous décisifs dans la course à la Russie. Consistance et structure, les Grenadiers en ont fait preuve lors du match d’ouverture face au Pérou, montrant du jeu, de belles intentions et de la discipline. Malheureusement, par la suite, les joueurs de Patrice Neveu se sont transformés en spectateurs d’un Brésil qu’ils respectaient trop avant d’exploser face à l’Equateur. Là encore, le sentiment est mitigé puisqu’on aura entraperçu les belles promesses de la dernière Gold Cup avant de voir Haïti sombrer en même temps que ses idées.

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Reste donc Panamá qui aura confirmé ce qu’on avait déjà vu lors de la Gold Cup. Sous les ordres d’Hernán Darío Gómez, les Canaleros ont une fois encore prouvé qu’ils avaient une équipe et surtout qu’ils avaient une philosophie de jeu. Au-delà du score sans appel face à l’Argentine, qui n’a pris de l’ampleur qu’après l’entrée en jeu d’un exceptionnel Leo Messi, Panamá n’a jamais dérogé à sa volonté de jeu, même lorsque perturbé par l’absence de joueurs clés. Mais les Godoy, Cooper, Pimentel et autres Quintero sont autant d’éléments porteurs d’espoir sur lesquels repose ce jeu fait de technique et de fluidité. Panamá a outrageusement dominé une Bolivie pas au niveau et peut se vanter d’avoir longtemps perturbé les deux futurs finalistes. S’il est une troisième nation du Nord à sortir de cette Copa América avec des certitudes, c’est bien Panamá.

Déceptions sud-américaines

Plus au Sud, la Copa Centenario n’aura finalement fait que confirmer ce que l’on savait déjà : la Bolivie n’a pas le niveau. Qu’importe les tourments au sein de sa fédération, les semaines passent et ne font que confirmer que Baldivieso n’est pas l’homme de la situation. Alignant un horrible 5-4-1 face à Panamá, passant à deux doigts d’un hold-up monumental face au Chili, Jhasmani Campos inscrivant l’un des buts de la compétition sur l’une des rares frappes de la Verde sur ce match (3 au total, 2 non cadrées quand le Chili avec ses 80% de possession avait frappé 19 fois au but) avant de terminer spectatrice face à l’Argentine, la Bolivie n’a donc jamais existé dans cette compétition, n’a rien montré, ne peut tirer aucun enseignement dans la perspective d’une campagne de qualifications déjà plus que compromise. La fédération s’est dotée d’un nouveau comité exécutif, il décidera de l’avenir de Baldi en milieu de semaine. Reste qu’on ne voit aucune porte de sortie immédiate pour cette Verde.

Si ce le chaos est encore bien loin, impossible de ne pas résumer la Copa Centenario du Paraguay autrement que par catastrophe. Totalement insipide face au Costa Rica, dépassé par une Colombie gestionnaire, mal payé face aux USA, les hommes de Ramón Díaz n’ont finalement pas réussi à rééditer leurs vols de la dernière Copa América et ont quitté prématurément une épreuve alors qu’ils avaient un groupe à leur portée. Les conséquences pour les Guaraníes sont grandes : outre le départ des Díaz, qui ne se sont pas privés ensuite pour dire qu’ils voulaient déjà quitter leur poste avant l’épreuve – leur élégance habituelle –,  le Paraguay se retrouve désormais à devoir rattraper le temps perdu par le cycle de l’Argentin et cherche un nouveau bâtisseur quand il en avait un à disposition en 2014 en la personne de Victor Genes. Le nom de Reinaldo Rueda a circulé, l’actuel entraîneur de l’Atlético Nacional a pour l’instant refusé, mais à trois mois d’échéances importantes que seront les deux rendez-vous de qualification de septembre (réception du Chili et déplacement en Uruguay – on a vu bien plus simple), le Paraguay se retrouve dans l’incertitude la plus complète alors qu’il dispose d’une nouvelle génération de grand talent.

Du côté de l’Uruguay, la Copa América Centenario ne laissera pas un souvenir impérissable. Affublé du costume de favori, la Celeste n’a pas su gérer l’absence de Luis Suárez, dont la blessure n’a jamais pu être résorbée à temps, n’a pas pu compter sur Edinson Cavani, dont l’inefficacité offensive aura été dramatique et finalement n’aura pas montré son meilleur visage. Dominé par le Mexique, décevant face au Venezuela avant de dérouler face à la Jamaïque, la Celeste a quitté une compétition qu’elle peut désormais considérer comme anecdotique et se focaliser sur son objectif premier, la qualification à la Coupe du Monde, s’appuyant sur sa première place actuelle pour ne pas déconstruire ce qui a été mis en place par el Maestro Tabárez. De toute façon, ce n’est pas l’habitude de la maison.

Autre déception, plus relative, l’Equateur. On attendait beaucoup d’une Tri convaincante en phase de qualification et dont le potentiel offensif ne demandait qu’à briller dans une Copa América qui avait valeur de revanche pour la bande à Quinteros. Mise à part une vingtaine de minutes face au Pérou et éventuellement la fin du quart face aux USA, on n’aura finalement pas vu l’Equateur qu’on espérait voir et les critiques se sont abattues sur la sélection. Quinteros a ainsi réagi, rappelant les résultats de la campagne de qualification (et notamment la victoire en Argentine) pour mieux recadrer tout le monde sur l’objectif premier : la présence en Russie en 2018. Une stratégie similaire à celle employée par l’Uruguay, à l’image de la déception similaire que ces deux sélections ont générée.

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Colombie, Venezuela, Pérou : les satisfactions

Trois sélections auront pour leur part généré bien des satisfactions. Première d’entre elle, le Pérou de Gareca. Après un départ poussif dans le match à ne pas perdre face à Haïti, la Blanquirroja a ensuite réussi à monter en puissance, à monter dans sa capacité à créer du jeu. Le nul décroché face à l’Equateur et l’élimination du Brésil auront ainsi été autant de signes forts. Car ne nous y trompons pas, si nombreux sont ceux qui retiennent le but illicite de la Pulga Ruidíaz, on retiendra aussi que le Pérou a mérité sa victoire face à la Seleção. Ce parcours péruvien, terminé sur une élimination sans perdre face à la Colombie, aura surtout permis au Tigre Gareca d’assoir sa position, de démontrer que sa prise de contrôle de la sélection peut s’avérer payante. En se passant de plusieurs cadres Claudio Pizarro, Jefferson Farfán, Juan Vargas, Luis Advíncula, Carlos Ascues, André Carrillo et Carlos Zambrano, certains pour raisons disciplinaires, d’autres pour raisons sportives, Gareca a montré qu’il était le patron et a d’ores et déjà assuré qu’il comptait sur plusieurs joueurs présents dans cette Copa América pour continuer de construire. Avec la génération des Flores, Polo, si brillante lors du Sudamericano 2013, et le talent des Cueva et autres Ruidíaz, le tout accompagné par la légende Paolo Guerrero, le Pérou sort de cette Copa América avec bien des espoirs.

Les espoirs, la Colombie peut également en nourrir. Après une première partie d’année 2015 à errer, les Cafeteros ont également été totalement repris en main par el Profe Pekerman qui a patiemment su reconstruire en injectant de nouveaux talents et donné les clés du camion à sa star James. Certes la Colombie aura généré quelques frustrations, comme l’impression de ne jamais véritablement forcer jusqu’à la demi-finale où elle fut victime des conditions particulières, d’un arbitrage en sa défaveur et d’un Chili bien trop difficile à déstabiliser, mais le parcours colombien, le meilleur depuis le titre de 2001, valide les choix de Pekerman, confirme la belle dynamique réamorcée en qualification et permet d’entrevoir des jours meilleurs dans les prochains mois. Quand ajouté à cela, quelques mois après un titre continental décroché par Santa Fe fin 2015 et à quelques jours d’une demi-finale de Libertadores pour son Atlético Nacional et, pour les moins de 23 ans un voyage aux Jeux Olympiques à Rio pour gagner de l’expérience, les six derniers mois pourraient bien être celui du tournant décisif dans l’histoire de la sélection.

Autre tournant, plus immédiat, la Copa América du Venezuela. Au coup d’envoi de la compétition, la Vinotinto arrivait en victime expiatoire, représentante d’un pays déjà dans le chaos sur le plan social et politique, représentante d’un football au climat des plus agités après les derniers mois de conflit entre la fédération, l’ancien sélectionneur Noel Sanvicente et les joueurs. Cette même fédération avait finalement tenté un compromis en virant Sanvicente et en nommant un bâtisseur, Rafael Dudamel, ancien sélectionneur des u17 et des u20. Le pari est gagné. S’appuyant sur les valeurs sûres que sont le capitaine Tomás Rincón, la star Salomón Rondón, le précieux Alejandro Guerra, auteur du geste du tournoi, et incorporant la jeune génération symbolisée par le duo Josef Martínez - Adalberto Peñaranda, Dudamel a trouvé un équilibre. Le Venezuela a surpris en même temps qu’il a séduit et a réussi sa Copa América, gagné des certitudes qui pourraient lui servir à remonter la pente dans sa campagne de qualification (même si le retard semble insurmontable).

Photo : Mitchell Leff/Getty Images

Nouvel espoir au Brésil, tragédie argentine

D’autant que devant, certains géants ont vacillé et semblent sombrer. C’est le cas du Brésil de Dunga. Pensant peut-être profiter de l’indifférence générale que générait cette Copa Centenario au pays, Dunga espérait peut-être passer entre les gouttes. Fort heureusement, il n’en fut rien. Car si nombreux ont cru à un retour lors de la victoire en trompe l’œil face à Haïti, les performances d’ensemble lors des matchs face à l’Equateur, où le Brésil a été sauvé de la défaite par une mauvaise décision arbitrale, et face au Pérou, où le Brésil a définitivement coulé suite à une mauvaise décision arbitrale (certains parlerons de revanche du destin), ont été tellement creuses que finalement le fusible Dunga a fini par sauter. Alors l’espoir est revenu. En nommant Tite (lire Tite, un entraîneur emblématique au chevet de la Seleção), tout un pays veut croire que les lendemains seront ensoleillés. S’il ne faut pas croire en une révolution tactique (lire Tite, le studieux tacticien), le Brésil devrait déjà retrouver une certaine cohérence. Reste qu’à l’heure où son équipe nationale ne fait plus peur, où ses équipes de jeunes ne brillent plus et où ses clubs ne remportent plus le moindre trophée continental, c’est tout un football qu’il faudrait repenser au pays. Malheureusement, la fédération n’en prend pas le chemin, le chaos le plus total régnant toujours dans les hautes sphères.

Photo : ALFREDO ESTRELLA/AFP/Getty Images

Le chaos est aussi à l’ordre du jour chez l’autre géant du continent, l’Argentine. Preuve définitive que cette Copa América Centenario n’aura pas été aussi anecdotique que bien des gens veulent le faire croire, la défaite de l’Albiceleste en finale, dans une compétition où elle n’a plus perdu depuis la finale 2007 (un comble), aura causé des dégâts bien plus important que le « simple » traumatisme d’une troisième finale consécutive perdue. A peine le temps de se changer que sa star Leo Messi annonçait sa retraite internationale, entraînant dans son sillage une multitude de rumeurs d’autres annonces, celles des Mascherano, Higuain, Lavezzi, Agüero. L’ombre du Titanic plane sur l’Argentine dont le football local traverse une crise sans précédent au niveau de sa fédération (Luis Segura, président de l’AFA a quitté son poste, remplacé provisoirement par un Grondoniste Damián Dupiellet, le tout au centre d’une guerre féroce entre divers camps, nous en reparlerons), la perspective d’un départ massif de joueurs cadres laisse aussi planer bien des incertitudes au moment où l’Albiceleste doit se préparer à jouer l’Uruguay dans trois mois et ne dispose d’aucune marge de manœuvre dans la course à la qualification. Et comme par magie, ce chaos n’expose pas (encore) les choix douteux d’un Tata Martino à la stratégie dépassée pendant cette Copa América, transformant son équipe en machine à contrer efficace lors des tours précédents mais totalement impuissante dès lors que l’adversaire est capable de gérer cette pression et qu’elle ne peut faire autre chose qu’aligner des joueurs blessés ou loin du niveau requis. Comme le Brésil, l’Argentine se projette désormais sur les Jeux Olympiques dont elle fait partie des favoris mais n’aura finalement que peu de temps pour se remettre les idées en places. Preuve supplémentaire que cette Copa Centenario aura des conséquences plus importantes que prévues.

Photo : Rich Schultz/Getty Images

Le triomphe de Pizzi

Reste que la coupe du centenaire aura été finalement celle du triomphe d’un homme, Juan Antonio Pizzi. Arrivé au lendemain des conséquences de l’affaire Jadue et de la fuite de Sampa, mentor d’une Roja qu’il a fait gagner pour la première fois de son histoire, Juan Antonio Pizzi a dû reconstruire en s’appuyant sur des bases plantées par Bielsa, développée par Sampaoli, tout en apportant sa touche. Sa touche c’est une verticalité bien plus poussée, la vitesse d’explosion offensive prenant le pas sur la machine à possession qu’était devenu le Chili de Sampa. L’héritage, c’est une incroyable capacité à générer du jeu, une fluidité collective. Le mélange des deux aura pris du temps, il s’est réveillé lors du 7-0 fondateur face au Mexique en quarts même si les premiers signes ont été entrevus dans la victoire à l’arrachée face à la Bolivie, le jour où Vidal a définitivement assis son statut de leader de la Roja. Nous l’avions dit dans notre guide, « le Chili joue toujours aussi bien, a conservé son intensité, sa justesse collective qui le rend toujours aussi redoutable. S’il retrouve son efficacité, il pourrait être quasi injouable. » Et il l’a été. Pizzi avait annoncé un plan anti Messi pour la finale, son milieu à trois a totalement enfermé la Pulga argentine, l’a isolé du reste de son équipe. Le plan a fonctionné. Entraîneur victorieux avec la Católica, qu’il avait conduit, avec les mêmes recettes, en quart de finale de la Libertadores (éliminé à cinq minutes de la fin par le futur finaliste Peñarol), Pizzi a ainsi posé les jalons de son nouveau Chili, établi définitivement sa crédibilité et pourra désormais continuer de construire sur une génération dorée, la seule à avoir décroché des titres, vengeant ainsi des générations de grands joueurs et de grandes équipes qui avaient échouées jusqu’ici au moment de gravir la dernière marche. Le Chili n’a jamais été une nation mineure du football sud-américain, le penser serait offenser des générations précédentes comme celles de l’époque du Ballet Azul (3e de la Coupe du Monde 1962) ou du Colo-Colo des années 70, à l’image de son sélectionneur, il ne lui manquait que la crédibilité offerte par un titre majeur. C’est désormais chose faite. En deux ans, la Roja a ainsi rattrapé 100 ans de frustration.

L’avenir

Le rideau est donc tombé sur la première Copa América américaine. Au terme d’une édition qui aura finalement poursuivi dans cette voie d’une vaste redistribution des cartes sur le continent, bien des choses pourraient avoir changé. La Copa América Centenario devait célébrer un siècle de football sud-américain en s’ouvrant vers le Nord. Si on ne sait pas encore si les membres de la CONCACAF seront conviés à l’édition 2019 prévue au Brésil, son succès et le contenu général tendent à prouver que l’avenir de cette compétition pourrait bien être dans son ouverture au Nord. En attendant, l’édition 2016 aura livré bien des enseignements et ses conséquences devraient se matérialiser dans les semaines qui viennent, pouvant pourquoi pas changer complètement le scénario des campagnes éliminatoires pour la Coupe du Monde russe.

Bonus : les 91 buts de la Copa América Centenario

 

Photo une : Elsa/Getty Images

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.