Cinq ans après l’édition inaugurale qu’elle a accueillie, l’Argentine retrouve le Campeonato Sudamericano. Et parvient enfin à inscrire son nom au palmarès.

Le début du XXe siècle voit le football poursuivre son développement en Amérique du Sud avec son cheminement classique : graine plantée, développement et appropriation par les locaux. Si le lexique ne s’est pas encore totalement détaché des Britanniques, sur le terrain, les criollos ont pris à leur compte un sport à qui ils donnent de nouveaux accents. Dès 1910 un tournoi dédié à célébrer la révolution de mai voit le jour, il accueille Argentine, Uruguay et Chili et plante une nouvelle graine, la création d’un tournoi continentale, chose que même l’Europe est incapable de mettre en place. Il est alors décidé que la première édition se tiendra en Argentine en 1916, année du centenaire de l’indépendance du pays. Malheureusement pour l’hôte, la première édition est décrochée par le voisin venu de l’autre rive du Río de La Plata au terme d’une « finale » (le tournoi est un mini-championnat à quatre) rejouée après le drame du 16 juillet lorsque le vieux stade du GEBA était parti en flammes. L’année suivante, l’Uruguay récidive, Héctor Scarno lui offrant le titre lors du dernier match, autre « finale », le Brésil s’inscrit au palmarès en 1919 avant que l’Uruguay ne retrouve sa couronne au Chili en 1920. Si la Celeste a décroché alors trois titres en quatre éditions, l’Albiceleste quant à elle semble abonnée aux deuxièmes places (trois en quatre éditions). À l’heure d’accueillir le cinquième Campeonato Sudamericano, l’impatience est grande.

Nouveau venu

Si le format ne change pas pour l’édition 1921, un seul groupe dans lequel chacun s’affronte une fois, le vainqueur étant couronné, la nouveauté se trouve du côté des participants. Absent pour la première fois, le Chili est « remplacé » par un nouveau venu : le Paraguay. Une seule enceinte accueille la compétition, l’Estadio Sportivo Barracas. Construit à partir de 1919, il accueille un duel entre Boca et Nacional comme premier match en mai 1920 avant de voir l’Uruguay s’imposer face à l’Argentine devant 18 000 personnes en juillet de la même année pour la première de la sélection dans cette enceinte.

Le 2 novembre 1921, ils sont près de 20 000 à se masser au bord du terrain pour le match inaugural du cinquième Campeonato sudamericano, ArgentineBrésil. Nerveux, les supporters de l’Albiceleste peuvent respirer lorsque les leurs sortent victorieux de ce duel que l’Argentine à globalement dominé. L'unique but, marqué par Julio Libonatti, joueur de Newell’s, à la 27e minute est inscrit après un centre de Raúl Echeverría, l'ailier gauche argentin, que Kuntz, portier de Flamengo, n’est pas parvenu à repousser, Libonatti surgissant ensuite pour devancer Almeida Netto. Le soulagement est d’autant plus grand que le deuxième match de la compétition découle sur une sensation. Débutant, ayant ainsi les faveurs du public, le Paraguay réussit un véritable exploit : emmenés par Manuel Fleitas Solich, son capitaine, qui domine le cœur du jeu et Gerardo Rivas, « insider » gauche, les Guaraníes font tomber le tenant du titre, le but de José Piendibene en fin de partie ne servant qu’à sauver l’honneur. Cette victoire est sans lendemains. Le Paraguay s’incline sur le même score face au Brésil puis face à l’Argentine (3-0), ce dernier match se disputant devant 30 000 personnes. La victoire de l’Uruguay sur le voisin du nord, au terme d’un match plus accroché que spectaculaire maintient cependant les espoirs d’un nouveau titre pour la Celeste. Tout se jouera sur une nouvelle « finale » face à l’Argentine.

Enfin sacrée

Le 30 octobre, ils sont 35 000 à se masser à l’Estadio Sportivo Barracas pour assister à ce nouveau choc platense. Le premier acte est tendu, il se termine sans aucun but. Il faut attendre l’approche de l’heure de jeu pour voir le stade se libérer. Un centre de Vicente González trouve Blas Saruppo qui frappe à bout portant, Manuel Beloutas ne peut que repousser et Julio Libonatti surgit de nouveau et conclut. La foule exulte, Américo Tesoriere se mue ensuite en sauveur de la nation, repoussant toute tentative uruguayenne. Chapeaux et mouchoirs peuvent voler, d'innombrables drapeaux argentins, cachés jusqu'alors se mettent ensuite à flotter, des centaines de spectateurs envahissent le terrain. L’Argentine décroche sa première étoile, le duel entre les deux géants du Río de La Plata continuera de marquer les années vingt et trente, il écrira les premiers chapitres de la grande histoire du football mondial.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.