Au bout d'un match fou, qui a duré exactement 113 minutes, Nacional a remporté le titre de champion d'Uruguay. Peñarol restera donc deuxième, mais a perdu ce jour plus qu'une finale.

113 minutes de football

Le spectacle est comme toujours grandiose dans les tribunes du stade Centenario. Il fait frais mais beau sur Montevideo. Les deux équipes se présentent en finale pour le titre de champion à la suite d'une saison intéressante, au cours de laquelle le Nacional a tout gagné ou presque durant le tournoi d'ouverture, et de laquelle Peñarol a gagné le tournoi de clôture lors de la dernière journée.

Mais dès le coup d'envoi du match, le Bolso montre plus d'envie que son adversaire, avec une très forte domination au milieu de terrain. La seule occasion de Peñarol est un tir d'Urretaviscaya, non cadré, sur un contre rapidement mené dès la deuxième minute. Pour le reste, les Bolsos imposent leur rythme, leur physique, dès le début de la partie. Álvaro Gutiérrez ayant renforcé son milieu de terrain, la récupération de balle se fait très haute, gênant particulièrement les deux latéraux carboneros, Diogo et Sandoval. Et après 20 minutes de jeu, sur un centre venu de la gauche, Ivan Alonso remet le ballon de la tête sur Seba Fernandez, seul aux six mètres, qui n'a plus qu'à conclure d'un plat du pied. Les deux centraux de Peñarol sont aimantés sur le centre et plus personne ne couvre le deuxième attaquant du Nacional sur la remise. Migliore n'est pas non plus exempt de tout reproche, n'ayant pas osé sortir de son but.

La suite confirme la pression mise sur la défense carbonero. Dès la trentième minute, Sandoval perd un ballon aux trente mètres de sa ligne en essayant de dribbler deux adversaires... Suite à cette récupération, et après deux passes, le brésilien Diogo fait faute sur Fernandez en revenant sur lui par derrière, en lui accrochant la jambe dans la surface. Faute, carton jaune, et penalty pour le Nacional. Sur cette action, les deux latéraux montrent leurs manquements face aux joueurs Bolsos. Ivan Alonso transforme ce penalty, sur la gauche du gardien. Le score est donc déjà de 2-0 à la mi-temps.

Bengoechea prend ses responsabilités dès le début de la deuxième mi-temps. Sandoval et Diogo, largement en dessous et mettant constamment en danger l'équipe, sont remplacés par Leyes et Nandez. Ce dernier, 19 ans, revient depuis seulement vendredi de la Coupe du Monde des moins de 20 ans... en Nouvelle Zélande. Mais, grâce à eux, les Carboneros remettent le pied sur le ballon et la main sur le match en se procurant de nouveau des occasions. Luis Aguiar ou Pacheco, transparents en première mi-temps, peuvent de nouveau construire le jeu au milieu de terrain. Aguiar réalise tout d'abord un magnifique coup de franc aux vingt-cinq mètres pour réduire l'écart. Le Nacional a toujours des occasions en contre, par Ivan Alonso notamment qui touche la barre sur un lob génial des trente mètres. Mais les Bolsos ne parviennent pas à tuer pas le match. El Japo Rodriguez est expulsé de façon stupide suite à deux cartons jaunes à 30 secondes d'intervalles, pour contestation et tacle par derrière. Alors, à 10 contre 11 et à quelques minutes du titre, Gutiérrez fait rentrer El Chino Alvaro Recoba à la demande des supporters du Nacional, qui souhaite lui rendre un dernier hommage pour la fin du match... et également la fin de sa carrière. Mais à la 89ème minute, sur une faute inutile dans la surface car dans une course en direction opposée au but, Peñarol obtient un penalty et la possibilité d'égaliser par Aguiar. Ce dernier tire parfaitement, lucarne opposée, et offre à Peñarol 30 minutes de prolongation, mais à dix contre onze.

La prolongation est étrange sur le plan footballistique. Les carboneros attendent la fin du temps réglementaire et n'attaquent plus. Recoba, qui est rentré pour 5 minutes de jubilé, organise le jeu parfaitement et régale de ses passes, corners, coups franc. Et, à la 110ème minute, sur une passe parfaitement ajusté de ce dernier, Santiago Romero (élu joueur du match) donne l'avantage au Nacional. Le football s'arrête là, au milieu des prolongations.

Une non-fin de match

Les problèmes avaient en effet commencé plus tôt. Dès la fin de la seconde mi-temps, des supporters carboneros avaient pris place au pied de la tribune et au bord du terrain. Il n'avait aucune raison d'être là, mais ni les forces de l'ordre ni l'arbitre ne décidaient d'intervenir. Suite à l'avantage pris par le Nacional en prolongation, les choses se sont évidemment envenimées avec un afflux de supporters de plus en plus nombreux au bord du terrain. L'arbitre décide malgré tout de continuer. Mais le Nacional obtient un nouveau penalty 30 secondes après leur troisième but. Face au danger, la police se décide finalement à intervenir. Une pluie de siège en plastique s'abat alors sur eux depuis la tribune. Après une quinzaine de minutes d'interruption, et malgré le fait que la situation soit toujours aussi tendue, l'arbitre fait reprendre le match sur le penalty que Recoba s’apprête à tirer. Et il le manque ! Arrêt de Migliore ! Les carboneros restent à un but du Nacional, avec une petite dizaine de minutes à jouer. Tout est possible. Mais le jeu ne reprendra jamais. Au bout de quelques minutes, les hinchas de Peñarol en avaient apparemment marre de pourrir la vie de la garde républicaine, et décident donc de balancer leurs sièges sur les ambulances au bord de la pelouse. Pour se protéger, un camion d'urgence, de type pompier, rentre sur le terrain au beau milieu des joueurs ébahis. S'en était trop pour l'arbitre qui siffle en montrant le centre du terrain. Match arrêté définitivement, célébration coté Nacional.

Le stade se vide tranquillement coté Peñarol, les forces de l'ordre n'effectuant aucune arrestation ! Le Nacional célèbre son titre, mais sans les médailles de la fédération, cette dernière ne reconnaissant pas encore le résultat comme une victoire finale. Cela n’empêche pas Coca Cola, sponsors de la compétition, de remettre sa coupe. Situation hallucinante, pathétique. Encore plus quand, d'une stupidité aveugle, Bengoecha ne reconnaît pas sa défaite quelques minutes plus tard en conférence de presse. Il souhaite rejouer les dernières minutes...

Quelques jours plus tard, la AUF officialise le titre du Nacional. Cela restera le dernier match, dernière vingt minutes d'un monstre, Alvaro Recoba. Il venait pour un jubilé, il a offert la victoire à Nacional. Il intégrera le staff la saison prochaine.

Quant au Peñarol, il devrait écoper de plusieurs à huis-clos. Et le président Damiani devra prendre des décisions dures avant de rentrer dans son nouveau stade en Septembre. Pas sûr qu'il laissera des idiots détruire les sièges quand ce sera son stade. Seule information positive cette semaine côté carbonero, c'est fait pour Forlan. En espérant qu'il vienne avec plus de calme.  

Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba