L’année avait bien commencé et elle s’est mal terminée. Mais l’un dans l’autre, en cours de route, on s’est bien amusé, avec des caravanes, des coupes étranges, des matchs pluvieux et beaucoup de football. Le mieux étant l’ennemi du bien, ce n’était pas si mal. Petit résumé de l’année footballistique en Uruguay.

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Un championnat magnifique

Après le titre de Peñarol en 2021, Nacional avait les dents longues et en Pablo Repetto un entraîneur expérimenté. Ce dernier a mis du temps à imposer sa touche, faisant confiance à de nombreux jeunes et reléguant des joueurs qui étaient arrivés comme « titulaires ». Cela lui a coûté des points lors de l’Apertura, ainsi que le clásico joué au Campeón del Siglo, mais cela lui a permis de se construire un groupe pour le restant de l’année… qui lui a permis de dominer dans les grandes largeurs le classement annuel. Les choix du mercato se sont révélés les bons, avec derrière des joueurs comme Coelho ou le Pumita Rodríguez qu’on n’attendait plus. Devant, Carballo a été la plaque tournante et l’attaque a bien répondu, surtout quand Lucho est arrivé. L’effectif était déjà bien en place et la star uruguayenne s’est glissée à merveille dans le onze. Pour les finales, il ne restait plus qu’un adversaire, Liverpool, vainqueur de l’Apertura. Le club du Belvedere était un ton en dessous et n’a donc pas réussi à s’imposer malgré une finale durant laquelle il a poussé Nacional en prolongation. Depuis quatre-cinq ans, Liverpool réussit d’excellentes saisons et mériterait un titre, après ses excellentes saisons en 2020 ou 2022… mais il lui manque ce petit plus, cette capacité financière qui fait qu’un club comme Nacional peut garder un bon joueur six mois de plus.

suarezPhoto : PABLO PORCIUNCULA/AFP via Getty Images

Derrière, les troisième et quatrième sont de véritables surprises avec Boston River et le Deportivo Maldonado. Les deux ont été d’une régularité à toute épreuve. Le Depor est dans la foulée de deux bonnes saisons déjà depuis son retour dans l’élite et s’appuie sur quelques cadres comme Cantera, l’homme idoine pour ce type de club. La vraie surprise est le Boston de Nacho Ithurralde qui a extrêmement bien joué et qui a dérangé toutes les équipes du championnat malgré la perte de joueurs en cours de route, alors que le Sastre était le premier non-relégué à l’issue de la saison 2021.

Derrière, vous pourriez croire que vient Peñarol, mais toujours pas, puisque le cinquième est River Plate avec son jeu bien huilé et ses buts de Thiago Borbas (meilleur buteur du championnat). L’équipe du Chavo Díaz a été l’une des plus agréables à voir jouer cette saison. L’équipe termine logiquement devant Peñarol, même si le carbonero a, comme d’habitude, donné la sensation en fin de saison de complétement lâcher. L’année est à oublier avec un grand gâchis au niveau des recrues (surtout ceux arrivés durant le mercato d’hiver, Lozano ou Cristoforo) et un changement d’entraîneur mal géré après une journée seulement durant le Clausura. Le pire n’est jamais certain, surtout côté Peñarol, mais le club se prépare à une année électorale musclée avec le retour du fils Damiani dans l’arène. Le début de saison en 2023 sera primordial pour ne pas que le tout finisse comme un grain de maïs dans un micro-onde.

Septième et huitième, Danubio et Defensor semblent avoir décidé d’être ennemi sur le terrain mais toujours ensemble dans les classements. Mot-dièse petit cœur. Les deux promus ont effectué une bonne saison, s’offrant des sensations et une qualification en Sudamericana pour leur remontée. Un parcours agrémenté d’une coupe pour le Defensor qui a remporté la première Copa AUF Uruguay, trophée d’intégration avec le football de l’intérieur, lors d’une finale presque inoubliable contre La Luz, équipe promue en première division pour 2023, ayant battue Peñarol dans son parcours en coupe. La Coupe a honnêtement un peu déçu avec des matchs à des horaires improbables en semaine, aucun club de l’intérieur (OFI) qui s’en est bien sorti et les deux grands éliminés avant la finale.

En bas de tableau, pas de surprise avec les descentes prévisibles d’un Cerrito calamiteux, mais aussi de Rentistas et d’Albion. Le véritable doyen pourra avoir des regrets, étant devant Plaza ou Torque au classement annuel… mais pas au classement cumulé sur deux saisons. Torque, la filiale, s’en sort horriblement bien après une saison terrifiante d’inutilité footballistique.

L’année restera marquée par les moments de joie qui ont entouré le retour du fils prodige à Nacional et la caravane ayant conduite Lucho au Gran Parque Central. Après avoir refusé River Plate (soi-disant à la suite de l’élimination en Libertadores), un beau mouvement populaire quasi-spontané a poussé et porté le retour de Suárez à Nacional. Cela n’a en rien changé le déroulé du championnat, mais cela a rendu un peu plus de la moitié du pays heureux (même les supporters de Peñarol étaient secrètement satisfaits) et cela a montré que tout était possible… ou presque. Le Pistolero est depuis reparti, mais il pourra revenir quand il veut à la maison.

L’équipe type

Fidèle à la tradition, nous n’incluons que les joueurs ayant joué toute la saison en Uruguay, rendant ainsi hommage à une certaine forme de fidélité. D’autres joueurs auraient pu apparaître dans ce onze dont un certain Suárez, mais aussi Alan Rodríguez de Boston River, Ramón Arias…

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Entraîneur : Ignacio Ithurralde

Rapide bilan des coupes continentales…

La Libertadores a été le supplice habituel pour les clubs uruguayens, avec une élimination dès l’entrée en lice pour Torque (premier tour) et Plaza (deuxième tour). En phase de groupes, Peñarol a enquillé comme d’habitude trois défaites à l’extérieur et ne peut donc pas se qualifier pour les huitièmes. Malgré sept points, le groupe étant serré, l’équipe ne s’est même pas qualifiée pour la Sudamericana et n’a offert que des scènes de violence en tribunes contre Colón. Nacional n’a pas fait mieux avec également sept points, mais s’est offert le luxe de fesser un Brésilien (Bragantino) lors du dernier match et donc de se qualifier pour la Sudamericana. Le plaisir a été de courte durée puisqu’en quarts, l’équipe a perdu contre un autre nordiste, l’Atlético Goianiense, au grand dam d’un Suárez qui aurait bien aimé, entre deux séances d’entraînement pour la Coupe du Monde, s’offrir un petit parcours en coupe continentale. Avant Nacional, les autres uruguayens (Wanderers et River Plate) étaient sortis vite fait bien fait de leur phase de groupes de Sudamericana.

La coupe de la panne

En sélection, la Celeste avait réussi un très bon début d’année avec la qualification acquise de haute lutte par le onze du Tornado Alonso. Après de bons matchs contre le Paraguay et contre le Venezuela, deux équipes en perdition en fin d’éliminatoires, l’Uruguay a décroché sa qualification dans un match difficile contre le Pérou grâce à l’indispensable (silence gênant) De Arrascaeta. Cerise sur le gâteau, la Celeste terminait par une victoire de prestige au Chili pour terminer troisième de la zone. Après quelques amicaux qui ont, au final, vrillé l’esprit du sélectionneur, l’Uruguay s’est présenté en mode défensif contre la Corée du sud et contre le Portugal, avant de se réveiller mais de ne pas en faire assez en deuxième mi-temps contre le Ghana. Il ne reste que des regrets, malgré le bilan statistique assez fou d’Alonso, lui qui n’a perdu qu’un seul match officiel pour le moment à la tête de la Celeste sur sept matchs (un nul et cinq victoires complètes le tableau). La preuve que les statistiques sont d’une honnêteté relative.

Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba