Au final, je ne pense pas qu’il soit possible de trouver une logique à tout cela. Cerro n’a pas pu jouer dans son stade, Danubio a enfin gagné en Sudamericana, contrairement à Peñarol qui vit chaque jour comme un drame. Et l’Uruguay est champion du monde des moins de 20 ans.

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La première journée de l’Intermedio n’avait pas commencé que déjà, elle était entourée de polémiques. Avant la journée, c’est le match Cerro – Nacional qui a fait parler avec un Monumental Luis Tróccoli qui n’a pas été habilité par la commission des Fields. À la tête du mouvement des clubs contre le président de l’AUF Ignacio Alonso, Cerro a diffusé des images de sa pelouse dans un état que l’on pourrait qualifier de normal pour le Tróccoli. Le débat fait donc rage pendant quelques jours, jusqu’au match joué à Jardines del Hippodromo, un match finalement très mauvais, avec un Nacional incapable de faire trois passes de suite. Fagúndez se troue sur le côté droit et permet à Cerro d’ouvrir le score par le toujours bon Dylan Nandin. Nacional met du temps à se remettre mais égalise par Gastón Pereiro, récemment entré en jeu. Match nul et mauvais début d’Intermedio pour Nacional.

De son côté, Peñarol se déplaçait au Campus de Maldonado pour y jouer une équipe qui l’avait bien embêté lors de l’Apertura : La Luz. Malgré le départ de Schiappacasse, l’équipe reprise par Nacho Pallas a trouvé un style de jeu et est sortie de la zone rouge. Comme pour Nacional, le match n’a pas été d’une qualité extraordinaire, mais il a eu le mérite d’offrir du suspense. Sebastian Cristóforo a ouvert le score à l’heure de jeu d’une belle reprise, avant de se faire exclure très stupidement pour deux jaunes en quelques minutes, deux jaunes logiques et évitables. Peñarol rentre alors en mode contre et ne se débrouille pas trop mal, jusqu’à ce que Hernán Menosse donne un petit coup de coude dans la surface en sautant sur un ballon aérien, faute pas évidente mais qui peut se siffler : deuxième jaune et penalty. Nicolas Royón égalise et Peñarol joue désormais à neuf… mais parvient en toute fin de match à prendre l’avantage avec un penalty beaucoup évident concédé stupidement par le gardien de La Luz, Ramiro Mendez. L’inévitable Sebastián Rodríguez donne l’avantage à Peñarol, l’horloge affiche 92 minutes et l’on pense le match plié. Sauf que Peñarol est toujours à neuf et que La Luz va piquer deux fois dans la défense en infériorité numérique, deux fois en cinq minutes par Machado et Quintana. Et pendant quelques jours, on ne va entendre que les dirigeants de Peñarol, leader avec cinq points d’avance du classement annuel, expliquer que le championnat est perdu d’avance parce que l’AUF est contre le club depuis la dernière campagne électorale… Sur le terrain, les deux rouges ne sont pas scandaleux, ils sont basés sur quatre jaunes pas scandaleux, et ils viennent après une première heure de football lénifiante durant laquelle Peñarol, sans milieu de terrain, n’a rien montré. Peñarol, comme les autres équipes, a gagné une semaine de pause avec le report quelques jours avant de la deuxième journée de l’Intermedio, pour cause de finale de Coupe du Monde.

Car au milieu de tout cela : la Coupe du Monde U20. La Celeste avait laissé une très bonne impression lors du Sudamericano de la catégorie, dominant ses adversaires sauf le dernier, le Brésil, au terme d’un match lors duquel la Celeste n’avait pas su sur quel pied danser car un nul lui aurait donné le titre... Les Brésiliens l’avaient emporté et se cherchaient depuis un adversaire à leur niveau en Amérique du Sud. C’était le sens d’un message instagram d’un joueur brésilien spécifique et non de toute l’équipe, mais c’est ce qui est resté et qui a « imprimé » en Uruguay. Il faut toujours, toujours, se méfier des réseaux sociaux. Pendant ce temps-là, l’Uruguay avait renforcé son groupe en perdant certes Rodríguez non-libéré par le Real mais en gagnant Alan Matturo libéré par le Genoa. Après une phase de groupes dominée (même lors de la défaite contre l’Angleterre), l’Uruguay a dû lutter avec de nombreux blessés et un banc de touche se rétrécissant à chaque tour, et cette impression de devoir lutter contre les éléments. L’équipe a d’abord battu la Gambie en huitièmes avec un match dominé, joué pendant longtemps à dix contre dix après l’expulsion d’un Gambien puis de Luciano Rodríguez pour un coup de coude. En quarts, avec deux jours de récupération de moins et seulement quatre joueurs sur le banc, l’Uruguay a battu fort logiquement une équipe qui avait dominé le début de la compétition, les États-Unis. À partir de ce moment, tout le monde a commencé à y croire. En demies, l’Uruguay a battu le nouvel adversaire à la mesure du grand Brésil, Israël, lors du match le plus fermé qu’a joué l’Uruguay (on ne remercie jamais assez les Brésiliens pour les coups de pouce de motivation qu’ils savent donner à leurs adversaires, même ceux qu’ils ne jouent pas dans la compétition). En finale, l’Italie se dressait contre l’Uruguay et la sélection de la botte a pu faire peur mais n’a pas tiré une seule fois dans le cadre. Tout l’Uruguay a crié au scandale quand un italien n’a pas été exclu sur une semelle sur Fabricio Díaz au niveau du genou, se voyant déjà envahir le siège de la FIFA pour protester, avant que Luciano Rodríguez ne vienne en Christ rédempteur marquer de la tête à cinq minutes de la fin du temps réglementaire un but au terme d’une action de ping-pong dans la surface. Après avoir perdu une finale en Malaisie malgré l’immense Nicolas Olivera en 1997, après avoir perdu une finale en Turquie malgré Nico López en 2013, l’Uruguay est enfin champion du monde de cette catégorie.

Et c’est peut-être un détail pour vous mais ces joueurs sont les mêmes qui jouent (ou ne jouent pas, selon ce que décide l’AUF) au stade Tróccoli. La sélection a été fêté par tout un peuple et après une nuit de fête, de chambrage de brésilien et de chant pour demander une prime (les joueurs U20 ne reçoivent apparemment pas de prime pour leur participation), l’équipe est revenue faire la fête à Montevideo. Un bus a porté l’équipe (et Luis Suárez, revenu là on ne sait comment, pour profiter de la fête et féliciter les joueurs) de l’aéroport jusqu’au Centenario. Ils ont été à nouveau célébrés lors du match amical, le premier de Marcelo Bielsa (victoire 4-1 face au Nicaragua). Qui peut sans doute se pourlécher les babines du contexte dans lequel il arrive.

 

Photo : Manuel Cortina / SOPA Images/Sipa USA) - Icon sport

Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba