Au terme d’une finale totalement dominée, le Zamora FC a décroché son quatrième titre national. Un retour sur le devant de la scène pour un club bien particulier dans le paysage vénézuélien.

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Le baseball est une passion au Venezuela. Hugo Chávez rêvait de devenir un joueur professionnel même depuis qu'il était petit. Toute la famille était fan de ce sport importé par les américains, toute la famille sauf un : Adelis. Le plus jeune des six frères a toujours eu une autre passion, le football et Diego Maradona. C’est lui qui va changer le cours de l’histoire footballistique de la région en prenant les commandes du Zamora Fútbol Club.

Chávez FC

L’histoire du football de la province de Barinas, celle des Chávez, s’est longtemps résumée au parcours chaotique de l’Atlético Zamora qui en a été pendant la plus grande partie du XXe siècle son plus haut représentant dans le football national, remportant notamment la Copa Venezuela en 1980, son seul titre majeur. Mais dans les années quatre-vingt-dix, le club entre dans une crise économique qui va conduire à sa disparition pure et simple et, avec elle, éteindre toutes les illusions de ses fans. Nous sommes alors en 1999. Pendant trois ans, le football semble n’être qu’un souvenir pour les amateurs de ballon rond de la province. En 2002, grâce à une contribution de l’État municipal géré par le maire Julio César Reyes, la franchise du Club Atlético San Cristóbal, une équipe de deuxième division qui avait notamment été championne dans les années quatre-vingts, est acquise, le Zamora FC est alors fondé, son nom est un hommage à Ezequiel Zamora, l’un des principaux acteurs de la Guerre Fédérale, guerre civile qui a frappé le pays à la fin du XIXe siècle. Reyes réalise les premiers investissements, il va ensuite se heurter au chavisme en entrant en conflit politique avec la famille Chávez, un conflit qui va permettre à la famille Chávez de prendre finalement le contrôle du club.

Cette prise de contrôle se fera en deux temps. Reyes entrant à la lutte avec Adán Chávez pour le poste de gouverneur, il passe alors dans l’opposition. Assistant personnel de Hugo Chávez lors de la campagne électorale de 1998, soldat et membre du Movimiento V República (MVR), Pedro Carreño est nommé député de Barinas et prend les commandes du club avant de devoir renoncer suite à une série de problèmes financiers qui assaillent l'entité, tels que le non-paiement des salaires à ses joueurs. Le club passe alors définitivement sous pavillon Chávez. Avec lui, les investissements reprennent alors, souvent venus d’entreprises publiques comme Petróleos de Venezuela (PDVSA), encore présent sur les maillots ou certaines banques. Membre du comité d’organisation de la Copa América 2007 organisée au pays, Adelis Chávez permet ainsi la reconstruction de La Carolina, le stade du club, qui passe de 12 000 à 30 000 places pour un investissement de plus de 60 M USD alors qu’il n’accueille qu’un seul match de la compétition (USA – Paraguay). Avec des installations rénovées, des capitaux assurés, le club va alors refaire surface et ne plus être une équipe habituée à se battre pour éviter la relégation.

Ascension vertigineuse

Adelis prend officiellement les commandes du club en 2009, deux ans plus tard, sous la direction de José de Jesús « El Chuy » Vera, Zamora remporte le premier tournoi court de son histoire, le Clausura 2011 et se qualifie ainsi pour son premier tournoi continental, la Copa Libertadores 2012 qui le voit affronter Boca Juniors en phase de groupes. La même année, le club nomme Noel Sanvicente à sa tête, il entre alors dans une nouvelle dimension. Le technicien le plus titré du pays réforme les structures du club, jusqu’aux catégories de base. Zamora va ainsi reprendre la voie du développement en insistant aussi et surtout sur son centre de formation. Avec Sanvicente, le club décroche son premier titre national en 2013, qu’il conserve l’année suivante avec dans ses rangs ses premiers joueurs « exportés » ensuite vers l’Europe, l’enfant du club Pedro Ramírez, qui s’envole pour la Suisse en 2014, et son buteur Juan Falcón, qui débarque en France. En parallèle, le club a acquis la place du Deportivo Barinas en deuxième division vénézuélienne, il peut ainsi y faire évoluer son équipe réserve composée en grande partie des u21 du club (qui a cependant été reléguée en troisième division l’an passé). Reste que « former des joueurs de haut niveau footballistique d’âge allant de dix à vingt-cinq ans » est désormais l’un des objectifs clairement affiché par le club. En 2015, Zamora ouvre sa section féminine, l’année suivante, le club inaugure son nouveau centre sportif destiné à l’équipe première et aux équipes de jeunes. Il dispose désormais d’infrastructures modernes, le tout dans le contexte vénézuélien pourtant si sombre. Les résultats parlent d’eux-mêmes. En 2018, alors que l’équipe u20 se hisse en demi-finale du Clausura, l’équipe phare, grâce notamment à plusieurs joueurs formés au club comme Erickson Gallardo, unique buteur de la finale retour de l’Apertura remporté par le club, décroche sa quatrième étoile nationale en écrasant le Deportivo Lara en finale.

Depuis son accession à l’élite du football vénézuélien en 2006, Zamora a donc décroché quatre titres nationaux (même si le Torneo Adecuación 2015, tournoi court, est parfois comptabilisé comme un titre national), cinq tournois courts et deux Copa Venezuela. Il est désormais au cinquième rang historique au palmarès depuis que le football est professionnel au Venezuela (soit 1957). Zamora a également participé à cinq Copa Sudamericana et quatre Copa Libertadores avant la cinquième l’an prochain. Le tout donc en à peine plus d’une décennie. Depuis l’arrivée de José Alí Cañas en 2017, le club a donc redoré son blason et retrouvé les sommets. L’ancien entraineur adjoint de Ratomir Dujković avec le Ghana lors de la Coupe du Monde 2006 sera toujours présent l’an prochain sur le banc du club. Dans un pays où beaucoup de clubs sont encore très jeunes ou ont récemment été repris par des fonds privés, laissant planer un avenir incertain, le Zamora FC est donc une exception. Il est surtout grâce à son centre de formation et des finances saines, l’un de ceux qui peuvent construire et envisager encore quelques belles années.

 

Par Nicolas Cougot et Rodolphe Wilhelm

Aller plus loin : Bola Latina S01E07 : Les Mystérieux investisseurs étrangers au Venezuela (avec Ricardo Andreutti)

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.