Il y a plusieurs années, la Korea University Sport Federation (KUSF) a mis en place la « C Grace rule » obligeant les jeunes sportifs à maintenir un niveau scolaire suffisant pour participer aux compétitions universitaires. Une règle qui divise et qui a touché un vice-champion du monde u20.

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En phase de test à partir de 2015, la « C Grade rule » a été définitivement mise en place en 2017 dans le sport universitaire coréen, impactant bien entendu le football. Cette nouvelle règle, adoptée par la KUSF et appuyée par la Korea Football Association, bannit de toutes compétitions universitaires les athlètes qui n'obtiennent pas au minimum la note de C sur deux semestres consécutifs (soit une note de 14-15 sur 20). Une règle existant déjà dans les niveaux inférieurs mais qui fait débat dans la U League (championnat de football universitaire) notamment du côté de la prestigieuse Yonsei University qui n'a pas pu participer à l'édition 2017 puisque vingt-huit de ses joueurs n'étaient pas éligibles.

Cette règle divise à la fois les universités et les joueurs. Du côté de Yonsei, l'impossibilité de concilier les cours et les entraînements est pointée du doigt puisque chaque joueur possède un emploi du temps différent. Pour d'autres cette question de l'emploi du temps est un faux problème et les joueurs doivent s'y habituer. Même du côté de ces deniers, les discours sont divisés. Certains ne remettent pas en cause la règle, estimant qu'obtenir un C n'est pas si difficile tandis que d'autres estiment qu'il n'est pas juste de les empêcher de joueur au football à cause de leur note sachant qu'ils sont venus à l'université uniquement pour la pratique du sport. Alors qu'ils n'avaient pas forcément besoin de se présenter en cours puisque leur participation à des entraînements et à des compétitions compensaient leurs absences, ils doivent désormais assister aux classes. Avec un handicap selon Shin Jae-heum, coach de Yonsei (2005-2019) : « Alors que les étudiants normaux peuvent se consacrer uniquement sur leurs cours, les athlètes universitaires doivent maintenant se concentrer sur leurs performances et sur leurs cours ». Un véritable problème pour certains qui n'avaient « pas l'habitude de s'assoir sur une chaise pour étudier ».

De son côté, la KUSF est consciente de ces difficultés d'autant plus depuis l'affaire Choi Soon-sil, l'ami de l'ancienne présidente Park Geun-hye, dont la fille avait obtenu de bonnes notes sans jamais passer des examens uniquement grâce aux liens entre Choi Soon-sil et la Présidente. S'en était suivi des manifestations de la part des étudiantes de la Ewha Womans University qui furent à l’origine de la destitution de Park Geun-hye. Les universités avaient ensuite durci leur système de notation. Néanmoins, la KUSF n'abolira pas la « C Grade rule » estimant que cette règle a pour but de maintenir un niveau de qualification suffisant si les athlètes ne deviennent pas professionnels. Sur les 102 athlètes bannis en 2017, 89 sont des footballeurs. Alors que la règle ne s'appliquait qu'aux participants de la U League membres de la KUSF. Les 33 universités non-membres sont impactées par la règle depuis 2018.

L'ancien joueur de la sélection et dirigeant de la Korea High School Football Association, Chung Jong-seon, établissait un constat amer pour les universités : « Je dirais que presque tous les footballeurs universitaires pensent devenir professionnel. Nous avons besoin de réfléchir à ce que ces étudiants veulent pour leur futur. Des personnes disent que la « C Grade rule » aidera ceux qui échoueront à devenir professionnel, mais pourquoi ne pas créer plus de clubs professionnels et donner plus d'opportunité aux jeunes footballeurs, comme ça plus de footballeurs universitaires pourront avoir le travail qu'ils veulent ? Dans le passé, les meilleurs joueurs venaient dans les universités pour gagner de l'expérience. Mais dans cette situation, il est trop risqué de venir à l'université. Maintenant, vous ne pouvez pas jouer si vous n'avez pas de C, donc vous ne pouvez pas vous montrer aux recruteurs même si vous avez du talent pour le football ». Il estime donc que les jeunes prometteurs iront directement dans les clubs professionnels parce qu'ils savent désormais qu'ils devront aller en cours à l'université ce qui les empêchera de jouer au football.

En 2019, Choi Jun, vice-champion du monde U20 avec la Corée du Sud, n'a pas obtenu les notes nécessaires pour participer à la U League avec Yonsei University. La raison ? Il préparait la Coupe du monde U20 en Espagne puis participait à la compétition en Pologne. Il n'était donc pas en cours et à son retour, il n'a pas réussi à rattraper son retard. Heureusement pour lui, Choi Jun appartient déjà à une équipe professionnelle, Ulsan, et n'a donc pas forcément besoin de se montrer en cette fin de saison. Mais sa situation rappelle les discours des observateurs en 2017, notamment celui de Kim Tae-ryung qui officie sur SPOTV et qui accusait la KUSF d'avoir mis en place une règle sans plan de secours rejoignant ceux qui encourageaient l'institution à mettre en place des mesures afin de soutenir les jeunes sportifs dans l'obtention des notes nécessaires : tutorat, cours en ligne, classes spéciales pour sportif... Autant de propositions que la KUSF cherche à mettre en place.

Baptiste Mourigal
Baptiste Mourigal
Rédacteur Asie, spécialisé Corée du Sud (K League, KFA) à suivre sur @KleagueFR