Faouzi Benzarti

L’incorrigible Faouzi a encore frappé. Moins de deux semaines après avoir fui Monastir laissant l’USMO en plan et dans l’embarras, l’éternel et impétueux Benzarti a d’ores et déjà réussi son pari. Hisser le Raja en finale de Coupe du Monde des Clubs à peine débarqué est à l’image de sa carrière, entre coups de sang et coups de génie. Portrait d’un homme volcanique, institution du football Tunisien malgré ses nombreux défauts.

" Evidemment qu’il a surpris tout le monde, même quand les médias en ont parlé je ne voulais pas le croire. Maintenant nous devons tourner la page et passer à autre chose." Trois jours après l’évasion de Faouzi Benzarti le 5 Décembre, le président de l’US Monastir Ahmed Belli paraît encore éberlué : A  Casablanca, son coach fuyard débute son aventure Marocaine avec le Raja, après avoir été préféré à l’ex sélectionneur de la Tunisie Nabil Maâloul.

Belli n’est pas la première victime d’un tel abandon de poste. En Juillet 2007 Benzarti, alors aux commandes de l’Espérance de Tunis, s’évanouit dans la nature sans donner de nouvelle et réapparaît quelques jours plus tard à Tripoli, en survêt vert estampillé " sélectionneur de l’équipe nationale de Lybie". Un transplanage en règle, façon Harry Potter, qui engendra à l’époque les moqueries et les chants railleurs des clubs rivaux, tel que le "gare, gare, Faouzi se barre" entonné par les supporters de l’Etoile du Sahel.

Mais derrière cet aspect gênant se cache un technicien aux méthodes singulières et immuables, et au palmarès immense : 2 ligues des Champions (Africaine et Arabe) avec l’EST, une coupe de la CAF avec l’ESS, et sept titres de champion de Tunisie.

Benzarti est avant tout un homme de coups, qui transcende un groupe sur une courte période et le pousse à l’excellence jusqu’à la rupture. Avant de s’en aller avec perte et fracas. Pour preuve, cette boucle Monastir-Esperance-Etoile-Club Africain dans laquelle il s’est enfermé depuis la fin des années 70-il a pris ou repris les rênes de chacun de ces clubs 4 fois dans sa carrière !-et qu’il parcourt inlassablement.

Sans innovation tactique notable ni de plan sur le long terme, Benzarti a une faculté à transformer les joueurs à sa disposition, décuplant leur motivation et leur concentration (que ce soit la grande génération de l’EST de 94, incarnée par le regretté Hédi Berrekhissa ou les jeunes lancés avec l’ESS en 2006, à l’instar de Chikhaoui et Chermiti). Et surtout en faisant en sorte que l’intensité monte crescendo.

Cela se confirme avec ce Raja Casablanca mouture Coupe du monde des Clubs : Alors que l’ossature mise en place par l’ancien entraîneur Fakhir a été conservée, l’équipe parait de plus en plus forte au-fur et à mesure qu’elle avance dans la compétition. Etonnant, surtout que d’ordinaire les méthodes de Benzarti font merveille sur une saison et montrent leurs limites sur une compétition.

Comme lors de la CAN 2010 aux commandes des Aigles de Carthage : La Tunisie finit en effet la phase de poules par un grand match contre le Cameroun (2-2) mais plombe sa qualification à cause des deux matchs nuls dégueulasses qui précèdent, contre la Zambie et le Gabon.

Forcément, ce mode de fonctionnement implique une part d’ombre assez conséquente. Même s’il s’est assagi ces dernières années, Benzarti a longtemps été un champion de la terreur, pourchassant tout ce qui n’est pas de son avis : joueurs, entraîneurs adverses, arbitres (il donne même des coups de panneau lumineux à l’infortuné quatrième arbitre d’ESS-EST en 2006).

Et évidemment les médias, à qui il réserve des coups de gueule mythiques comme en 2010, les accusant de nuire à l’équipe nationale. Ce coup de gueule rend sa marionnette célèbre aux Guignols en Tunisie (pour les Arabophones et les amateurs d’accès de folie, je vous mets la vidéo ci-dessous : 

Avec ce beau parcours et en dépit de la probable raclée promise contre le Bayern, Faouzi est à présent une idole à Casablanca. Mais si dans les deux mois qui suivent, vous le voyez gifler des joueurs et massacrer une conférence de presse avant de claquer la porte, vous ne vous étonnerez pas. Car Benzarti est un homme pour qui miracles et sautes d’humeur vont de pair pour l’éternité.

Farouk Abdou
Farouk Abdou
Actuellement à E-management, passé par Echosciences Grenoble, Le Dauphiné Libéré, Sport Translations et Tunisie foot, Africain volant pour Lucarne Opposee