Recordman du nombre de buts pour un gardien, Rogério Ceni a disputé son jubilé au Morumbi devant 60 000 personnes venues dire un dernier adieu un soir de décembre 2015. Retour sur la carrière du M1TO, une légende brésilienne.

Un dernier match opposant deux équipes victorieuses du Mondial des clubs, São Paulo 1992/1993 et São Paulo 2005 (soldé sur une victoire 5-3 de l'équipe de 2005). Zetti, Raí, Cafu, Lugano ou encore Aloísio, tous étaient venus pour une dernière fête, un dernier hommage. D'abord gardien puis joueur de champ, Rogério Ceni a marqué sur penalty le 132ème but et dernier de sa carrière avant, lors de son discours, d’exprimer le souhait que ses cendres soient dispersées au Morumbi. Son numéro, le 01, a également été retiré par le club. Car le M1TO restera la dernière légende brésilienne.

Rogério Ceni naît à Pato Branco, ville du Paraná, d’où Alexandre Pato est également originaire. Il grandit ensuite dans le Mato Grosso et fait ses débuts professionnels à dix-sept ans dans le club du Sinop avec qui il dispute seulement onze matchs avant d’être transféré au São Paulo FC pour être le quatrième gardien du club, étant gardien remplaçant lors de la Copa São Paulo de Futebol Júnior 1992, compétition de jeunes la plus importante du Brésil, échouant en finale contre Vasco. Le gardien titulaire de l’équipe de jeunes et également troisième gardien de l’équipe professionnelle se nomme Alexandre. Comme Rogério Ceni, il a joué en tant que joueur de champ et excelle dans l’exercice des coups francs. Le 18 juillet 1992, il se tue au volant de sa Kadett. Rogério Ceni n’oublie pas dans son autobiographie de rendre hommage à Alexandre : « Il était bien meilleur que moi. Une rapidité incroyable dans les mouvements, un bon jeu au pied, agréable à voir jouer. Telê Santana l’adorait. C’est certain que ma carrière n’aurait pas été la même si Alexandre ne nous avait pas quittés ». Le décès d’Alexandre change en effet la carrière de Rogério Ceni.

Premier succès continental

Titulaire dans les buts de l’équipe de jeunes, il remporte la Copa São Paulo de Futebol Júnior 1993, en battant en finale le Corinthians et fait ses débuts en équipe première en juin 1993 lors du tournoi Santiago de Compostela face aux Espagnols du Tenerife. À l’occasion de ce match, il arrête un penalty et lance sa légende. Le São Paulo de Telê Santana, emmené par Raí, Cafu, Toninho Cerezo et Müller rafle tout au début des années quatre-vingt-dix : Un championnat brésilien (1991), deux championnats paulistes (1991 et 1992), deux Copa Libertadores (1992 et 1993) et deux coupes intercontinentales (1992 et 1993) contre le Barça puis l'AC Milan. Rogério Ceni est barré par le légendaire Zetti et, comme de nombreux jeunes, joue peu voire pas du tout. La Copa CONMEBOL, compétition entre clubs d’Amérique du Sud et de seconde importante après la Copa Libertadores, donne l’occasion aux jeunes joueurs de se montrer. Parmi eux, Caio Ribeiro, Catê, Marcelo Bordon, Juninho Paulista, Denílson et donc Rogério Ceni. L’entraîneur Telê Santana laisse sa place à son adjoint, un certain Muricy Ramalho. En huitièmes de finale, après deux matchs nuls face au Grêmio, la décision a lieu aux tirs au but. Rogério Ceni inscrit le sien avant de repousser celui de Luís Carlos et qualifie son club pour les quarts de finale, où l’obstacle du Sporting Cristal est facilement franchi. En demi-finale, São Paulo s’impose à l’aller 4-3 face au rival Corinthians avec notamment un triplé de Juninho Paulista. Au match retour, le Corinthians s’impose 3-2 et arrache la séance de tirs au but. Une nouvelle fois, Rogério, comme il est appelé à l’époque, transforme son tir au but et stoppe deux tentatives du Corinthians. L’Expressinho, surnom de l’équipe réserve du São Paulo, se qualifie pour la finale et humilie au match aller Peñarol sur le score de 6-1. Malgré la défaite 3-0 au match retour, Rogério Ceni remporte son premier titre en tant que titulaire.

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Gardien buteur

Il faut cependant attendre 1997 et le départ de Zetti pour Santos pour que Rogério Ceni soit enfin titulaire. Il a alors vingt-quatre ans et, écoutant les conseils de Telê Santana et Valdir de Moraes, il s’est entraîné à tirer les coups francs. Il dispute le Paulista 1997 avec Muricy Ramalho en tant qu’entraîneur, qui l’autorise à tirer les coups francs. Avant de prendre sa chance en match, Rogério Céni s’entraîne énormément. « J’étais le premier arrivé à l’entraînement et le dernier à partir. Je tirais 2 500 à 3 000 coups francs par mois. Avant d’en tirer un en match, j’en avais tiré plus de 15 000 à l’entraînement », confie-t-il à Globo. Son premier but intervient le 15 février 1997, le seul but dont il connaît la date par cœur. Rogério Ceni en marque deux autres en 1997. En 1998, Raí effectue son retour au club après un passage victorieux au PSG. Un mois après son arrivée, il remporte le championnat paulista, en battant en finale le Corinthians. Cette même année, Mário Sérgio est nommé entraîneur du São Paulo. Il restera le seul des vingt-quatre entraîneurs qu’a connu Ceni à lui avoir interdit de tirer les coups francs. Mário Sérgio revient en 2011 sur cette décision : « Il n’y a pas eu de révolte de sa part. Il est intelligent et a montré tout son professionnalisme. À l’époque j’avais tort. Aujourd’hui, si il était l’un de mes joueurs, il tirerait les coups francs, les penalties, les touches et les corners ». Mário Sérgio reste au club seulement dix matchs, le temps pour Dodô de rater deux penalties. En 2000, Rogério Ceni est déjà capitaine depuis un an et São Paulo remporte un nouveau championnat paulista, éliminant Santos en finale. Lors du match retour, Rogério Ceni égalise à 1-1 sur coup franc. En 2001, il est proche de s’engager avec le club anglais d’Arsenal à la suite d'un conflit avec le président du club, Paulo Amaral. Rogério Ceni prolonge finalement au club avec une augmentation salariale. Le palmarès de Rogério Ceni reste vierge lors des années suivantes à l’inverse de son compteur but. En 2004, il marque son premier but en Copa Libertadores contre l’Alianza Lima. Rogério Ceni a marqué dans le championnat paulista, le Brasileirão, la coupe du Brésil, la Copa Mercosul, la Copa dos Campeões, le Tournoi Rio-São Paulo et en match amical (trois de ses buts en match amical ne sont pas considérés comme officiels selon la FIFA). Avec la Seleção, il remporte la Coupe du Monde en 2002 même s'il ne dispute aucun match lors du tournoi. Il avait en effet fait ses débuts avec l’équipe nationale en 1997 et était entré en conflit avec Zagallo. Sélectionné par Emerson Leão, il participe à cinq matchs des éliminatoires de la Coupe du Monde 2002. Lors du match face à la Colombie, dans son stade du Morumbi, il tire un coup franc repoussé sur sa ligne par un défenseur.

L’année 2005 est un tournant dans la carrière de Rogério Ceni. Il commence à tirer régulièrement les penalties. Sur ses trente-six premiers buts en carrière, seulement quatre l’ont été sur penalty. Dans une équipe composée de Lugano, Cicinho, Josué, Danilo ou encore Grafite et Diego Tardelli, Rogério Ceni marque cinq buts dans le championnat paulista qu’il remporte. En Copa Libertadores, il marque un coup franc au premier tour, un penalty contre Palmeiras en huitièmes, signe un incroyable doublé sur coup franc contre Tigres en quarts, dans un match où il rate également un penalty, puis prend sa revanche en inscrivant un penalty en demi-finale contre River Plate. São Paulo remporte ensuite la Copa Libertadores et se qualifie pour le premier Mondial des clubs, réunissant les champions des divers continents. En demi-finale, face à Al-Ittihad, il marque un but sur penalty lors de la victoire 3-2. Face à Liverpool en finale, pourtant blessé au doigt, il réalise un arrêt exceptionnel, détournant un coup franc de Gerrard qui prenait la direction de la lucarne. São Paulo s’impose 1-0 et remporte ce Mondial. Comme lors de la Copa Libertadores, Rogério Ceni est nommé homme du match de la finale et meilleur joueur du tournoi. Il conclut de la meilleure façon possible une année 2005 exceptionnelle, où il est également devenu le joueur à avoir porté le plus grand nombre de fois le maillot du São Paulo avec 618 matchs. Ceni marque 21 buts en 75 matchs en 2005 et est tout simplement le meilleur buteur du SPFC sur la saison.

L’homme de tous les records

Muricy Ramalho fait son retour au club en 2006 et dirige l’une des plus belles équipes de l’histoire du São Paulo, devenant la première équipe du Brésil à remporter le championnat national trois fois consécutivement. En 2006, Rogério Ceni marque seize buts et est une nouvelle fois le meilleur buteur du club. Vainqueur du Brasileirão, il est élu meilleur joueur du tournoi, performance qu’il répète en 2007. Il dépasse également le gardien paraguayen José Luis Chilavert qui s’était arrêté à soixante-deux buts. Il devient le meilleur gardien-buteur en marquant sur coup franc contre Cruzeiro. Dans ce match, il inscrit un deuxième but sur penalty et arrête également un penalty.

Il dispute également la Coupe du Monde 2006, remplaçant Dida en fin de rencontre lors du troisième match de groupes, contre le Japon de Zico. En 2007, il bat un autre record, celui de Valdir Peres, en gardant sa cage inviolée pendant plus de neuf matchs jusqu’à un but à la 92ème minute lors d’une victoire 2-1 contre Santos. Sa série de 990 minutes sans encaisser de but dans le championnat brésilien est seulement dépassé par Emerson Leão, 1 057 minutes avec le Palmeiras en 1973. Ceni marque également dix buts au cours de cette saison. En Copa Libertadores, São Paulo s’incline en finale en 2006, en huitièmes de finale en 2007 puis en quarts de finale en 2008. Rogério Ceni devient le meilleur buteur du club dans cette compétition en 2010. Il remporte un nouveau Brasileirão en 2008, étant cette fois-ci élu meilleur joueur du championnat selon Placar. Après une année 2009 minée par les blessures où il devient cependant le joueur ayant joué le plus souvent dans le Brasileirão devant Zinho, São Paulo présente un effectif plus faible et même si le club est toujours bien placé, Ceni ne remporte plus de trophées, ce qui ne l'empêche pas de battre de nouveaux records. São Paulo affronte le rival du Corinthians, quatre jours après le 99e but en carrière de Rogério Ceni. São Paulo n’a plus battu le Timão depuis plus de quatre ans, soit onze matchs sans victoire. Sur coup franc, Rogério Ceni marque le deuxième but du match et donc son centième but en carrière, plus que Christophe Dugarry ou Grégory Pujol par exemple. São Paulo remporte le match 2-1 et Ceni est fêté à travers le Brésil et le monde entier.

Au cours de cette année 2011, il met fin à une série impressionnante de cent trente-deux matchs consécutifs avec São Paulo sans en manquer un seul. En 2012, avec notamment Lucas Moura, Rogério Ceni remporte un nouveau titre continental, la Copa Sudamericana. Il annonce sa retraite en 2013, mais après une année difficile, marquée par des erreurs défensives et des penalties ratés, le quadragénaire décide de repousser sa retraite d’un an. Après une année réussie à tous les niveaux, où Rogério Ceni retrouve son niveau sur sa ligne, réussit sa quatrième saison à dix buts ou plus, se permet un coup du sombrero sur un attaquant venu au pressing, et voit son club se qualifier pour la Libertadores, Rogério Ceni décide de prolonger son contrat de six mois pour jouer la Copa Libertadores. À nouveau, il s’empare de records. Il devient le joueur à avoir inscrit le plus de coups francs pour une même équipe avec 60, soit un de plus que Marcelinho Carioca pour le Corinthians. Le 3 juin 2015, il égale Raí pour le nombre de buts au Morumbi (soixante-douze) et dans l’histoire du São Paulo (cent vingt-huit). Trois jours plus tard, il dépasse Raí et se classe cinquième dans l’histoire du club pour le nombre de buts au Morumbi et devient le dixième meilleur buteur de l’histoire du club. São Paulo bat le Corinthians lors de la dernière journée de la Copa Libertadores pour se qualifier en huitièmes de finale mais perd contre Cruzeiro aux tirs au but, malgré la tentative réussie de Rogério Ceni. Une nouvelle fois, Rogério Ceni repousse sa retraite, jusqu’en décembre 2015. Son dernier match a lieu le 28 octobre 2015, contre Santos en demi-finale de la coupe du Brésil. Parmi les seize titres officiels de Rogério Ceni avec São Paulo, le gardien-buteur n’a jamais remporté la coupe du Brésil, seul titre qui manque à sa carrière.

Rogério Ceni file ensuite observer son ancien coach et alors sélectionneur du Mexique, Juan Carlos Osorio, afin de se diriger vers une carrière d’entraîneur. Un an plus tard, il s'assoit sur le banc de São Paulo où il vit une première expérience manquée. On le retrouve du côté de Fortaleza en 2018 qu'il ramène dans l'élite en décrochant son premier titre : la Serie B. En 2019, il décroche le championnat cearense et la Copa do Nordeste avec le club, file ensuite vivre une expérience manquée à Cruzeiro avant de revenir au chevet de Fortaleza pour y décrocher un nouveau cearense, son quatrième titre en tant qu'entraîneur. L'année suivante, on le retrouve du côté de Flamengo pour un nouveau titre, le Brasileirão 2020 avant, en 2021, d'enchaîner avec la Supercopa do Brasil et le carioca puis de retrouver son São Paulo. Avec le Tricolor, il devient le premier entraîneur du club à remporter les quatre premiers clássicos suivant sa nomination au poste, mais s'incline en finale du paulista devant le Palmeiras d'Abel Ferreira malgré une victoire 3-1 à l'aller, seule défaite du Verdão dans la compétition. Neuvième du Brasileirão, demi-finaliste de la Copa do Brasil, Rogério Ceni retrouve une finale continentale avec São Paulo, mais le Tricolor s'incline en finale de la Copa Sudamericana face à Independiente del Valle.

En tant que joueur, Rogerio Ceni laisse cependant derrière lui de nombreux records: Joueur brésilien ayant disputé le plus de matchs en Copa Libertadores avec quatre-vingt-dix, il a disputé 1 238 matchs avec São Paulo pour cent trente-et-un buts (soixante-deux coups francs et soixante-neuf penalties). Il est le joueur à avoir été le plus souvent capitaine de son équipe (978 fois) et a gagné le plus de matchs avec un club, devant Ryan Giggs. Il a également inscrit au moins un coup franc lors de dix-neuf saisons consécutives. Troisième meilleur buteur du São Paulo dans le Brasileirão avec soixante-cinq buts, il a côtoyé en 2015 vingt coéquipiers qui n’étaient pas nés lorsqu’il a signé au São Paulo, le 7 septembre 1990. 

 

 

Initialement publié le 13 décembre 2015, mis à jour le 22 janvier 2023

Marcelin Chamoin
Marcelin Chamoin
Passionné par le foot brésilien depuis mes six ans. Mon cœur est rouge et noir, ma raison est jaune et verte.