Pour la première fois de l’histoire, la Copa América s’ouvre à l’extérieur. Après une édition chilienne remportée par la puissante Argentine, l’édition équatorienne accueille les voisins du Nord et annonce une nouvelle ère.

bandeaubielsa

La première de la CONCACAF

Le début des années 90 correspond à l’une des périodes noires de l’histoire du football mexicain. En 1988, la fédération mexicaine de football (FEMEXFUT) est accusée d’avoir menti sur l’âge de quatre joueurs de sa sélection u20 qui a participé au tournoi qualificatif de la CONCACAF pour la Coupe du Monde de la catégorie. Révélé par le journaliste Antonio Moreno d’Imevisión (aujourd’hui TV Azteca), le scandale des cachirules (terme emprunté notamment au langage des championnats amateurs, les cachirules désignant alors les joueurs participant à des rencontres pour des équipes auxquelles ils n’appartiennent pas uniquement pour les rendre plus compétitives) explose. Ses conséquences sur le football d’élite mexicain sont terribles : la sélection est bannie de toute compétition pendant deux ans et manque par exemple les qualifications de la Coupe du Monde 1990.

En 1991, la CONMEBOL décide de revoir le format de sa compétition majeure et ouvre les portes aux invitations, offrant deux tickets pour organiser son tournoi en trois groupes de quatre équipes. Naturellement, la confédération sud-américaine se tourne vers le nord, elle appelle un Mexique en quête de rachat et des Etats-Unis futurs organisateurs d’une compétition mondiale. La Copa América devient la Copa de Las Americas. Si les USA se contenteront du point pris face au Venezuela dans leur groupe (match nul 3-3 après avoir mené 3-0 avec notamment un but fantôme de Lalas et un doublé de José Luis Dolgetta côté Vinotinto qui lui permettra d’être meilleur buteur de l’épreuve, une première pour un joueur vénézuélien), le Mexique se retrouve dans ce que l’on nomme alors le groupe de la mort aux côtés du finaliste de la dernière Coupe du Monde et tenant du titre continental, l’Argentine, de l’équipe qui monte en AmSud, la Colombie et d’une Bolivie qui, dirigée par l’Espagnol Xabier Azkargorta, peut s’appuyer sur une jeune génération prometteuse symbolisée par le trio Julio César Baldivieso, Marco Etcheverry, Erwin Platini Sánchez, ces deux derniers étant déjà passés sous pavillon européen.

Côté Tri, le départ pour la Copa América est mouvementé. Les joueurs sont irrités par la nouvelle organisation mise en place par la Ligue pour régir les transferts. Le 7 juin, la délégation annonce qu’elle refuse de se rendre en Equateur si le nouveau système de Draft, récemment instauré, n’est pas annulé. Les négociations débutent, elles débouchent sur un compromis qui permet à la sélection mexicaine de se rendre au Sud.

Dans ses rangs, un groupe composé de l’excentrique Jorge Campos, gardien – avant-centre, un défenseur Nacho Ambriz, quelques jeunes en devenir comme Claudio Suárez ou encore Luis Garcia et quelques anciens, dont la légende Hugo Sánchez capitaine de ce nouveau Mexique ou encore Benjamín Galindo. En ouverture, c’est la Colombie de Pacho Maturana qui se présente face au Tri. Dominée en première période, la sélection mexicaine est alors menée au score mais parvient à revenir dans la partie grâce à un but de Zague. Le match bascule dans l’irréel lorsqu’une panne de courant suspend la rencontre pendant 20 minutes puis, que sur l’une des ultimes actions des Cafeteros, l’arbitre de la rencontre accorde à Aristizábal un but qui n’existe pas. La Copa América 93 débute ainsi pour le Mexique sur une défaite, le « fantôme de Machala » entre dans l’histoire. Lors du second match, le Tri se frotte aux vice-champions du monde argentins et parviennent à accrocher un résultat nul avant de décrocher sa place dans le grand huit final grâce à un nouveau résultat nul face à la Bolivie.

C’est lors du tour final que le Mexique se réveille. Face au Pérou de Percy Olivares et José Chemo Del Solar, le Mexique s’impose avec notamment un doublé d’Alberto García-Aspe. Le Mexique se retrouve en demi-finale, il croisera le pays hôte. En 1993, l’Equateur n’est pas une grande nation du continent, il entame pourtant sa révolution des mains de Dusan Dráskovic, l’homme qui changea le pays à tout jamais. Dráskovic parcourt le pays, réforme totalement le football équatorien, lui imposant de miser sur la formation, en tant que pays hôte, il emmène avec sa sélection les futurs grands de demain que sont les Ángel Fernández ou encore et surtout Iván Bam Bam Hurtado, pépite de 18 ans. La fluidité mexicaine a raison du pays hôte qui ne s’en relèvera pas. La légende Hugo Sánchez ouvre la voie, Ramón Ramírez scelle le sort du match, pour sa première dans le Sud, le Mexique décroche une finale.

Batistuta, Batistuta

Mais face au Tri se dresse un géant : l’Argentine. Vice-champion du monde en Italie, même privée de Maradona, l’Argentine remporte la Copa América 1991 et, même privé de Maradona, est l’un des grands favoris à sa propre succession. Pour cela, Coco Basile s’appuie sur un savant mélange d’expérience Sergio Goycochea, Oscar Ruggeri, Fabián Basualdo, Néstor Gorosito, el Beto Acosta, et sur une nouvelle génération débordant de talent symbolisée par le trio Diego Simeone, Fernando Redondo, Gabriel Batistuta. Après avoir battu la Bolivie et décroché deux matchs nuls, l’Argentine, qui a perdu Darío Franco, un autre membre de la génération 1969 sur blessure (fracture face à la Bolivie), le sprint final s’annonce des plus compliqués, l’Argentine croise le Brésil de Taffarel en quarts, la demi-finale lui offre la Colombie d’Asprilla. Les deux rencontres se finissent sans vainqueur, doivent passer par la séance de tirs au but. Héros argentin en Italie, Sergio Goycochea était déjà entré dans l’histoire de l’Albiceleste après avoir remplacé Pumpido dans les cages et qualifié à lui seul son Argentine en quart et en demie de la Coupe du Monde après deux séances de tirs au but (el Vasco sortait les tirs de Brnović et Hadžibegić en quarts, ceux de Donadoni et Serena en demie). Après avoir décroché la Copa América 91 et la Coupe des Confédération 92, il récidive en Equateur, sortant le sixième tir de Boiadeiro en quart puis celui de Víctor Hugo Aristizábal en demie. L’Argentine peut alors défendre son titre.

Après le nul en poule, les deux équipes se connaissent, se craignent. Le Mexique est décidé à imposer son football et après un premier acte sans véritable relief, la rencontre bascule des pieds d’un buteur de génie, un certain Gabriel Batistuta. Buteur lors de la seule victoire de l’Argentine lors de la compétition (face à la Bolivie en ouverture), le goleador de la Fiorentina fait basculer la rencontre à lui tout seul. Un duel gagné à l’épaule face à Ramírez Perales pour s’en aller fusiller Campos, une merveille d’enchaînement crochet frappe du gauche après une touche rapidement jouée par el Cholo Simeone, Batigol offre à l’Argentine son 14e titre, fait pleurer un Mexique qui pensait avoir fait le plus dur en revenant au score et qui rêvait de sortir du cauchemar des cachirules et ses conséquences par un titre continental.

Ce dont Batigol ne se doutait alors pas, c’est que son doublé allait symboliser la fin d’une époque pour l’Albiceleste. L’année suivante, un dernier retour de son D10S Maradona se terminait en eau de boudin. 23 ans plus tard, alors que le Mexique a relancé son football en s'appuyant sur l’édition équatorienne, l’Argentine attend toujours un nouveau titre.

Photos : DANIEL GARCIA/AFP/Getty Images (Equateur – Mexique) et TIM CLARY/AFP/Getty Images (Argentine et une)

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.