Aujourd’hui, le Brésil ne fait plus rêver, le Brésil n’est plus craint. Pourtant, il y a encore 10 à 15 de cela, aux yeux de n’importe quel bambin, la réponse à la question « quelle est la meilleure équipe du monde ? » sortait naturellement : Le Brésil. Une réponse aussi évidente qu’il l’était alors de voir les auriverde marcher sur le football mondial, 13 ans durant, remportant 2 coupes du monde et raflant 4 Copa America. Á l’occasion du centenaire de cette dernière, retour sur cette époque où le football se jouait inconditionnellement en jaune et vert.

banlomag

Bolivie 1997 : La plus charismatique

Au moment de débuter cette édition haute en altitude, le Brésil est tout puissant. Champion du monde en titre, couronné en 1994 aux Etats-Unis, la Seleção avance un effectif expérimenté: Taffarel, Cafu, Aldair, Mauro Silva, Dunga, Leonardo, César Sampaio, Djalminha, une bande de vieux briscards prêts à effacer l’affront de la Copa America 1995, perdue en finale au profit de ce satané Uruguay. Surtout, c’est le passage de témoin qui a lieu aux avant-postes de cette équipe qui finira de faire tourner de l’œil les adversaires : l’immense Romario, alors aux yeux de presque tous, meilleur joueur du monde, doit, enfin, cohabiter avec le phénomène Ronaldo.

Désormais dirigé par un Mario Zagallo étrangement contesté au pays, le cru 1997 va bien évidemment littéralement écraser la compétition sans aucune pitié. Seul le Mexique de la crinière Luis Hernandez, parviendra a, à peine, enquiquiner les brésiliens sur une pauvre mi-temps, atteignant la pause en menant de deux buts à zéro lors du second match de poule. Une partie finalement raflée sans surprise, 3 à 2 par le Brésil grâce à Aldair, Romario et Leonardo. Le reste est indécent : 5-0 en ouverture contre le Costa Rica, 2-0 pour conclure la phase de groupe face aux colombiens de Valderrama et Asprilla, en quart, Chilavert et ses guaranies sont effacés par un doublé de Ronaldo au bout de 35 minutes seulement, puis la demi-finale est le théâtre du sacrifice des Incas péruviens, atomisés 7 à 0. En finale c’est le pays hôte, vaillant jusqu’au bout, pensant tenir le nul grâce à Erwin Sanchez jusqu’à la 80e minute, qui s’incline 3 buts à 1. Ce Brésil était trop grand, trop charismatique. Romario ne le sait pas encore, mais il s’agit de son chant du cygne en compétition internationale. Ronaldo, encore surnommé par les commentateurs brésiliens « Ronaldinho », remporte de son côté le trophée du meilleur joueur. Le flambeau est passé.

Paraguay 1999 : La Samba des ballons d’or

Voilà un an que la meilleure équipe du monde rage d’avoir été battue en finale de la plus prestigieuse des compétitions du monde. Si une grande partie de la génération 94 est poussée à la retraite après cet échec, c’est que la mine d’or brésilienne paraît alors sans limite pour accompagner o capitão Cafu et Ronaldo, désormais star planétaire, vers les sommets : en plus de Roberto Carlos et Zé Roberto déjà présents en 97, Rivaldo, Ronaldinho, Alex, Emerson, Dida, Flavio Conceição et le nudiste Vampeta sont de la partie. Certes cette Seleção est moins solide défensivement, certes elle est probablement plus naïve également, mais elle est assurément plus belle, plus technique : Elle est plus samba.

Et c’est bien la samba que vont danser les vénézuéliens dès le premier match de poule, ridiculisés 7 à 0, à l’image du chef d’œuvre de Ronaldinho. Comme deux ans auparavant, le Brésil semble invincible, facile, omnipotent. Mais ce qui avait manqué en 97, pour réellement affirmer cette domination mondiale et surtout continentale, c’est bien entendu une confrontation face au voisin argentin. Opportunité qui cette fois ci leur sera offerte dès les quarts de finale. Le duel sera à la hauteur de l’événement. Sorin marque rapidement pour les ‘che et l’Albiceleste toute talentueuse qu’elle est elle aussi, fait vaciller les Auriverdes. C’est alors sans compter sur la collection de ballons d’or brésiliens : Rivaldo d’un magnifique coup-franc et Ronaldo d’une frappe létale, ramènent leurs coéquipiers à la vie. Un exploit de Dida sur pénalty plus tard, le Brésil accroche enfin l’Argentine à son tableau de chasse. Pour parfaire le tout, c’est bien le honni et historiquement effrayant Uruguay qui plie en finale devant Rivaldo (doublé) et Ronaldo. Si quelqu’un en doutait encore, le Brésil est bien en 1999 le maitre de l’Amérique du Sud. L’heure est bientôt venue de remonter sur le trône mondial.

Pérou 2004 : La force du champion

Malgré une édition colombienne de 2001 considérée comme un accident (élimination en quart par le Honduras), le Brésil aborde désormais ce genre de compétition avec sérénité, sûr de son savoir-faire en ce qui concerne la conquête de coupes en métaux précieux, et se permet de se passer de son quadruple R d’élite : Ronaldo-Rivaldo-Ronaldinho-Roberto Carlos. Même Dida, Emerson, Zé Roberto et Gilberto Silva sont laissés au garage. C’est donc une Seleção jeune, dont on espère voir émerger les futurs ballons d’or – on en est même persuader au pays du Arroz-Feijão – qui voyage au Pérou cet été 2004 : Julio César, Mancini, Juan, Diego, Julio Baptista, Vagner Love, Maicon, Luis Fabiano, Luisão mais surtout le monstre, la bête qui fera le succès de cette escouade : O Imperador Adriano.

Le tournoi commence comme de coutume pour les hommes de Parreira, de retour aux commandes de l’équipe nationale, par une victoire sur le plus petit des scores face au Chili puis un triplé d’Adriano sur le Costa Rica pour un 4 à 1 de circonstance. Puis comme en 2001, les invincibles toussent. A Arequipa devant 8000 spectateurs, le Paraguay défait le Brésil 2 buts à 1. Plus encore que la défaite, c’est la manière qui fait jaser: cette déroute n’est pas anormale, le Paraguay a mieux joué. Si la Seleção se rattrape en étrillant le Mexique 4 à 0 en quart, le constat est bien là : les brésiliens ne parviennent plus à marcher sur leurs adversaires comme avant. C’est donc aux forceps, grâce à un Adriano de feu, qui terminera meilleur buteur de cette Copa, et en passant deux fois par une séance de pénalty, face à l’Uruguay puis l’Argentine, que le Brésil reconquiert le titre continental. Un mal terrible guette les successeurs des héros de 94 et 2002 : Le doute.

Venezuela 2007 : Pour l’honneur

Le doute né en 2004 quant à la succession de la génération dorée est désormais chose assumée. Trop sûre d’elle au mondial allemand un an plus tôt, les astres se sont éteints devant un autre bien plus brillant, venu rappeler à tous le football qui étaient pourtant le leur. Se passant une nouvelle fois de ses vedettes du moment – Ronaldinho, le futur ballon d’or Kaka ainsi qu’Adriano, que l’on ne reverra plus jamais au niveau qui était le sien – le Brésil part au combat avec une équipe qui n’effraie plus personne. Une grande partie des vainqueurs de 2004, est encore là pour défendre son titre, et la plupart d’entre eux, bien que leur talent soit reconnu, n’ont pas décollé comme on l’attendait. On place alors beaucoup, beaucoup d’espoirs dans « le nouveau Pelé » : Robinho, à nouveau un R.

Et cela ne rate pas, dès le premier match de groupe, le Mexique, toujours prompt à titiller le Brésil, les assomme sans aucune marque de respect par 2 buts à rien. L’ouverture du score de Nery Castillo est un symbole de ce que les jaunes et verts ne parviennent plus à réaliser : un vrai but « à la brésilienne ». Le camouflet est de taille. Or un homme particulier est à la tête de cette Seleção, un homme qui, à défaut de proposer un jeu esthétique, est capable de raviver l’âme de guerrier de ces joueurs, tout comme il le faisait déjà lorsqu’il était le capitaine en 1994 : Dunga. Comme vexés, touchés dans leur orgueil les brésiliens vont offrir un crépuscule flamboyant à cette décennie de victoires. Robinho joue les étoiles filantes en inscrivant un total de 6 buts pour atteindre à nouveau la finale de la compétition, où les attend revanchard le rival argentin et celui qui est alors « le futur Maradona », Lionel Messi. Pas de quartier, les danseurs de tangos seront balayés 3 à 0 avec la plus grande froideur.

Au soir de cette finale de Copa America 2007, l’univers footballistique a pris un nouveau virage. Seuls les brésiliens refusent alors de le voir, mais le Brésil a bel et bien fini de briller. Le ciel de la Seleção n’en finira plus de s’obscurcir jusqu’à sombrer dans la nuit la plus complète un soir d’été 2014. Une nuit noire dans laquelle flotte aujourd’hui une seule lueur, puissante, virevoltante, synonyme d’espoir. Plus de R désormais mais un N, celui de Neymar.

Simon Balacheff
Simon Balacheff
Médiateur culturel, travailleur humanitaire et bloggeur du ballon rond tourné vers l'Amérique Latine. Correspondant au Brésil pour Lucarne Opposée