Après une carrière de club marquée par de nombreux passages au Corinthians où il remporte tous les titres possibles, Tite devient le sélectionneur du Brésil en 2016 et parvient à faire de la Seleção l’une des meilleures équipes du monde, sans jamais remporter la Coupe du Monde.

bandeauedition

Tite commence sa carrière en tant que milieu de terrain au Caxias, dans le Rio Grande do Sul. Après un passage à la Portuguesa, il fait partie de la belle équipe du Guarani, deux fois finaliste du Brasileirão, en 1986 et 1987. Un an plus tard, Guarani perd une nouvelle finale, cette fois-ci du championnat paulista, face à un club où Tite écrira son histoire, le Corinthians. À cause de problèmes au genou dont il garde encore aujourd’hui des séquelles, Adenor Leonardo Bacchi de son vrai nom, ne participe pas à cette finale et prend finalement sa retraite un an plus tard, à seulement vingt-huit ans.

Tite obtient son diplôme d’éducateur physique à l’université pontificale de Campinas, dans l’État de São Paulo. Il suit ensuite des cours à Rio de Janeiro pour devenir entraîneur et obtient son premier poste au Grêmio Atlético Guarany, dans le Rio Grande do Sul. Gaúcho comme Dunga, il passe dix ans dans cet État frontalier de l’Uruguay et signe son premier exploit en 2000. Avec son club formateur du Caxias, Tite remporte le championnat gaúcho face au Grêmio, tenant du titre et qui compte dans ses rangs Roger, Zinho, Eduardo Costa et surtout Ronaldinho. Au match aller, le Grêmio est giflé 3-0 et Ronaldinho rate un penalty. C’est le premier, et pour l’instant le seul championnat gaúcho remporté par Caxias.

Grêmio, terre des premiers exploits

Tite rejoint alors le grand club du Rio Grande do Sul, contre qui il a justement remporté le championnat, Grêmio. Sans Ronaldinho, qui signe un précontrat au Paris SG, Tite mène le Grêmio au titre du championnat gaúcho, son deuxième consécutif pour lui, avec une campagne quasi-parfaite : huit victoires et un seul match nul pour aucune défaite. Cette même année de 2001, il remporte la Coupe du Brésil face au… Corinthians. Après un match nul 2-2 à l’Olímpico, Grêmio parvient à s’imposer 3-1 au Morumbi, à São Paulo, et remporte sa quatrième Coupe du Brésil, Tite donnant au passage une leçon tactique à son homologue du Timão, Vanderlei Luxemburgo. Qualifié pour la Copa Libertadores 2002, Grêmio sort premier de son groupe puis élimine River Plate et les Uruguayens de Nacional avant de tomber en demi-finale au terme d’une séance de tirs au but contre Olimpia, futur vainqueur. Dans le championnat brésilien, Grêmio plie en demi-finale face au Santos de Diego et Robinho mais parvient à se qualifier pour la Copa Libertadores pour la deuxième année consécutive. Dans un groupe difficile (Peñarol, Pumas UNAM, Bolívar), Grêmio termine en tête et retrouve Olimpia en huitièmes de finale. Grêmio prend sa revanche en s’imposant 3-2 au Paraguay avant que n’éclate le scandale des « ovelhinhas de Tite ». Le journaliste Luís Henrique Benfica s’entretient par téléphone avec le président du Grêmio, Flávio Obino. À la fin de l’interview, le téléphone n’est pas coupé et Benfica peut entendre la conversation du président Obino avec les dirigeants du Grêmio, Vallandro et Meira. Ils critiquent « l’entêtement » de Tite, qui privilégie ses « petits moutons » Anderson Lima, Luis Mário et Rodrigo Fabri. Le jeune Douglas est « grillé » par Tite et les dirigeants souhaitent voir Caio et Cristian titulaires pour le match suivant. L’affaire fait scandale et divise le vestiaire du Grêmio. Dans un climat pesant, Tite songe à la démission, d’autant plus que São Paulo s’intéresse au profil de l’entraîneur. Il reste finalement, souhaitant remporter la Copa Libertadores. Grêmio bat Olimpia 3-0 mais tombe en quarts de finale contre Independiente Medellín. Dans la foulée, Tite annonce sa démission.

Corinthians, acte I

Après un rapide passage au São Caetano, Tite signe au Corinthians, seizième au classement du Brasileirão 2004 et qui reste sur un humiliant 5-0 encaissé au Pacaembu, contre l’Atlético-PR. Tite parvient à ressouder l’équipe, qui termine finalement à la cinquième place. L’année suivante voit l’arrivée du fonds d’investissement MSI, qui recrute Carlos Alberto et les Argentins Carlos Tévez et Javier Mascherano. Dans le championnat paulista, le Corinthians perd contre São Paulo avec notamment un penalty raté par Coelho. À la fin du match, Kia Joorabchian, représentant de MSI au Brésil, entre dans le vestiaire, furieux que Tévez n’ait pas tiré le penalty. Tite, qui a demandé à Coelho de tirer le penalty, s’énerve à son tour de l’intervention de Kia. « Pour Tite, le vestiaire est un lieu sacré », rappelle Coelho, dix ans plus tard pour GloboEsporte. La tension monte dans le vestiaire et Tite présente sa démission dès le lendemain. Après cinquante-trois matchs dirigés au Timão, il quitte le club avec un palmarès vierge.

Une relative traversée du désert

Tite signe ensuite à l’Atlético Mineiro pour le championnat brésilien 2005. L’équipe joue mal et Tite est remercié au mois d’août. Le Galo consommera encore deux entraîneurs sans pouvoir éviter la relégation en fin de saison. Tite rebondit au Palmeiras alors dernier du Brasileirão 2006 avec un seul point en cinq matchs. Il remporte son premier match mais perd ensuite les quatre suivants et Palmeiras compte six points de retard sur le premier non-relégable. La pause pour la Coupe du Monde arrive au bon moment pour Tite, qui profite d’un mois sans match pour travailler avec son groupe et mettre en place un audacieux 3-6-1. Palmeiras ne perd plus pendant onze matchs et remonte à la douzième place. Le mois de septembre est plus compliqué avec trois défaites en quatre matchs, la dernière contre Santa Cruz. À l’issue du match, le dirigeant du Palmeiras, Salvador Hugo Palaia s’emporte contre son entraîneur dans la presse : « J’ai conseillé à Tite de fermer sa bouche et d’arrêter de critiquer l’arbitrage. Palmeiras a mal joué, c’est ce sur quoi il faut se concentrer. Je ne vais rien dire de plus, je vais le laisser parler en premier et on verra bien ». Dans la presse, Tite évite les polémiques : « Je ne vais rien dire par respect pour Palmeiras. Ce qui est curieux, c’est que je n’ai rien dit dans la presse sur l’arbitrage. J’ai juste fait des remarques quand j’étais au bord du terrain ». En interne, Tite pose un ultimatum à Palaia et fait finalement ses bagages, direction les Émirats arabes unis et Al-Ain. Le bilan est correct (treize victoires, six matchs nuls, six défaites) mais il claque la porte après que ses dirigeants ont voulu lui imposer un joueur dans l’équipe titulaire.

Titré chez l’ennemi du Grêmio

En 2008, il signe à l’Internacional et est accueilli avec méfiance par les supporters, en raison de son parcours au Grêmio. Les doutes sont vite oubliés quand l’Internacional élimine Grêmio lors du premier tour de la Copa Sudmericana, la petite sœur de la Copa Libertadores. Tite monte une équipe solide et expérimentée, difficile à manœuvrer. L’Inter ira au bout de cette compétition sans perdre le moindre match, éliminant notamment Boca Juniors en quarts de finale. En finale contre un autre club argentin, Estudiantes, l’Inter s’impose avec un but en prolongation de Nilmar. Le club colorado est toujours séduisant en 2009 et remporte le championnat gaúcho (victoire 2-1 en finale contre Grêmio). En Coupe du Brésil, l’Internacional atteint la finale mais s’incline face au Corinthians de Ronaldo. Le début du championnat national 2009 est également une réussite puisque l’Inter termine la phase aller en tant que leader mais la suite est plus difficile, et Tite est viré au mois d’octobre.

Corinthians, acte II

Tite retourne aux Émirats Arabes Unis, mais sa démission est acceptée lorsque le Corinthians s’intéresse à lui. Après seulement cinq matchs à la tête d’Al-Wahda, Tite est de retour au Corinthians alors qu’il reste huit matchs dans le Brasileirão 2010. Pour ses débuts, le Timão bat Palmeiras dans le derby. Invaincu jusqu’à la fin du championnat (cinq victoires et trois matchs nuls), Tite permet au Corinthians de se qualifier pour le tour préliminaire de la Libertadores. Face au Deportes Tolima, le Corinthians est le grand favori mais est finalement éliminé, ce qui entraîne la furie des supporters mosqueteiros. Tite est maintenu à son poste et ce sont les joueurs qui en font les frais : Ronaldo prend sa retraite, Roberto Carlos et Jucilei filent à l’Anzhi Makhachkala et Bruno César au Benfica. Avec le départ d’Elias en début d’année, l’équipe est décimée et Tite reconstruit, en s’appuyant, comme souvent avec lui, sur des joueurs d’expérience, Liédson et Emerson en tête, et un milieu solide composé de Paulinho, Danilo et Ralf. Le début du Brasileirão 2011 est réussi (neuf victoires et un match nul en dix matchs) mais les résultats déclinent en milieu de saison, au point que les supporters réclament une nouvelle fois le départ de Tite, finalement maintenu par le président Andrés Sanchez. Ces mauvaises performances offrent un final à suspense avec cinq équipes qui se tiennent en seulement trois points à cinq journées de la fin. Le coaching de Tite en cette fin de championnat est salué par tous. Contre Ceará, Luis Ramírez, entré en jeu, marque le seul but du match. Contre l’Atlético Mineiro, lors de la trente-sixième journée, le Timão est d’abord mené avant l’égalisation de Liédson. Un but d’Adriano à la quatre-vingt-huitième minute permet au Corinthians de l’emporter et de se rapprocher du titre. Entré en jeu, O Imperador marque alors son premier but sous les couleurs du Corinthians. Le match nul contre Palmeiras lors de la dernière journée permet au Corinthians de remporter son premier Brasileirão depuis 2005 et d’offrir un bel hommage à l’idole Sócrates, mort le jour même.

Qualifié en Libertadores, le Corinthians termine premier de son groupe, s’imposant notamment 6-0 lors de la dernière journée avec des buts de Danilo, Paulinho, Jorge Henrique, Emerson, Liédson et Douglas. Avec une équipe extrêmement appliquée, le Corinthians se hisse en demi-finales face au Santos de Neymar, tenant du titre et qui fête cette année-là son centenaire. Au terme de deux matchs accrochés, où Neymar ne parvient pas à exprimer tout son talent, le Timão se qualifie pour la finale, face au Boca Juniors de Riquelme. Sans véritable avant-centre, le Corinthians obtient le match nul à la Bombonera, grâce à une égalisation à la quatre-vingt-quatrième minute du jeune Romarinho. Au Pacaembu, pour le match retour, le caractériel Emerson court partout, à chaque instant, sur chaque ballon. Il est récompensé par un doublé, synonyme de première Libertadores dans l’histoire du Timão, mettant fin aux provocations des rivaux. Le Corinthians a encaissé seulement deux buts (les deux en phase de poule) en quatorze matchs dans cette Copa Libertadores 2012 et n’a connu aucune défaite. Tite est sur le toit de l’Amérique du Sud et n’hésite pas à clamer que son Corinthians peut rivaliser avec les meilleures équipes d’Europe à l’exception du Barça. Car Tite a désormais un seul souhait : remporter le Mondial des clubs.

Pour ce Mondial, le Corinthians remplace le vieillissant Liédson par la star du Pérou, Paolo Guerrero. C’est d’ailleurs le Péruvien qui marque le seul but du match en demi-finales, face à Al-Ahly. Le Corinthians affronte ensuite Chelsea en finale. Même score, 1-0, même buteur, Paolo Guerrero, le Corinthians remporte cette édition en reprenant les recettes du succès en Libertadores : défense solide, milieu homogène et réalisme en attaque. Ce Corinthians de Tite est très européen dans sa façon de jouer et devient la première équipe non-européenne à remporter le Mondial des clubs depuis l’Internacional, en 2006. L’année suivant, le Corinthians met fin à la domination du Santos de Neymar sur le championnat paulista, qui avait remporté les trois dernières éditions. Le Corinthians muselle une nouvelle fois Neymar en finale, qui ne peut quitter Santos et le Brésil sur un dernier titre. En Libertadores, le Corinthians est éliminé en huitièmes de finale, Boca Juniors parvenant à prendre sa revanche. Le championnat brésilien est également compliqué, les cadres comme Emerson Sheik, Alessandro ou Fábio Santos sont vieillissants, Pato ne parvient pas à s’imposer et le Corinthians termine à une triste dixième place. La direction du club prend la décision de ne pas prolonger le contrat de Tite, qui quitte le club fin 2013.

Tite s’offre alors une année sabbatique où il suit notamment un stage avec Carlo Ancelotti qui lui ouvre les portes du Real Madrid. En 2015, Tite revient pour SporTV sur les bienfaits des enseignements d’Ancelotti : « Aujourd’hui, je suis plus sûr de moi. Je me suis amélioré à l’entraînement et dans les méthodes, je sais que l’intensité et la concentration à l’entraînement sont très importantes. En regardant les grandes équipes, je me suis intéressé aux mouvements offensifs, comme le positionnement et le rôle des joueurs dans le 4-1-4-1. Je connaissais mal ce système, j’ai cherché à apprendre. J’ai discuté avec Carlo Ancelotti qui m’a ouvert les portes du Real Madrid ». Tite place en effet Carlo Ancelotti, « plus sobre », devant Mourinho et Guardiola comme modèle européen. L’ancien entraîneur du Corinthians discute également avec Carlos Bianchi, lit des biographies d’entraîneurs comme celle de Guardiola, assiste aux entraînements d’Arsenal et à plusieurs matchs européens, prend des notes des soixante-quatre matchs de la Coupe du Monde, où il est impressionné par le milieu de terrain de l’Allemagne et de la France. Après la débâcle brésilienne, Tite est le favori des supporters et de la presse pour succéder à Scolari. Libre de tout contrat, il présente le profil idéal pour reprendre en main la Seleção, mais Dunga lui est préféré, suscitant l’incompréhension et la déception de Tite. « Je ne sais pas sur quel critère Dunga a été choisi », déclare-t-il à ESPN.

Corinthians, acte III

Tite effectue son retour au Corinthians pour le début de la saison 2015. Les débuts sont encourageants malgré des éliminations à domicile en demi-finales du championnat paulista contre Palmeiras et en huitièmes de finale de Copa Libertadores contre Guaraní. Tite met en place le 4-1-4-1 observé au Real Madrid, avec Ralf en pointe basse au milieu de terrain, Renato Augusto et Elias dans le cœur du jeu, et Jádson et le jeune Malcom positionnés plus haut. La défense est solide et Tite laisse les clés du jeu entre les mains de Jádson et Renato Augusto. Le Corinthians domine le championnat et laisse le dernier concurrent, l’Atlético Mineiro, à onze points à cinq journées de la fin après une victoire 3-0 à l’Independência. La maîtrise est totale et le Timão s’offre le luxe d’humilier le rival São Paulo 6-1 afin de célébrer le titre acquis la semaine précédente. Le Corinthians termine meilleure attaque avec soixante-et-onze buts marqués et meilleure défense avec trente-et-un buts encaissés. L’Atlético Mineiro, deuxième, est à douze points du Corinthians, qui a perdu seulement cinq matchs dans le championnat. À l’intersaison, le Corinthians perd la moitié de son équipe titulaire, la plupart des joueurs allant s’exporter en Chine. Comme en 2015, les Mosqueteiros échouent en demi-finales du championnat paulista et en huitièmes de finale de la Libertadores, mais Tite réussit son début de Brasileirão avec un effectif fortement diminué. En avril 2016, Tite refuse même l’appel de la CBF pour prendre en main la Seleção, préférant attendre que le poste soit libre. Après une élimination au premier tour de la Copa América, une première depuis 1987, Dunga est remercié par la CBF, laissant la place libre pour Tite.

Photo : MIGUEL SCHINCARIOL/AFP via Getty Images

Opération reconquête

Tite est nommé sélectionneur du Brésil en juin 2016 et débute trois mois plus tard avec un déplacement compliqué en Équateur pour la septième journée des éliminatoires à la Coupe du Monde 2018. Le Brésil est alors en difficulté avec seulement deux victoires en six matchs et une dangereuse sixième place, qui ne permet même pas d’accrocher les barrages. Sans trembler, le Brésil s’impose 3-0 avec un but de Neymar et un doublé de Gabriel Jesus, qui fête parfaitement sa première sélection. Les hommes de Tite enchaînent ensuite huit victoires consécutives dans les éliminatoires, giflant notamment l’Argentine 3-0 à Belo Horizonte et l’Uruguay 4-1 à Montevideo. La Seleção termine largement en tête du classement, avec dix points d’avance sur le dauphin argentin, porté par un duo Neymar (six buts et neuf passes décisives) – Gabriel Jesus (sept buts et cinq passes décisives) redoutable dans ces éliminatoires.

En quelques mois, Tite a su redonner une solidité au Brésil, qui fait partie des favoris, si ce n’est le favori selon les bookmakers, pour remporter la Coupe du Monde 2018. Tite annonce une liste de vingt-trois joueurs, sans surprise tant au niveau des convoqués que des absents, et le Brésil réussit sa préparation avec quatre victoires en autant de matchs, dont une de prestige face à l’Allemagne, volonté de Tite d’affronter les Allemands pour chasser les démons du 7-1 encaissé quatre ans plus tôt. En Russie, le Brésil hérite d’un groupe homogène avec la Suisse, le Costa Rica et la Serbie. Malgré un golaço de Philippe Coutinho, le Brésil débute par un match nul face à la Suisse et se fait peur contre le Costa Rica, faisant la différence seulement dans le temps additionnel avec des buts de Coutinho et Neymar. À vingt-six ans, le joueur du Paris Saint-Germain est attendu comme le joueur de cette Coupe du Monde, après avoir passé les derniers mois à l’infirmerie en raison d’une fracture au cinquième métatarsien. Neymar est ciblé par les défenseurs adverses et est moqué dans le monde entier pour ses exagérations et simulations. Afin de diviser les responsabilités, Tite met en place un curieux « rodízio » de capitaines, où Marcelo est le capitaine du Brésil pour le premier match, Thiago Silva est nommé face au Costa Rica puis Miranda hérite du brassard pour le dernier match de groupes face à la Serbie. Sans trembler, le Brésil assure sa première place du groupe avec un succès 2-0 et retrouve en huitièmes de finale une équipe habituée à sortir à ce stade de la compétition, le Mexique. Neymar marque un but et offre une passe décisive à Firmino, le Brésil file en quarts de finale face à la Belgique d’Eden Hazard et Kevin De Bruyne.

Échec russe

Suspendu pour le match contre la Belgique, Casemiro est remplacé par Fernandinho poste pour poste dans le 4-2-3-1 de Tite. Sans le joueur du Real Madrid et toujours très dépendant de Neymar, le Brésil perd son équilibre, Fernandinho marquant même le premier but du match contre son camp. De Bruyne double la mise à la demi-heure de jeu et la Belgique choisit alors de subir, le Brésil se heurtant de nombreuses fois à Courtois. Le but de Renato Augusto, entré en jeu trois minutes plus tôt, redonne un peu d’espoir en fin de match, mais la Seleção sort dès les quarts de finale, laissant à cette Coupe du Monde un dernier carré 100 % européen. Les critiques s’abattent sur Neymar, vu comme le symbole de cet échec, alors que Tite est celui qui a permis au Brésil de retrouver les premiers rôles après deux années très compliquées entre 2014 et 2016. La CBF offre même à Tite la possibilité de prolonger l’aventure, une première pour un entraîneur de la Seleção défait en Coupe du Monde depuis Cláudio Coutinho en 1978. Tite se donne un temps de réflexion et accepte finalement de continuer à la tête du Brésil.

La Seleção termine l’année 2018 par six matchs amicaux avec un bilan parfait : six victoires, douze buts marqués, aucun but encaissé. Loin du futebol-arte qui a fait la marque du Brésil pendant de nombreux années, Tite aligne une équipe solide, efficace aussi bien défensivement qu’offensivement, difficile à manœuvrer et qui s’appuie beaucoup en attaque sur le talent de Neymar, qui peut faire la différence par un dribble, une passe décisive ou un but. L’année 2019 est marquée par l’organisation de la Copa América à domicile après un échange avec le Chili, hôte du tournoi en 2015, afin de ne pas accueillir la compétition au Brésil entre la Coupe du Monde 2014 et les Jeux Olympiques 2016. Le Brésil n’a plus gagné la Copa América depuis 2007 et reste sur de nombreuses déceptions dans une compétition qu’il a systématiquement gagnée lorsqu’il l’organisait. En 1919, 1922, 1949 et 1989, la Seleção a toujours remporté le trophée à Rio de Janeiro. La préparation pour la Copa América débute par une nouvelle frustration, face au Qatar, Neymar est victime d’une rupture ligamentaire à la cheville et doit déclarer forfait pour le tournoi. Tite le remplace alors par Willian, titulaire lors de la Coupe du Monde 2018.

Avec un maillot blanc pour rendre hommage au titre de 1919, mais qui n’avait plus été porté par le Brésil depuis 1952 en raison de la malédiction du Maracanaço, le Brésil débute timidement le tournoi par une victoire, sans trembler mais sans émotion, 3-0 face à la Bolivie. Dans l’indifférence presque générale dans un pays en manque d’amour pour sa sélection, le Brésil concède le 0-0 face au Venezuela, Tite n’étant pas inspiré au coaching en faisant entrer en jeu Fernandinho, ce qui entraîne l’incompréhension du commentateur Galvão Bueno. Le Brésil est en danger, Tite change alors son attaque et le trio peu convaincant Neres – Richarlison – Firmino, en alignant à droite Gabriel Jesus et à gauche Everton Cebolinha. Joueur fétiche de Tite avant de connaître le banc suite à une panne de buts, Gabriel Jesus apporte de la discipline tactique, en défense ou en attaque où il soutient Firmino, alors qu’Everton parvient à faire oublier Neymar grâce à sa technique et sa vitesse. À l’Arena Corinthians, le Brésil écrase le Pérou 5-0 et termine premier de son groupe.

Titre à domicile

En quarts de finale, la Seleção affronte un Paraguay toujours difficile à jouer. Après cent-vingt minutes de jeu, aucun but n’est marqué. Comme en 2011 et 2015, le ticket en demi-finale entre le Brésil et le Paraguay se joue donc aux tirs au but, et cette fois, malgré le tir hors-cadre de Firmino, c’est le Brésil qui se qualifie à l’issue d’une ultime réussite de Gabriel Jesus. Le Brésil fait face en demi-finale à une autre malédiction, celle du Mineirão, théâtre du 7-1 encaissé face à l’Allemagne en 2014. Le Brésil a depuis rejoué une fois dans ce stade, pour une victoire 3-0 en 2016 en éliminatoires contre l’Argentine, et c’est justement l’Argentine qui se dresse à nouveau face au Brésil. Les deux meilleurs rivaux ne se sont plus affrontés dans la compétition continentale depuis 2007 et la victoire 3-0 du Brésil en finale, avec des buts de Júlio Baptista, Ayala contre son camp et Dani Alves. Douze ans plus tard, Dani Alves est désormais capitaine de la Seleção et se console de son forfait pour la Coupe du Monde 2018 en réalisant un énorme match, tout comme Gabriel Jesus, qui ouvre le score avant de servir Firmino pour le but du 2-0. Le Brésil reste toujours maître à domicile en Copa América en dominant le Pérou en finale. Sans vraiment trembler malgré l’égalisation de Paolo Guerrerro et l’expulsion de Gabriel Jesus, le Brésil s’impose 3-1 avec des buts de son trio d’attaque Everton, Gabriel Jesus et Richarlison. Tite a su pallier l’absence de Neymar et s’adapter en cours de compétition après un début de tournoi très moyen, de quoi permettre au Brésil de remporter sa neuvième Copa América. La Seleção peut désormais se tourner vers la Coupe du Monde 2022, principal objectif de Tite et de tout un pays.

Les éliminatoires de la Coupe du Monde 2022 sont perturbés par la pandémie de la COVID-19, mais le Brésil reste implacable. Aux côtés de Neymar, auteur de huit buts et huit passes décisives en dix matchs des éliminatoires, Tite ajoute un deuxième leader technique avec Lucas Paquetá et entoure son duo de joueurs travailleurs comme Fred, Gabriel Jesus et Richarlison. L’écart avec l’Argentine est moindre qu’en 2018 seulement en raison des très bons éliminatoires de l’Argentine, également invaincue, mais le Brésil sort vainqueur aux points : quatorze victoires, trois matchs nuls et aucune défaite, le match Brésil – Argentine n’étant jamais joué en raison de la crise sanitaire et d’un imbroglio typiquement sud-américain. La Seleção termine meilleure attaque avec quarante buts et meilleure défense avec seulement cinq buts encaissés. Le Brésil est le principal nom pour remporter la Coupe du Monde 2022, avec un statut encore plus important qu’en 2018, Neymar étant mieux entouré que lors de la Coupe du Monde en Russie.

Critique de la CONMEBOL

Entre-temps, malgré la situation sanitaire, la CONMEBOL trouve le temps d’organiser une nouvelle Copa América, prévue initialement un an plus tôt. La Colombie se désiste de l’organisation en raison de conflits politiques et l’Argentine recule devant la pandémie de la COVID-19 et le confinement dans le pays. Le Brésil de Jair Bolsonaro arrive à la rescousse et organise la compétition, devenant ainsi le premier pays à organiser deux éditions successives de la Copa América. Tite se prononce contre l’organisation « bâclée » de la Copa América et affiche dans le même temps son soutien à une employée de la CBF qui accuse le président Rogério Caboclo de harcèlement sexuel. Les joueurs songent à boycotter le tournoi, Tite est condamné à une amende de cinq mille dollars par la CONMEBOL et la Seleção participe finalement à la Copa América.

En raison du forfait du Qatar et du Japon, le format habituel de la compétition est modifié avec désormais deux groupes de cinq équipes. Le Brésil domine d’entrée le Venezuela 3-0, avec notamment un but et une passe décisive de Neymar, et confirme avec des victoires face au Pérou et la Colombie. Le match nul lors du dernier match face à l’Équateur est anecdotique, puisque quatre des cinq équipes du groupe se qualifient pour les quarts de finale. En phase finale, la Seleção bat difficilement le Chili puis le Pérou, Lucas Paquetá marquant à chaque fois le seul but de la rencontre. La CONMEBOL obtient sa finale de rêve entre le Brésil et l’Argentine, seul match joué au Maracanã, seul match joué devant du public également. La barre des 500 000 morts de la COVID-19 au Brésil est franchie pendant le tournoi, avec environ 1 500 morts quotidiennes sur la période de la Copa América. Le 10 juillet 2021, Angel Di María marque le seul but du match et offre à l’Argentine un premier titre depuis 1993. De son côté, le Brésil perd une finale au Maracanã pour la première fois depuis 1950…

Tite perd seulement son cinquième match en cinq ans, la troisième défaite face à l’Argentine, et, à l’issue de la Copa América, réitère ses critiques contre la CONMEBOL, nommant explicitement le président Alejandro Domínguez. Après les éliminatoires pour la Coupe du Monde, le Brésil dispute seulement quatre matchs amicaux, deux victoires contre la Corée du Sud et le Japon, puis deux autres victoires en France contre le Ghana et la Tunisie. Dès 2018, Tite se plaint de l’absence de matchs amicaux contre des adversaires européens, regrets qu’il répète en février 2022 lorsqu’il annonce qu’il quittera son poste après la Coupe du Monde. Quelques jours plus tard, Tite dépasse le record de Flávio Costa, qui était resté 2 002 jours à la tête de la sélection brésilienne entre 1945 et 1950, et devient l’entraîneur à avoir le plus longtemps dirigé la Seleção au cours d’un même mandat.

Une nouvelle fois, Tite établit une liste pour la Coupe du Monde sans surprise, même si les supporters locaux regrettent l’absence de l’attaquant de Flamengo, Gabigol, ou du milieu de Palmeiras, Raphael Veiga. Comme en 2018, Tite convoque pour la Coupe du Monde trois joueurs évoluant au Brésil, dont le troisième gardien. Dans un groupe composé de deux équipes européennes, le Brésil débute par une victoire 2-0 sur la Serbie grâce à un doublé en seconde période de Richarlison, qui marque à cette occasion l’un des plus beaux buts de la Coupe du Monde d’une reprise acrobatique. Seule ombre au tableau, la vilaine entorse à la cheville droite de Neymar, qui pourrait rater la suite de la compétition après de nombreuses blessures à cette même cheville. Sans Neymar, Tite opte pour un 4-3-3 plus défensif face à la Suisse avec l’entrée de Fred et le Brésil s’impose 1-0 grâce à un but en fin de match de Casemiro. Le Professor aligne pour le dernier match de groupe une équipe réserve et se fait surprendre dans le temps additionnel par le Cameroun de Vicent Aboubakar, qui devient la première équipe africaine à battre le Brésil en Coupe du Monde.

Photo : VANDERLEI ALMEIDA/AFP via Getty Images

Nouvel échec en Coupe du Monde

Malgré la défaite face au Cameroun, le Brésil termine premier du groupe et, en huitièmes de finale, dispute le dernier match de l’éphémère stade 974 face à la Corée du Sud. La Seleção marque quatre buts en première période, avec notamment un penalty de Neymar, de retour à la compétition malgré une cheville toujours fragile. En fin de match, Tite fait entrer en jeu le troisième gardien Wewerton, utilisant ainsi les vingt-six joueurs de son groupe en Coupe du Monde, puis les joueurs brésiliens déroulent une banderole en hommage à Pelé, gravement malade et hospitalisé à l’hôpital Albert Einstein de São Paulo. Contre la Croatie en quarts de finale, Tite choisit un 4-2-4 offensif, avec Raphinha, Vinícius Júnior, Neymar et Richarlison en attaque. Luka Modrić domine le milieu Casemiro – Lucas Paquetá alors que Tite sort Vinícius Júnior à l’heure de jeu, qu’il remplace par son coéquipier madrilène Rodrygo. Aucune équipe ne parvient à faire la différence dans le temps réglementaire, le match file en prolongation, Neymar ouvre le score sur un service de Lucas Paquetá en fin de première période de la prolongation. À trois minutes du coup de sifflet final, le Brésil part à l’attaque avec cinq joueurs, perd le ballon et concède sur la contre-attaque le but de l’égalisation. Rodrygo, vingt-et-un ans, débute la série de tirs au but côté brésilien par un échec alors que Neymar est le cinquième tireur. La star de la Seleção n’aura jamais l’opportunité de tirer, la série prend fin sur une tentative de Marquinhos qui échoue sur le poteau de Livaković. Le Brésil est éliminé, Tite ne remportera jamais la Coupe du Monde.

Tite connaît une nouvelle élimination en Coupe du Monde face à un pays européen, une nouvelle fois en quarts de finale. L’incapacité du Brésil à remporter le hexa ne date pas de Tite, depuis le sacre de 2002, le Brésil est tombé à chaque fois dès le premier adversaire européen rencontré en phase finale, à chaque fois en quarts de finale à l’exception de 2014 et de l’humiliant 7-1 encaissé face à l’Allemagne en demi-finales. Tite est critiqué pour son coaching face à la Croatie, le but encaissé avec cinq joueurs partis à l’attaque et le choix de placer Neymar en cinquième tireur dans la séance de tirs au but. Quelques jours plus tard, Lionel Messi et Kylian Mbappé tirent chacun le premier tir au but de leur équipe lors de la finale de la Coupe du Monde. Tite quitte la Seleção avec un bilan exceptionnel, quatre-vingt-et-un matchs, soixante victoires, quinze matchs nuls et seulement six défaites, dont trois officielles, mais qui privent le Brésil de trois titres. Pas toujours enthousiasmant au niveau du jeu mais très souvent solide, la Seleção de Tite marque cent-quarante-quatre buts, dont trente-et-un pour Neymar, également auteur de vingt-neuf passes décisives, et encaisse seulement trente buts. Des chiffres impressionnants, mais insuffisants pour décrocher une Coupe du Monde, qui aurait pu permettre à Tite de rejoindre Marcelo Lippi et Vicente Del Bosque comme seuls entraîneurs à avoir gagné la Coupe du Monde avec un club et une sélection. Depuis, Tite n’a pas repris de poste, refusant même l’offre du Corinthians pour un quatrième passage au club, et rêve désormais d’une aventure dans un club européen. Sans proposition, il pourrait cependant retourner dans le Moyen-Orient et signer à Al-Hilal.

 

Photo une :  Francois Nel/Getty Images

Marcelin Chamoin
Marcelin Chamoin
Passionné par le foot brésilien depuis mes six ans. Mon cœur est rouge et noir, ma raison est jaune et verte.