Si Park Ji-sung et Son Heung-min sont aujourd'hui les Guerriers Taeguk les plus connus, Cha Bum-keun est celui qui a fait connaître la Corée du Sud au monde du football. Premier joueur sud-coréen à faire le grand saut vers l'Europe à la fin des années 1970, Cha Bum-keun y a connu gloire et renommé. Suffisamment pour être aujourd'hui le père spirituel de toutes les générations de footballeurs du pays du matin clair et frais. Retour sur la carrière du meilleur joueur asiatique du XXe siècle.

 

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Chapitre 3 : À l'assaut du Vieux continent

Enfin à Francfort !

À l'été 1979, Cha Bum-keun est enfin débarrassé de ses obligations militaires et ne souhaite qu'une seule chose : revenir en République fédérale d'Allemagne. Mais hors de question pour lui de jouer en seconde division, ce qui excluait Darmstadt de la course à la signature puisque le club avait terminé dernier de la Bundesliga. C'est une ancienne connaissance qui se montre intéressée. En effet, l'Eintracht Francfort, qui avait repéré Cha Bum-keun mais n'avait pas pu le signer, lui propose un contrat. La disponibilité d'une place pour un joueur étranger de l'effectif permet aux dirigeants allemands de ne pas laisser passer leur chance une seconde fois. De quoi ravir Friedel Raush qui ne tarit pas d'éloge sur sa recrue : « Aucun autre joueur ne m'a convaincu aussi rapidement qu'il l'a fait lors des essais. Il était le meilleur et le plus volontaire des attaquants que j'ai jamais vus ».

Cha Bum-keun fait rapidement parler la poudre et se fait adopter par les fans. Pour cela, il marque lors de ses trois premiers matchs contre Stuttgart, Braunschweig et le Bayer Leverkusen. Son entente offensive avec Bernd Hölzenbein séduit et s'avère rapidement dangereuse pour les défenses de Bundesliga. Si le Sud-coréen est méconnu du grand public, il l'est aussi pour ses adversaires qui éprouvent toutes les peines du monde pour stopper cet attaquant rapide et puissant. Toujours en mouvement, habile techniquement et fort dans le jeu aérien, la nouvelle arme offensive de Francfort gagne vite son surnom : Tscha Bum ou Cha Boom. Avec douze réalisations pour sa première année en Allemagne, il est nommé dans l'équipe de la saison avec Kevin Keegan du HSV et Karl-Heinz Rummenigge du Bayern Munich par le magazine spécialisé Kicker. Mais la consécration intervient avec la victoire en Coupe de l'UEFA 1980. Son parcours dans cette compétition a grandement contribué au succès de Francfort. Manager de Aberdeen, éliminé au premier tour, Sir Alex Ferguson ne se montre pas avare en compliment quand il s'agit d'évoquer la performance de Cha Bum-keun. Il déclare : « Le problème que nous ne pouvions pas résoudre était Tscha Bum. Nous ne pouvions pas l'arrêter. Il était inarrêtable ». Le Dinamo Bucarest et Feyenoord figurent également au tableau de chasse du Coréen. Pour atteindre la finale, les Allemands éliminent le FC Zbrojovka Brno et le Bayern Munich.

Chapitre 1 : La naissance d’une légende

Lors de la (double) dernière manche, le Borussia Mönchengladbach se dresse face à l'équipe dirigée par Friedel Rausch. Vainqueur à l'aller 3-2, les coéquipiers de Matthäus abordent le match retour avec confiance, mais « die Fohlen » s'inclinent sur la plus petite des marges (1-0). Le natif de Hwaseong remporte son premier titre en Europe et devient le premier asiatique à soulever une coupe européenne. Si son adaptation sportive se passe à merveille, son acclimatation à un nouvel environnement est plus difficile avec des différences culturelles entre l'Allemagne et la Corée du Sud. Plus tard, Cha Bum-keun confessera ses problèmes notamment culinaires : « Les Allemands aiment les buffets froids, des repas composés d'un assortiment d'aliments froids, y compris du pain, du fromage et du jambon. Il m'était difficile d'apprécier ou de m'habituer à manger des aliments froids, surtout pour le dîner ». En dépit de ces différends alimentaires, l'attaquant débute sa seconde saison avec confiance et enthousiasme. Un enthousiasme vite refroidi par Jürgen Gelsdorf du Bayer qui l'envoie directement à l'hôpital suite à un tacle trop appuyé. Après sa convalescence, il retrouve toutes ses sensations et inscrit un total de huit buts en Bundesliga. Et à nouveau, le buteur se distingue aussi dans une autre compétition. Une autre coupe, la DFB-Pokal. Avec six buts en six matchs dont un en finale contre Kaiserslautern, il est l'un des grands artisans de la troisième coupe remportée par le club.

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La confirmation au Bayer Leverkusen

Travailleur acharné et persévérant, il compense avec ses qualités un certain manque d'élégance sur le terrain. Néanmoins, ses stats parlent pour lui. Réaliste face au gardien, Cha Bum-keun est très efficace. Et même si l'Eintracht ne gagne plus de trophée pendant la suite de son séjour sur les bords du Main, lui signe de bonnes saisons avec onze et quinze buts en 1981/82 et 1982/83. Meilleur buteur du club pendant trois saisons consécutives, le Sud-coréen attire l'attention d'autres équipes de la ligue. En difficultés financières, Francfort ne peut retenir sa vedette plus longtemps. Le Bayer Leverkusen saute sur l'occasion de récupérer l'un des meilleurs attaquants du championnat. La vente de Cha Bum-keun laisse un grand vide pour les fans des Aigles mais son héritage est toujours dans toutes les mémoires comme en atteste sa présence dans l'équipe-type de tous les temps du club en 2013. Quand il arrive en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, « die Werkself » sort d'une saison moyenne. L'apport offensif de Tsha Bum doit permettre au club du géant pharmaceutique de remonter dans les hautes sphères du classement. Dès sa première année, la fiabilité de l'attaquant fait le bonheur des supporters. Avec douze unités au compteur dont un face à son ancienne équipe, il permet à son club d'atteindre la septième position. Lors de la saison suivante, Leverkusen et Cha Bum-keun prennent un bon départ mais l'influence du buteur s'amenuise en même temps que les performances de l'équipe qui échoue à une décevante treizième place. 

Chapitre 2 : La difficile route vers l'Europe

Après une année globalement insuffisante, quelques doutes commencent à poindre sur les performances du Bayer et de son buteur. Mais Cha Bum-keun les balaie d'un revers de main en signant son meilleur total en carrière avec dix-sept réalisations dont dix buts en onze matchs. Grâce à ses performances sur le terrain, son équipe remonte à la sixième position et décroche son ticket pour la Coupe de l'UEFA. Une première pour « die Werkself ». Une prestation saluée à sa juste valeur par Kicker qui intègre Tsha Bum dans l'équipe-type de l'année. Cependant, cette saison est un peu le chant du cygne pour Cha Bum-keun qui a dépassé la trentaine. Inactif avec la sélection depuis son arrivée en Allemagne, il décide de sortir de sa retraite internationale pour participer à la Coupe du Monde au Mexique, la première pour la Corée du Sud depuis trente-deux ans. Sept ans après sa dernière cape, Cha Bum-keun retrouve les Guerriers Taegeuk afin de réaliser un rêve. Mais celui-ci tourne au cauchemar. Dans un groupe trop relevé comprenant l'Argentine (futur vainqueur), l'Italie (championne en titre) et la Bulgarie, les Guerriers Taeguk terminent derniers du groupe A avec un nul (1-1 face à la Bulgarie) et deux défaites au compteur. Ce sont les dernières apparitions de Cha Bum-keun avec la tunique nationale. Son bilan s'élève à cinquante-huit buts en cent-dix-huit apparitions mais en 2014, la Fédération coréenne rectifie son total à cinquante-neuf buts en cent trente-deux matchs.

Dès 1986/87, son rendement personnel diminue fortement avec des stats en-dessous de la barre des dix buts par saison en championnat. Pourtant, le Sud-coréen continue d'être mis en avant grâce à son travail de l'ombre et un pressing incessant. Et aussi grâce à un but contre le VfB Stuttgart qui lui permet de devenir le meilleur buteur étranger de l'histoire de la Bundesliga. Eliminé précocement de la Coupe de l'UEFA 1986/87 par le Dukla Prague, Leverkusen réalise un véritable exploit en atteignant la finale de la compétition l'année suivante. Face à l'Espanyol, les Allemands sombrent au match aller avec un sévère 3-0 concédé au stade de Sarrià. Un retournement de situation semble improbable. Surtout que le score n'évolue pas pendant quasiment une heure de jeu au match retour. Puis, le déclic. Tita, Götz et Cha Bum-keun (sur coup franc) arrachent la prolongation (3-0). La victoire finale se décide lors de la séance des tirs au but. Après un échec inaugural de Falkenmayer, les Allemands réussissent toutes leurs tentatives alors que les Espagnols manquent trois tirs (3-2). Ce deuxième succès dans cette épreuve est son dernier cadeau au football allemand. Le buteur Sud-coréen effectue une dernière saison sous les couleurs du Bayer en 1988/89. Un dernier tour de piste pour le vétéran de trente-cinq ans. Il réalise un exercice plein avec pas moins de trente apparitions et trois buts. Cha Bum-keun décide alors de ranger les crampons et de se tourner vers le banc de touche.

 

Par Baptiste Mourigal et Nicolas Wagner

Nicolas Wagner
Nicolas Wagner
Rédacteur Europe pour Lucarne Opposée