En 2002, après quatre années de blessures terribles, de rechutes et de doutes, Ronaldo revenait au plus haut niveau pour offrir au Brésil une nouvelle Coupe du Monde.

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En 1998, Ronaldo est la superstar de la Coupe du Monde, quelques mois après avoir remporté son premier Ballon d’Or et quelques semaines après avoir illuminé le Parc des Princes lors de la finale de la Coupe UEFA, remportée facilement 3-0 face à la Lazio. À vingt-et-un ans et malgré une gêne au genou, Ronaldo réalise un très bon Mondial avec quatre buts, dont un lors de la demi-finale haletante face aux Pays-Bas. Mais le jour de la finale, Ronaldo fait un malaise, qui continue aujourd’hui d’alimenter les polémiques et les fantasmes. À l’image de ses coéquipiers, le Fenômeno est transparent en finale et le Brésil est assommé par la France sur le score de 3-0. Une enquête au Brésil informe que 80 % des sondés estiment que Ronaldo ne mérite pas son titre officieux de meilleur joueur du monde, 34 % pensent même qu’il a été le pire joueur brésilien de la Coupe du Monde. Ronaldo est pointé comme le responsable de la déroute brésilienne, pas vraiment aidé par les déclarations de Zagallo et de Roberto Carlos, ce dernier parlant d’un problème « émotionnel » pour expliquer le malaise. Comme souvent dans la défaite, le Brésil bascule dans l’exagération et le n’importe quoi, une commission d’enquête parlementaire étant même formée, où un député demande notamment à Ronaldo pourquoi le Brésil n’a pas gagné. Dans sa thèse Ronaldo, Mídia, construção da derrota e o mito do herói, Helal écrit : « Il y a eu besoin d’un échec pour que la société se rende compte que, derrière la figure mythique de l’idole, il y a un homme ou un “gamin” -Ronaldo. Et, à partir de ce moment, cela définit une autre trajectoire pour le mythe du héros ».

Chute et rechute

Ronaldo voit son image écornée après la Coupe du Monde 1998 et enchaîne une saison hachée par quelques blessures avec l’Inter Milan. En juillet 1999, il remporte la Copa América 1999 aux côtés de Rivaldo, mais aussi de Ronaldinho, dix-neuf ans. Le Fenômeno termine meilleur buteur du tournoi à égalité avec Rivaldo, cinq buts chacun, Ronaldo marquant notamment en quarts de finale contre l’Argentine et en finale contre l’Uruguay. En fin d’année, Ronaldo est convoqué avec la sélection préolympique pour deux matchs contre l’Australie, à Sydney puis Melbourne. L’Inter s’oppose à cette convocation, Ronaldo ayant déjà participé au nombre obligatoire de matchs amicaux. La FIFA donne raison à l’Inter et oblige la CBF à libérer Ronaldo après le premier match. Irrité, Wanderley Luxemburgo déclare que si Ronaldo ne peut pas jouer les deux matchs, alors il n’en jouera aucun. Ronaldo fait donc un aller-retour en Australie pour rien et les matchs de la sélection préolympique, vendus avec la présence de Ronaldo, sont un échec commercial. Quelques jours après ce voyage éprouvant, Ronaldo est titulaire avec l’Inter pour un match contre Lecce. En début de seconde période, le Fenômeno marque sur penalty, mais doit sortir dix minutes plus tard à cause d’une blessure au genou.

Ronaldo se fait opérer du genou par le professeur Gérard Saillant et découvre les douleurs de la rééducation, travaillant entre sept et huit heures par jour avec le physiothérapeute Filé. Le 12 avril 2000, Ronaldo s’apprête à faire son grand retour, en finale de la Coupe d’Italie contre la Lazio, quelques jours après avoir vu la naissance de son premier enfant. « Ça va être une semaine magique. Mon fils est né et je vais rejouer au football. En une seule fois, la vie m’a fait deux cadeaux. La vie est belle » déclare Ronaldo. Mais la vie est instable, le rêve peut vite tourner au cauchemar. Six minutes après avoir refoulé un terrain de football, crampons en argent aux pieds spécialement créés par Nike pour l’occasion, le pied de Ronaldo se plante dans la pelouse de l’Olimpico, son genou se tord, son destin s’écroule. Tout le monde prend conscience de la gravité du moment, un silence glacial s’empare du stade, brisé seulement par les pleurs et cris de douleurs de Ronaldo. « D’ici peu de temps, tu seras plus seul que jamais. Mais c’est aussi à l’intérieur de toi-même qu’il y a la seule force capable de te relever. Si tu le veux, tu le feras » lui glisse son coéquipier Roberto Baggio, lui aussi habitué aux graves blessures. Ronaldo connaît parfaitement ce qui l’attend et repart très déprimé à Paris pour se faire opérer une nouvelle fois par le professeur Saillant.

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Dans le livre Ronaldo, the journey of a genius de James Mosley, Rodrigo Paiva, conseiller en image de Ronaldo, revient sur cet épisode : « Ce jour au stade était supposé être un bon jour, le grand retour de Ronaldo. J’ai toujours dit que quand les choses arrivent pour Ronaldo, elles arrivent en grand. Par exemple, lors de la Coupe du Monde, il aurait pu faire le malaise au premier tour, en quarts ou en demi-finale, mais non, c’était pour la finale. C’est la même chose avec son retour, seulement six minutes après son entrée il se blesse. Je me rappelle très bien de cette nuit et je n’oublierai jamais ce qu’il s’est passé. Dans le vestiaire, il pleurait. Pas à cause de la douleur, mais parce qu’il était nerveux. Il ne savait pas si son genou allait s’en remettre. Le vestiaire était comme des funérailles, tout le monde avait peur, les autres joueurs étaient très inquiets ». La rupture du tendon est cette fois complète et la question n’est plus de savoir quand Ronaldo va revenir, mais s’il va revenir. Ronaldo est opéré à la Pitié-Salpêtrière, où s’amasse plus d’une centaine de journalistes et photographes. Le professeur Saillant l’opère avec succès et garantit que le Fenômeno rejouera au football. Ronaldo reçoit des messages du monde entier et des plus grands acteurs du football, comme Diego Maradona et Pelé, mais comme l’avait prédit Roberto Baggio, Ronaldo est complètement seul pour la rééducation, ou alors avec le physiothérapeute Filé, qui lui impose des séances éprouvantes, cherchant le bon équilibre entre la douleur signe d’amélioration et celle qui peut annoncer une rechute.

Le 15 avril 2001, quasiment un an jour pour jour après sa terrible blessure, Ronaldo fait un premier footing avec ses coéquipiers de l’Inter, entraînement suivi par environ quatre cents journalistes, preuve que la Ronaldomania est toujours présente. L’histoire de Ronaldo a ému le monde du football, et même le monde entier, le Brésilien étant l’une des personnalités les plus célèbres de la planète, une enquête d’El País le classant troisième derrière le Pape Jean-Paul II et George Bush. Luiz Felipe Scolari, le sélectionneur brésilien, ne l’a pas non plus oublié et l’invite à rejoindre la délégation qui se prépare pour un match crucial contre l’Uruguay en éliminatoires de la Coupe du Monde 2002. En difficulté, la Seleção est sous la menace de ne pas disputer la Coupe du Monde pour la première fois de son histoire. La venue de Ronaldo est critiquée par la star de l’attaque brésilienne, Romário : « Sa présence ici ne sert qu’à gêner la vie des autres ». Le Brésil s’incline 1-0 et est critiqué par la presse, qui n’épargne pas non plus Ronaldo. Seul point positif, la discussion entre le Fenômeno et Scolari, très direct malgré les doutes qui entourent Ronaldo : « Tu es un joueur fondamental pour mes plans de 2002 ».

Cúper vs Felipão

Felipão a pourtant le choix en attaque avec des joueurs comme Romário, Edílson, França, Euller mais aussi les « Européens » Mário Jardel, Sonny Anderson, Giovane Élber ou encore Márcio Amoroso. Pourtant, Scolari ne cesse de maintenir sa confiance envers Ronaldo, à l’opposé du comportement du nouvel entraîneur de l’Inter, l’Argentin Héctor Cúper. Scolari voyage à Milan pour s’entretenir avec Cúper et le convaincre de faire jouer Ronaldo, sans trop de succès, même si Ronaldo rejoue enfin un match officiel, contre Brasov en Coupe UEFA, le 20 septembre 2001. Le lendemain, Scolari convoque Ronaldo en Seleção et Cúper l’accuse de « rompre un schéma méticuleusement préparé ». Ronaldo est finalement forfait pour le match contre le Chili, enchaînant au cours de la saison les blessures musculaires, comme l’explique Rodrigo Paiva : « Les problèmes ont commencé quand Cúper est arrivé à l’Inter. Ronaldo était bien, mais Cúper ne le faisait pas jouer et les problèmes musculaires ont commencé à apparaître, à cause de l’inactivité. Le préparateur physique de Cúper, Galdino, imposait à l’équipe un nouveau programme physique. Beaucoup de joueurs de l’Inter ont eu des problèmes musculaires, Zanetti, Cordoba, Vieri, Emre – ils ont tous eu des problèmes à cause du programme physique. Cúper a commencé à faire croire aux gens que Ronaldo n’allait jamais rejouer au football. Il ne le voulait pas, il a convaincu Moratti et il essayait aussi avec les supporters de l’Inter, de leur faire changer d’avis sur Ronaldo ».

Ronaldo est titulaire pour la deuxième fois depuis son retour contre Brescia le 9 décembre 2001 et marque son premier but depuis plus de deux ans ! Mais en fin d’année, Ronaldo se blesse à nouveau lors d’un match contre Piacenza. Héctor Cúper affirme que l’Inter peut gagner sans lui et Ronaldo est autorisé à rentrer au Brésil, où il rencontre Filé et José Luiz Runco, le médecin de la Seleção. Avec l’aide de la nutritionniste Sílvia Ferreira et du préparateur physique Paulo Paixão, ils montent un programme pour Ronaldo afin de le remettre en forme. Critiqué par Massimo Moratti pour avoir assisté au Carnaval de Rio, Ronaldo fait passer sa masse graisseuse de 13,5 % à 8,5 % et est convoqué par Scolari pour un match amical contre la Yougoslavie. L’Inter dépose un recours à la FIFA, Cúper annonçant que Ronaldo ne jouera pour le Brésil seulement après avoir joué avec l’Inter. Ronaldo revient deux semaines en Italie, sans jouer, et repart au Brésil pour affronter la Yougoslavie, premier match officiel du Fenômeno depuis quatre mois. Deux ans et demi après son dernier match avec la Seleção, Ronaldo dispute quarante-cinq minutes intéressantes et montre une entente prometteuse avec Ronaldinho. Pas suffisant pour les supporters brésiliens, qui continuent de demander Romário en sélection, ni pour Héctor Cúper, qui laisse Ronaldo en tribunes pour le match contre la Fiorentina. Suffisant pour Felipão qui déclare : « Ronaldo continuera d’être convoqué, indépendamment de ce que pense Héctor Cúper ».

Ronaldo rejoue enfin avec l’Inter en demi-finale aller de la Coupe UEFA, où il entre en jeu à vingt minutes de la fin. Cúper affirme que Ronaldo n’est pas encore prêt pour jouer et ne le convoque pas pour le match contre l’Atalanta. Le lendemain, il est convoqué en sélection par Scolari, qui réaffirme son soutien au joueur : « S’il joue ou pas avec l’Inter, cela ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse, c’est ce que j’ai vu de lui contre la Yougoslavie. Il a sa place garantie dans le groupe qui va à la Coupe du Monde ». Ronaldo est titulaire au retour contre le Feyenoord mais ne peut empêcher l’élimination de son équipe, mais il inscrit un doublé contre Brescia, permettant à l’Inter de s’imposer après avoir été mené 1-0. Trois jours plus tard, il affronte le Portugal où il est aligné pour la première fois sous Scolari aux côtés de Rivaldo. Le match s’achève sur un 1-1, Ronaldo est hors de forme, Rivaldo a des douleurs au genou et Ronaldinho est resté quatre mois sans jouer. La pression reste maximale sur les épaules de Felipão, qui a pris le risque de laisser l’idole nationale Romário à la maison. Lors de la dernière journée du championnat d’Italie, l’Inter doit s’imposer face à la Lazio, à l’Olimpico, théâtre du cauchemar de Ronaldo deux ans plus tôt. L’Inter s’incline 4-2 et laisse le titre à la Juventus. De 1998 à 2002, Ronaldo n’a disputé que cinquante-deux petits matchs avec l’Inter et connaît une nouvelle déception. Il peut désormais se tourner vers le Japon et la Corée du Sud avec la Coupe du Monde.

Le retour en Coupe du Monde

Quatre ans après le cauchemar du Château de Grande-Romaine, où Ronaldo a fait son malaise avant la finale contre la France, Ronaldo s’apprête à disputer une nouvelle Coupe du Monde. Le style a changé, Ronaldo est désormais plus lourd et reste un mystère, n’ayant pas pu faire une seule saison complète sur les quatre dernières. Le Fenômeno dispute un seul match de préparation, contre la Malaisie, et marque un but, son premier en Seleção depuis le 7 septembre 1999 ! Le parcours du Brésil lors de la Coupe du Monde 2002, à retrouver dans notre douzième magazine, débute face à la Turquie. Menés 1-0, les Brésiliens vont parvenir à revenir au score, avec un but de Ronaldo sur un centre de Rivaldo. Le pari de Felipão semble déjà réussi. Mais Ronaldo continue à marquer : un but contre la Chine, un doublé contre le Costa Rica, même si la Seleção peine encore à convaincre l’exigeante presse brésilienne. Scolari maintient son groupe uni et le Brésil bat la Belgique dans ce qui est peut-être le match le plus difficile pour la Seleção au cours du tournoi. Ronaldo assure la victoire en marquant en fin de match sur un service de Kléberson. « Ronaldo est notre buteur et on doit faire les actions pour lui. Tout le mérite lui revient » explique le passeur du jour. Ronaldo confirme son nouveau style, participant moins au jeu, mais se transformant en finisseur redoutable, capable de marquer sur une demie-action. Le Brésil est une équipe solidaire, faisant les différences sur les côtés grâce à ses latéraux Cafu et Roberto Carlos et dans l’axe avec ses génies Ronaldinho et Rivaldo.

Ronaldo enchaîne quatre matchs avec au moins un but en Seleção, une première dans sa carrière. Avec cinq buts au cours du tournoi, il dépasse sa performance de la Coupe du Monde 1998 et ses neuf buts dans la compétition lui permettent de rejoindre Ademir et Leônidas (un but sera retiré à ce dernier en 2006) au classement des meilleurs buteurs brésiliens en Coupe du Monde, n’ayant plus que Pelé devant lui. Contre l’Angleterre, dans une finale avant l’heure, l’homme du match s’appelle Ronaldinho, avec une passe décisive pour Rivaldo, un golaço sur coup franc, mais aussi une expulsion. Ronaldo ne marque pas, le seul match où il ne marque pas dans cette Coupe du Monde, et sort même sur blessure, rendant tout un pays inquiet. Ronaldo ne s’entraîne pas avant le match contre la Turquie, mais est finalement titulaire avec une nouvelle coupe de cheveux, une improbable demie lune. Toute l’attention portée vers sa blessure est désormais tournée vers sa coupe de cheveux, Ronaldo arbore également des nouvelles chaussures, comme l’explique Rodrigo Paiva dans le livre Ronaldo, the journey of a genius de James Mosley : « Deux ans avant la Coupe du Monde, on est allés à Nike dans l’Oregon et ils avaient des nouvelles chaussures incroyables, très légères, couleur argent. Nike disait qu’ils voulaient qu’il les porte à la prochaine Coupe du Monde. Mais quand la Coupe du Monde est arrivée, les chaussures qu’ils avaient fournies n’étaient pas celles en argent qu’on avait vues, mais des plus foncées, les Mercurial Vapor que les autres stars avaient. On n’y a pas trop pensé à l’époque, mais avant la demi-finale, Nike nous a contactés et a dit : “on a les chaussures, celles en argent, et on veut que Ronaldo les porte”. C’est évident que Nike attendait que l’une des grandes stars brille à la Coupe du Monde. Cela aurait été Thierry Henry, il les aurait eues en premier, ou Francesco Totti, etc. Ils ne faisaient pas confiance à Ronaldo pour les lui donner dès le premier match, après tout ses problèmes. Mais il a fini par les avoir quand même ».

Avec ses nouvelles chaussures et sa nouvelle coupe de cheveux, Ronaldo marque face à la Turquie le seul but de l’un des plus beaux matchs de la Coupe du Monde 2002. D’un pointu soudain, à la manière d’un Romário désormais oublié par les supporters brésiliens, Ronaldo marque un but qui symbolise son nouveau style de jeu, moins puissant et rapide, mais toujours aussi génial et imprévisible. Un but qui entre directement dans le top 1 des buts de Ronaldo selon Gary Lineker, interrogé par James Mosley : « Évidemment, il y a le but à Compostelle, mais pour moi, en tant qu’avant-centre, ce doit être celui contre la Turquie en demi-finale de Coupe du Monde. Un match si important, et remarquez que Ronaldo a marqué lors de tant de matchs importants. Ce que j’aime, c’est qu’il savait qu’il avait une demie seconde pour tromper Rüştü, et il l’a fait avec un pointu, c’est brillant ». Ronaldo dépasse Rivaldo et Miroslav Klose, cinq buts chacun dans cette Coupe du Monde, mais voit le gardien allemand Oliver Kahn être élu meilleur joueur du tournoi un jour avant la finale. Et à la manière d’un jeu vidéo, Ronaldo doit affronter pour l’ultime marche l’adversaire le plus redoutable, justement Oliver Kahn, qui n’a encaissé qu’un seul but au cours du tournoi et a été impressionnant tout au long de la Coupe du Monde.

Ronaldo vs Oliver Kahn

Ronaldo dispute une nouvelle finale de Coupe du Monde, quatre ans après Saint-Denis. Inquiet de revivre un malaise, il ne fait pas de sieste avant le match, mais invite au stade le professeur Gérard Saillant qui a certainement sauvé sa carrière, et donc sa vie. En première mi-temps, Ronaldo se procure trois occasions, sans parvenir à tromper Oliver Kahn, qui réalise notamment un arrêt du pied devant Ronaldo pour préserver le 0-0. En milieu de seconde période, Ronaldo perd un duel avec Thomas Linke et tombe au sol. Mais comme si souvent dans sa carrière, Ronaldo ne lâche pas, il se relève, repart au combat et récupère le ballon dans les pieds de Dietmar Hamann. En une demie seconde et deux touches de balle, Ronaldo décale Rivaldo, qui n’a plus qu’à lui remettre et Ronaldo se présentera en un contre un avec Oliver Kahn. Mais Rivaldo a les défauts d’un génial soliste et fait hurler tout un pays lorsqu’il préfère la frappe. Mais Ronaldo ne lâche jamais rien, et lorsque Oliver Kahn commet sa seule erreur du tournoi en relâchant le ballon, le Fenômeno a un temps d’avance sur tout le monde et peut pousser le ballon au fond des filets pour ouvrir le score. Douze minutes plus tard, Kléberson cherche Rivaldo dans l’axe, mais Rivaldo a les qualités d’un génial soliste et trompe le monde entier en laissant passer le ballon entre ses jambes. Le monde entier, sauf Ronaldo, qui récupère le ballon derrière et trompe Oliver Kahn d’une frappe chirurgicale. Ronaldo 2, Oliver Kahn 0, Brésil 2, Allemagne 0, la Seleção décroche une nouvelle Coupe du Monde. Ronaldo termine artilheiro du tournoi avec huit buts, une marque qui n’avait plus été atteinte depuis 1970 et Gerd Müller. Le Fenômeno n’est pas mort, il est plus vivant que jamais.

La renaissance du Fenômeno

Ronaldo est acclamé par le monde entier, notamment Diego Maradona et Pelé, qu’il rejoint en tête du classement des meilleurs buteurs brésiliens en Coupe du Monde. Romário, dans son style caractéristique, lui rend également hommage : « Je ne dirai pas que Ronaldo était spectaculaire parce que je sais qu’il n’était pas à 100 %. Mais il a mis des buts décisifs dans des matchs importants. Il était le meilleur joueur, mais il était aussi le plus moche ». Le staff médical, qui a accompagné Ronaldo dans ses heures les plus sombres, peut célébrer, à l’image du médecin José Luiz Runco, qui s’est également occupé de Rivaldo : « Mettre ces deux joueurs sur pied et prêts pour la Seleção et pour Felipão a été le plus grand challenge de ma carrière professionnelle ». Le physiothérapeute Filé, dont le fils adolescent est décédé un an plus tôt d’une dystrophie musculaire, est également sur un nuage : « Aujourd’hui, je sais que si j’ai perdu un fils, j’en ai gagné un avec Ronaldo. Ma relation avec Ronaldo n’est pas professionnelle, il est un ami, mon confident et mon fils. Le retour de Ronaldo n’était pas garanti. Il a travaillé dur, il a fait tout ce que je lui ai demandé, et plus. Il a tourné une page de l’histoire médicale qui n’avait jamais été tournée ».

Ronaldo ne se trompe pas en remerciant le staff médical après avoir remporté une nouvelle Coupe du Monde, cette fois-ci en y ayant participé pleinement après la découverte de 1994. « Cette victoire est celle du triomphe de tout le staff médical brésilien, qui m’a tant aidé. Mais pas seulement moi, ils ont mis Rivaldo en forme, Ronaldinho en forme et ils ont aidé tous les joueurs tout au long du tournoi. Je suis très heureux, très très heureux. Je n’ai pas d’autres explications que de dire que c’est un cadeau de Dieu. Comme toujours, ma famille m’a aidé dans les moments difficiles, comme l’ont fait mes amis qui ont continué de croire en moi. Ils n’ont jamais perdu la foi en moi. Je remercie spécialement Filé, mon physiothérapeute. Il a toujours été avec moi et ne m’a jamais abandonné. Même s’il n’est pas avec moi aujourd’hui, je suis sûr qu’il est à Rio, en train de célébrer. Je pense à lui, je remercie aussi le professeur Gérard Saillant, dont le talent a sauvé mon genou. Sans lui, je n’aurais pas pu revenir, j’ai beaucoup de gratitude ». Ronaldo est élu sportif international de l’année par la BBC, récompense qui n’avait plus été attribué à un footballeur depuis Pelé en 1970.

La renaissance de Ronaldo émeut le monde du football, car il s’agit de l’un des plus grands talents de l’histoire de ce sport, qui aurait même pu être le plus grand joueur de l’histoire sans ses blessures. Par ses dribbles, ses accélérations, ses buts, Ronaldo a marqué toute une génération, a permis à de nombreux enfants de s’intéresser au football et surtout de rêver. En 2000, en pleine convalescence, il s’investit pour Unicef et insiste pour se rendre au Kosovo, un an après avoir financé une campagne grâce à la prime reçue lors de la Copa América 1999. Dans l’école qu’il visite, presque tous les enfants ont un maillot de Ronaldo. Il ne s’agit pas d’une opération commerciale ou d’image, simplement des faux maillots achetés au marché par des enfants qui rêvent de ressembler à leur idole. Ronaldo, c’est aussi une simplicité, un sourire affiché en permanence, même lorsqu’il sort d’une opération du genou qui met sa carrière en suspens, voire en péril. Pour cela aussi que sa chute est si douloureuse, pour cela que sa renaissance est si belle. Ronaldo est aussi un symbole pour le monde entier, au-delà du sport, il permet de croire que tout est possible, malgré les chutes et les douleurs, revenir au sommet est toujours une option. Ce 30 juin 2002, le Fenômeno renaissait, pour le plus grand bonheur du professeur Gérard Saillant : « Je suis très heureux. C’est un succès pas seulement pour moi, mais pour tous ceux impliqués, et par-dessus tout pour Ronaldo lui-même. Cela a été deux ans où on pouvait seulement espérer qu’il revienne. Je suis très heureux pour lui. Ce n’est pas facile de repartir de tout en bas et d’arriver là où il est arrivé. Ronaldo est un exemple pour tous les sportifs, pour les jeunes, pour tout le monde. Il est un exemple pour tous ceux qui ont un problème, de toute sorte ». À Yokohama, Ronaldo était de retour au sommet et apportait au Brésil ce qui est encore aujourd’hui sa dernière Coupe du Monde remportée.

Marcelin Chamoin
Marcelin Chamoin
Passionné par le foot brésilien depuis mes six ans. Mon cœur est rouge et noir, ma raison est jaune et verte.