Talent pur et précoce du ballon rond, Ronaldo Luis Nazário de Lima a connu une ascension ultra-rapide. Cette éclosion l'a très rapidement amené sur le Vieux Continent. Des Pays-Bas, à l'Italie en passant par l'Espagne, le Brésilien sillonne l'Europe avec des transferts faramineux et médiatisés à la clé. Son parcours fulgurant est néanmoins gâché par de graves blessures mais l'attaquant s'est réinventé, a adapté son style de jeu pour conserver une efficacité remarquable.
Le PSV comme tremplin
Après des débuts fulgurants avec Cruzeiro, son ratio moyen avec la Raposa est prodigieux (0,94 but par match), et tout juste auréolé de son titre de champion du Monde obtenu au Rose Bowl de Pasadena contre la Nazionale de Baggio et Sacchi, Ronaldo quitte déjà le Brésil pour rejoindre le Vieux Continent. Sur les tablettes de plusieurs clubs majeurs, le jeune surdoué de dix-sept ans opte pourtant pour le PSV Eindhoven sur les conseils avisés de son glorieux aîné : Romário. Avant de charmer le Camp Nou, « o baixinho » passe par le club de la firme Philips de 1988 à 1993. Le choix de carrière de Ronaldo est judicieux. Au PSV, la concurrence étrangère est moindre (époque pré-arrêt Bosman). Le temps de jeu est garanti. De plus, afin d'appréhender les différences dans le jeu entre l'Amérique du Sud et l'Europe, l'Eredivisie semble un championnat adéquat (réputée pour la formation de jeunes talents) avec une pression moindre qu'en Liga ou en Serie A. Et si le jeune homme s'adapte parfaitement bien sur le rectangle vert avec trois buts dès les deux premières journées de championnat, l'éloignement de son pays natal est plus dur à vivre malgré la présence de sa fiancée Nadia et de son ami et confident César.
« Évoluer aux côtés d'un footballeur aussi doué était un régal. Sa vitesse, sa mobilité, cette rapidité à enchaîner les mouvements font, de Ronaldo, un vrai phénomène. En disant cela, je n'apprendrai bien sûr rien à personne. » - Luc Nilis, son coéquipier au PSV
Pour ses débuts en Coupe d'Europe, il plante un triplé contre Leverkusen et impressionne l'expérimenté Rudi Völler (trente-quatre ans) qui déclare : « Jamais de ma vie, je n'ai vu un jeune de dix-huit ans jouer de cette façon. » mais cela n'empêche pas l'élimination des Boeren. En dépit de sa couronne de meilleur buteur des Pays-Bas avec trente buts, Ronaldo voit l'Ajax de son dauphin Kluivert (dix-huit buts) remporter le championnat. Ses dribbles, ses longues chevauchées depuis le milieu du terrain et ses nombreux buts éblouissent les nombreux commentateurs de l'époque comme Rob Smyth du Guardian qui écrit : « À bien des égards, Ronaldo a été le premier footballeur PlayStation. [...] Et le truc de sa signature, l'elastico, pouvait certainement venir d'un écran d'ordinateur ». Sa seconde saison est marquée (déjà) par un problème à l'articulation du genou gauche qui le laisse régulièrement sur la touche. Sa transformation physique (gain musculaire trop rapide) est en cause. Et sa présence en championnat chute à treize apparitions pour douze buts en raison d'une intervention chirurgicale, mais il gagne son premier trophée en Europe avec la KNVB Beker. Très vite, les offres de transfert affluent sur le bureau des dirigeants du PSV et finalement, la proposition record (19,5 M$) de Barcelone met tout le monde d'accord.
La confirmation au Barça
Avec ce transfert, Ronaldo entre dans une nouvelle dimension. À bientôt vingt ans, l'attaquant évolue désormais dans un championnat majeur du continent européen. Et, en dépit de l'adversité, il continue d'avoir un rendement élevé avec une belle collection de buts (quarante-sept toutes compétitions confondues). Son style de jeu basé sur la puissance, la vitesse et la résistance aux défenseurs adverses séduit les fans catalans. Sa technique lui permet d'évoluer dans de petits espaces et lui assure un contrôle total du ballon. Un but splendide illustre parfaitement le style Ronaldo lors de cette période catalane. Contre Compostelle, le Brésilien récupère le ballon dans sa moitié de terrain, il résiste à un premier adversaire qui tente de le retenir par le maillot et élimine un autre opposant d'un petit double contact. Libéré de son marquage, il file vers le but adverse et revient sur son pied droit à l'entrée de la surface. Dans un enchaînement surprenant de dribbles courts, il élimine le dernier défenseur et résiste au retour d'un autre joueur avant de tromper le gardien d'une frappe au ras du poteau. Sur son banc, Bobby Robson reste stupéfait par cette action géniale. Un but à la hauteur de ses illustres prédécesseurs au Barça tels que Cruyff, Maradona ou encore Romário.
« Je n'ai aucun doute. Ronaldo est le meilleur que j'ai vu de mes yeux. » - José Mourinho, à l'époque interprète au Barça
Lors de cette saison avec le Barça, il démontre une large palette technique dans la finition avec des réalisations différentes (tirs lointains, face à face avec le gardien, raids solitaires, penaltys et même des buts de la tête …). Souvent lancé en profondeur, à la limite du hors-jeu, il montre un sang-froid exceptionnel pour éliminer les gardiens et marquer dans le but vide. Bien que droitier, il n'est pas maladroit avec son pied gauche. Contre Valence, il claque un triplé face à Zubizarreta et, après son troisième but où il passe en force entre deux défenseurs, les spectateurs du Camp Nou agitent les mouchoirs blancs en guise d'admiration. Avec les Blaugranas, il obtient logiquement le titre de Pichichi avec trente-quatre buts et gagne la Coupe des Vainqueurs de Coupe contre le PSG (1-0, unique buteur de la rencontre sur penalty). Au centre de multiples spéculations, le Brésilien annonce son intention de rester en Catalogne une saison supplémentaire. Le président du FC Barcelone, Josep Lluís Núñez, est confiant et déclare dans la presse : « Il est à nous pour la vie ». Les négociations pour une prolongation de contrat avancent bien mais n'aboutissent pas. Un transfert devient alors inéluctable en dépit d'un contrat d'une durée initiale de huit ans signé douze mois auparavant. L'Inter Milan paie un montant supérieur (27 M$) à celui de la clause libératoire synonyme de record mondial et s'offre le prodigieux buteur auriverde.
Il Fenomeno
Si le style de jeu pratiqué en Espagne lui correspondait à merveille, certains commentateurs émettent des doutes sur sa capacité à performer dans un calcio plus tactique, où les espaces sont plus resserrés et les défenseurs plus rudes. Pourtant, Ronaldo met tout le monde d'accord. Insaisissable, il gagne son surnom de Fenomeno après une prestation XXL en coupe d'Italie contre Piacenza où il marque un triplé. À Milan, il devient encore plus complet en prenant en charge les coups de pied arrêtés (penalty et coup franc). L'attention focalisée sur lui par les défenseurs libère des espaces pour ses coéquipiers, il devient plus altruiste et délivre des passes décisives. En décembre 1997, il décroche le Ballon d'Or et, à vingt-et-un ans, devient le plus jeune lauréat de l'histoire de ce trophée depuis sa création en 1956 mais également le premier Brésilien depuis la mondialisation du trophée en 1995. En Serie A, Ronaldo marque à vingt-cinq reprises mais il est devancé par Oliver Bierhoff, le bomber allemand de l'Udinese (vingt-sept). Dauphin de la Juve avec notamment une défaite à Turin (1-0) teintée de scandale lors des ultimes journées de championnat, l'Inter se console néanmoins avec une victoire en Coupe de l'UEFA face à la Lazio (3-0). Le Sud-américain livre un match plein, donne des cauchemars à Nesta et marque un splendide but contre Marchegiani. Parfaitement lancé en profondeur, R9 se présente seul face au portier transalpin. À l'entrée de la surface, il déclenche une série de feintes de corps qui laisse Marchegiani sur les fesses et pousse tranquillement le ballon dans les filets pour sceller la victoire nerazzurra. Avec ce succès, il rafle sa deuxième coupe d'Europe en deux ans avec deux équipes différentes.
« Ronaldo était phénoménal. Il a prouvé qu'il était au-dessus de tout le monde cette saison-là. » - Youri Djorkaeff, son coéquipier à l'Inter à propos de la saison 1997/98
Lors de la saison suivante, l'Inter réalise un championnat très moyen (huitième) avec plusieurs changements d'entraîneur (quatre au total) malgré le renfort en attaque de Roberto Baggio. L'idée du président Moratti d'associer les deux Ballon d'or est séduisante sur le papier mais une inflammation aux tendons rotuliens des deux genoux handicape le Brésilien. Le duo ne peut donner sa pleine mesure en raison du temps de jeu restreint de Ronaldo. Pourtant, quand il est sur le terrain, l'international auriverde reste d'une efficacité létale pour les gardiens adverses, signant quatorze buts en dix-neuf matchs de championnat. Malgré ce déficit de minutes jouées, il parvient tout de même à devenir le meilleur buteur du club en championnat et toutes compétitions confondues. En fin de saison, il prend le capitanat en remplacement du vétéran Beppe Bergomi. Après le fiasco de l'année précédente, Moratti débauche Marcello Lippi pour diriger l'équipe et sort le chéquier pour s'offrir Bobo Vieri en provenance de la Lazio. L'attaque des nerazzurri est alléchante. Malheureusement, en novembre 1999, Ronaldo subit une première grosse blessure au genou (rupture partielle du tendon rotulien de la jambe droite) contre Lecce. Opéré par le professeur Saillant, il est absent pendant de long mois. De retour sur les terrains en avril 2000 lors de la finale aller de la coupe d'Italie contre la Lazio, il rechute seulement sept minutes après son entrée en jeu. Cette fois, le tendon rotulien du Brésilien a complètement cédé et nécessite une nouvelle intervention. Malgré ce coup du sort, le Brésilien déclare après l'opération : « Je reviendrai, bien plus fort qu'avant. Je n'en ai aucun doute ».
Même si son retour est d'abord estimé pour début 2001, il ne reprend la compétition qu'en septembre 2001 après de longs mois de rééducation. C'est un retour en pointillé. Gêné par des problèmes physiques mineurs, il ne participe qu'à dix rencontres de Serie A et seize en tout avec les Coupe d'Italie et de l'UEFA. Ronaldo démontre qu'il n'a pas perdu son sens du but avec sept réalisations toutes inscrites en championnat. Après plusieurs saisons mitigées, l'équipe dirigée par Héctor Cúper (adepte de la pesée hebdomadaire) est à la lutte pour le Scudetto. Le dénouement est épique. En tête avant la dernière journée, les Milanais se déplacent à l'Olimpico pour affronter la Lazio. Par deux fois, l'Inter mène mais se laisse rattraper et dépasser par son adversaire du jour. Avec cette défaite, le club de Moratti se fait doubler au classement par la Juventus et la Roma. Une énorme déception pour Ronaldo, filmé en larmes par la télévision italienne. Suite à ce dénouement hitchcockien, l'aventure milanaise du Brésilien prend fin quelques mois plus tard. Après une brillante Coupe du Monde 2002 remportée et au cours de laquelle il retrouve le très haut niveau (meilleur buteur avec huit buts) en réinventant son football, le Real Madrid passe à l'offensive. Dans un premier temps, Massimo Moratti ne veut pas céder son joyau dont il est absolument fan. Les conseillers du joueur entament alors une épreuve de force avec l'homme d'affaires transalpin. Finalement, malgré un prix initial fixé à cent millions d'euros, le deal est signé pour quarante-six millions d'euros. L'épisode interiste de Ronaldo laisse inévitablement un goût doux-amer et reste surtout dans les mémoires pour sa très belle période avant ses blessures.
Le galactique
Depuis sa prise de pouvoir en 2000, Florentino Pérez a une stratégie sportive ambitieuse. Elle consiste à signer des joueurs de classe mondiale générant d'important revenus pour amortir leur coût de transfert et améliorer les finances du club. Figo puis Zidane sont les premiers à s'engager avec les Merengues. Ronaldo est le troisième. Suivront Beckham, Owen et Robinho. Dès le premier jour de son arrivée, l'engouement est tellement important que les ventes de maillots battent tous les records. Cette décision de rejoindre le rival madrilène provoque quelques irritations chez les fans de son ancienne formation du Barça. Absent des terrains jusqu'en octobre 2002 en raison d'une blessure, l'impatience des supporters est considérable. Mais Ronaldo soigne ses débuts. Soixante et une secondes après son entrée en jeu, il ouvre son compteur madrilène face à Alavés. Auteur d'un doublé, il reçoit une standing ovation du Bernabéu à la fin du match. Le mois de décembre 2002 est chargé pour Ronaldo. Vainqueur de la Coupe Intercontinentale contre Olimpia (2-0), il est le premier buteur de son équipe et logiquement désigné meilleur joueur du match. Puis, il remporte un deuxième Ballon d'Or devant Roberto Carlos et Oliver Kahn. Pour sa première saison dans la capitale espagnole, son palmarès s'étoffe avec sa première Liga. Par rapport à ses débuts, son style est différent avec notamment moins de longues chevauchées, moins de ballons touchés mais davantage de présence dans la surface. Et une finition irréprochable avec vingt-trois buts en Liga et six en Champion's League dont un épatant triplé à Old Trafford où il reçoit une standing ovation.
« Pour ma génération, il était ce que Maradona ou Pelé étaient aux précédentes. Il était invincible. Au premier contrôle, il vous dépassait. Au deuxième, il vous brûlait. Au troisième, il vous humiliait. Il ressemblait à un extraterrestre. » - Fabio Cannavaro, champion du Monde et Ballon d'Or 2006
La saison 2003/04 s'ouvre par un succès en Supercoupe d'Espagne et elle est encore meilleure pour le Brésilien. D'un point de vue personnel, il améliore encore son total but et s'offre une seconde couronne de Pichichi avec vingt-quatre réalisations. Il se distingue contre l'Atlético de Madrid en signant l'un des buts les plus rapides de l'histoire du club après seulement quinze secondes et contre le Barça en assurant la première victoire au Camp Nou depuis vingt ans pour la Casa Blanca. Bien engagé sur plusieurs fronts, le Real Madrid s'effondre pourtant en fin de saison et perd toutes chances de titre (championnat, coupe nationale et coupe d'Europe). Cela coïncide avec la blessure de son buteur. Malgré un réalisme devant le but toujours aussi élevé lors de la saison 2004/05, Ronaldo ne gagne plus de trophées avec le Real. L'année suivante est plus mitigée. Si le Brésilien marque encore à quatorze reprises en vingt-trois apparitions, c'est la première fois depuis son arrivée dans la capitale qu'il n'atteint pas la barre des vingt buts. L'absence de victoire en Europe, dont l'histoire du club est très imprégnée, cristallise les critiques. Les médias lui reprochent une surcharge pondérale. Fabio Capello, de retour à Madrid dix ans après un premier passage réussi et nouveau manager du Real pour la saison 2006/07, pense sûrement la même chose puisque Ronaldo sort du XI titulaire et s'assoit plus régulièrement sur le banc. Frustré par son faible temps de jeu, il clôture son chapitre madrilène lors du mercato hivernal. En dépit de cette fin peu flatteuse, il laisse un très souvenir à Madrid à l'instar de Zinedine Zidane qui déclare : « Sans hésitation, Ronaldo est le meilleur joueur avec ou contre lequel j'ai jamais joué. Il avait une telle facilité avec la balle. Chaque jour où je m'entrainais avec lui, je voyais quelque chose de différent, de nouveau, de beau ».
Retour à Milan
Comme cinq ans auparavant lors de son arrivée à Madrid, Ronaldo crée à nouveau la polémique en signant avec les Rossoneri. Ce transfert est vécu comme une trahison par les tifosi et la direction de l'Inter. Et les déclarations du Brésilien n'apaisent pas leur colère : « Le Milan est un rêve ». Avec ce transfert, Ronaldo agrandit la liste des joueurs ayant joué à la fois pour l'Inter Milan et l'AC Milan. La colère de ses anciens tifosi va crescendo quand il rejoint également le club très fermé des buteurs ayant marqué pour les deux équipes rivales dans le derby della Madonnina comme Enrico Candiani, Aldo Cevenini, Zlatan Ibrahimović et Giuseppe Meazza. En raison du règlement UEFA, il ne peut prendre part aux matchs européens de sa nouvelle équipe puisqu'il a déjà évolué en Europe avec le Real. Ce trophée manque au palmarès de la star brésilienne et le Milan va au bout en battant Liverpool (2-1), revanche du Miracle d'Istanbul deux ans plus tôt. Avec sept buts en quatorze matchs, le Brésilien participe à la nouvelle qualification en C1 via la quatrième place du classement de Serie A. Cette première demi-saison est encourageante pour le joueur.
« Maldini avait peur de Ronaldo. Il me disait tout le temps : "Marcel reste à côté de moi, j'ai besoin de ton aide. Nous devons être deux sur lui. S'il prend la balle il va s'échapper et on le revoit plus". Ronaldo était fantastique, un magicien. On restait tous bouche bée quand il touchait le ballon. Le stade entier retenait son souffle. C'était la première fois que je voyais ça. » Marcel Desailly
Indisponible pour le début de la saison suivante, Ronaldo n'effectue ses débuts qu'en novembre 2007. Toujours handicapé par des problèmes musculaires récurrents et de poids, le Brésilien n'est pas dans sa meilleure forme et ne marque qu'un doublé face au Napoli. Ce sont les seuls buts de sa saison. Lors de ce match, le trio auriverde composé de Kaká, Alexandre Pato et Ronaldo est aligné pour la première fois. Blessé, il manque la Coupe du monde des clubs remportée face à Boca Juniors. Le destin le rattrape à nouveau. Huit ans après sa première blessure au genou droit, il rechute encore contre Livorno. Trois minutes après son entrée en jeu, le joueur de trente et un an se rompt le tendon rotulien du genou gauche. L'indisponibilité est estimée à neuf mois minimum et semble synonyme d'une fin de carrière prématurée. Mais si ce nouveau pépin physique grave signifie la fin de son contrat avec Milan, il ne reste libre que peu de temps. En contact avancé avec Flamengo, l'équipe qu'il supporte dans son enfance, un retour au Brésil se profile.