Kévin Boli, fils de Roger et neveu de Basile, est confiné en Roumanie dans la ville où il joue, à Cluj. Ou plutôt, où il jouait. Le pays est au point mort depuis mi-mars à cause de la crise sanitaire qui touche le monde entier. L’occasion de discuter avec lui de la situation actuelle, de son manque vis-à-vis du football mais aussi de son avenir incertain, tiraillé entre la Chine et l’Europe.

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Intérieurement tu te dis : "J’ai fait descendre le club"

Kévin, quelle est la situation actuelle en Roumanie ? 

C’est un peu comme partout en Europe. La crise sanitaire est présente. On est confiné chez nous depuis mi-mars et ça va encore durer jusqu’au 14 mai. Pour pouvoir sortir de chez soi, il faut remplir une attestation comme en France. Le confinement est plutôt bien respecté ici. Je vois peu de monde dehors. 

Comment le vis-tu ? 

Ça va. Je suis à la maison. Mais trois fois par semaine, par groupe de deux ou trois joueurs, on se retrouve au centre d’entraînement de Cluj pour maintenir notre condition physique. J’y retrouve mes coéquipiers français Mike Cestor et Billel Omrani. On fait du renforcement musculaire et on touche un peu au ballon.

Comment tu occupes tes journées à la maison ? 

Je joue à la PlayStation, à FIFA 20. Je regarde des séries… Étant donné que j’ai beaucoup de temps libre, je fais un peu de tout. 

Le championnat roumain s’est arrêté début mars, est-ce qu’une date de reprise est à l’étude ? 

Du côté des joueurs de Cluj, on n’a aucune nouvelle. On ne sait pas quand les entraînements collectifs reprendront. On patiente. 

« Pour moi, le football, ça se joue en présence des supporters »

Il reste huit matchs à jouer avant la fin de la saison. Serais-tu prêt à les jouer dans des stades à huis clos ou préférerais-tu un arrêt total du championnat ?

J’aimerais bien reprendre, mais reprendre sans les supporters… Pour moi, le football, ça se joue en leur présence. J’ai joué un match à huis clos avant le début du confinement (NDLR : au Gaz Metan, le 9 mars). C’était nul. Aucune ambiance. Si on devait reprendre la saison, ce serait davantage pour des raisons économiques, je pense. Des personnes sont plus à même de décider de ça. Elles prendront les meilleures décisions possibles.

Qu’en est-il de ton salaire ?

Dans les autres clubs, je ne sais pas comme ça se passe, mais dans le nôtre, on n’a aucune nouvelle de ce côté-là. Je continue à être payé normalement. 

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Tu as joué ton dernier match le 9 mars, il y a maintenant plus d’un mois. Est-ce que le foot te manque ou est-ce plutôt une occasion de penser à autre chose ?

C’est un gros manque. Le football est une sorte de routine. Là, sans lui, ma vie est complétement différente. Je me rends compte qu’après ma carrière, il faudra vraiment que je fasse quelque chose qui me plaise. Mais d’un côté, ça me laisse du temps pour faire des choses que je n’ai pas l’habitude de faire. Par exemple, je lis davantage et passe plus de temps en vidéo avec ma famille. Sans forcément toujours échanger, et tout en faisant autre chose en même temps, on reste ensemble, et ça fait du bien. 

Revenons-en à ta saison avec Cluj, quel bilan peux-tu tirer alors que les deux tiers ont été joué ?

Justement, le plus important allait arriver : les play-offs. J’aurais aimé terminer la saison et finir sur un titre de champion. On était bien parti avec quatre points d’avance sur le second (NDRL : le FCSB, connu chez nous sous le nom de Steaua Bucarest). 

Vous avez été éliminés en seizièmes de finale de l’Europa League par le FC Séville après un brillant parcours en phase de groupes (deuxième derrière le Celtic mais devant la Lazio et le Stade Rennais), vous sentiez qu’il y avait un moyen d’aller plus loin dans la compétition ?

Le FC Séville est une très grosse équipe. C’est vraiment costaud. Sur deux matchs, on a su rivaliser (NDLR : 1-1 à l’aller en Roumanie, 0-0 au retour en Espagne). On a marqué un but à la fin du match retour, malheureusement annulé par le VAR. Ça nous a mis un coup au moral. Mais je pense qu’on peut être fiers de ce que nous avons réalisé. On a su leur tenir tête et avec un peu plus de courage, ça aurait pu le faire. 

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« Au Guizhou Hengfeng, je restais en marge du groupe. Je cherchais une porte de sortie vers l’Europe »

Est-ce que ton prêt à Cluj t’a permis de reprendre confiance en toi après quelques mois difficiles en Chine, au Guizhou Hengfeng ?

J’ai toujours eu confiance en moi. Mais c’est vrai que mon passage en Chine a été très difficile. Je n’étais pas qualifié avec mon équipe. Je restais en marge du groupe. Je cherchais une porte de sortie vers l’Europe et ça s’est fait en rejoignant Cluj, mais très tard, début septembre 2019. Je n’ai pas pu faire de préparation donc j’avais un déficit physique. Mais j’ai été mis directement dans le bain et quinze jours plus tard je jouais contre la Lazio en Europa League. 

Tu es prêté par le Guizhou Hengfeng à Cluj jusqu’au 30 juin et tu es sous contrat avec le Guizhou jusqu’au 31 décembre 2020. Est-ce que tu en sais plus sur ton avenir ?

Avant que la pandémie se déclare je n’en avais pas la moindre idée. Mais alors là, avec ce qui se passe, encore moins. Je devais rentrer en Chine au mois de juillet. Si la saison reprend en Roumanie et déborde après juin, je ne sais pas comment ça va se dérouler. 

Dans l’idéal tu aimerais rester en Europe ou revenir en Chine ?

Au Guizhou, ils ne comptent pas sur moi. Donc à moins que j’aille dans un autre club en Chine, ça m’étonnerait que j’y retourne. La meilleure solution serait de trouver un autre club. 

Pourquoi pas Cluj ?

Oui. Pourquoi pas. Je m’y sens bien.

Jordan Bozonnet
Jordan Bozonnet
Journaliste sportif. Suit l’essor du football exotique pour @LucarneOpposee. Passé par @TournoiMRevello, @ledauphine et @oetl. 👨🏼‍🎓@EDJ_Nice.