Après avoir beaucoup parlé anglais, retour en Espagne pour notre cinquième épisode de l’histoire d’un nom. Il y est aujourd’hui question d’une grande maison blanche.

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Potosí, « Tonnerre » en Quechua, trône au cœur de la Bolivie à plus de 4 000 mètres d’altitude. Située au pied du Cerro Rico, gisement d’argent culminant à près de 5 000 mètres, la cinquième plus haute ville du monde est notre hôte du jour pour le cinquième numéro de l’histoire d’un nom.

Du minerai d’argent aux meringues

Le 1er avril 1986, la Academia de Fútbol Real Potosí est créée dans la ville et fusionne avec le club d’un an son ainé de la Banco Minero (BAMIN) pour devenir le Real Bamin Potosí. Pendant près de cinquante ans, le club avait traversé les championnats boliviens sans véritablement faire parler de lui. Il change de direction (dans tous les sens du terme) lorsque suite à la crise touchant les compagnies minières locales, un espagnol, Samuel Blanco, entre au capital du club.

Samuel Blanco est arrivé dans la capitale impériale à l’âge de dix-sept ans et y a débuté son histoire d’amour. Ouvrier dans quelques industries locales puis homme d’affaire dans l’industrie minière, il va reprendre le club au milieu des années quatre-vingt-dix alors qu’il végète en seconde division. Supporter du Real Madrid, il décide alors de changer le nom du club qui devient Real Potosí et lui offre alors un nouveau logo qui n’est qu’un copier – coller de celui de son club de cœur, remplaçant les lettres MCF au cœur du logo espagnol par une représentation du Cerro Rico. C’est ainsi que le club devient les « lilas » arborant un maillot violet qui n’est pas sans rappeler celui du Real Madrid. Si le club espagnol a un temps décidé de s'en prendre à un club amateur suisse (voir ici), pour l'instant sa copie bolivienne est passée à travers les mailles du filet. Reste qu'après le changement de nom, l’histoire accélère. Accédant à la première division en 1998, le club connait le succès dans la première décennie du XXIème siècle : en décembre 2001, une courte victoire face à Jorge Wilstermann offre au León Imperial sa première qualification à une Copa Libertadores, enchaînant une série de trente-et-un matchs sans défaite entre juillet 2005 et mars 2007, le Real Potosí décroche son premier (et unique) titre national lors de l’Apertura 2007. Il devient une valeur sûre du championnat pendant quelques saisons jusqu’à ce que son président à vie, Samuel Blanco, ne doive céder sa place pour raisons de santé l’obligeant à quitter la ville et son altitude pour aller s’installer à Santa Cruz de la Sierra. Depuis, le Real Potosí est rentré dans le rang. Après six participations à la Libertadores et deux à la Sudamericana, il fera son retour dans la seconde compétition continentale cette année après deux saisons d’absence.

Masques à oxygène

L’une des particularités du club est son stade. Perché à 3960 mètres d’altitude, l’Estadio Víctor Agustín Ugarte doit son nom actuel est un hommage à l’un des plus grands joueurs de l’histoire du football bolivien, buteur de la sélection nationale dans les années quarante et cinquante (double buteur lors de la « finale » de la Copa América 1963, seule victoire bolivienne dans l’histoire de la compétition). Surnommé el nido de los cóndores, le stade est au cœur des polémiques en 2007 lorsque le club potosino reçoit Flamengo. Après avoir arraché un miraculeux 2-2 (lui aussi marqué par quelques polémiques arbitrales), le club brésilien, qui avait passé son temps à sortir les masques à oxygène pendant toute la rencontre, annonce alors qu’il refusera désormais de se déplacer de nouveau en cas de matchs en altitude. L’affaire fait grand bruit, la CONMEBOL et la FIFA sont saisies, Pelé intervient dans les médias pour faire annuler ce résultat. Rien n’y fera, soutenu par Evo Morales et Diego Maradona, le Real Potosí gagne son bras de fer et accessoirement la fierté des Boliviens. Le résultat nul sera le seul du Mengão pendant la phase de groupes de la Libertadores 2007.

Cinq ans plus tard, emmenés par Ronaldinho, Flamengo, surnommé par les supporters du club bolivien « el equipo del ‘nunca más’ » fait son retour à Potosí. Il y perdra 2-1 et arrachera sa qualification pour la phase de groupe au retour sur un but de sa star à la 90e minute.

Potosí et les contrefaçons

Comme toute grande ville sud-américaine, Potosí  possède son Clásico. Le Clásico Potosino oppose ainsi le Real au Nacional créé quelques mois après le León Imperial. La singularité de ce Clásico est qu’il oppose deux rois de la copie. Car l’autre club de la ville a choisi une autre source d’inspiration à l’heure de définir son nom, ses couleurs et son écusson. Souhaitant reprendre les couleurs de la ville, le rouge et le blanc, les membres fondateurs du Nacional ont tout simplement repris le logo et l’appellation d’un géant sud-américain : River Plate. C’est ainsi qu’à chaque fois qu'ils se crosent, le Real Madrid bolivien peut défier le Club Atlético Nacional Potosi, le River Plate local. Offrant ainsi un duel aux parfums d’intercontinentale et ainsi l'occasion d'enflammer le stade le plus haut du monde.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.