Après avoir voyagé au gré des copies d’inspiration européenne, place désormais à un club au nom souvent sujet aux jeux de mots en France mais qui pourtant possède des connections avec notre pays bien plus évidente qu’on veut bien le croire.

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A l’origine du nom du Club Atlético Lanús, rien de bien original. Le club le doit à son lieu de naissance, la cité de Lanús située dans la province de Buenos Aires (pour l’anecdote, Diego Maradona y est né). Son lien avec la France, le club le doit à l’origine du nom de la ville : Anacarsis Lanús. Riche commerçant argentin qui fera fortune lors de la guerre contre le Paraguay (la guerre de la Triple Alliance), Anacarsis Lanús est le fils de Jean Lanusse Casenave, béarnais qui a migré en Argentine en 1814, et dont l’orthographe du nom changera pour adopter l’actuelle. Homme le plus riche du pays, Anacarsis Lanús bâtit sa ville en périphérie de Buenos Aires et lui laissera son nom.

Le 3 janvier 1915, Lanús United, alors en grande difficulté financière, fusionne avec le club de Progreso (qui ne pratiquait alors pas le football) pour former une nouvelle institution dans la ville, héritière du Lanús Athletic Club, disparu 16 ans plus tôt et qui reste dans l’histoire pour avoir vu jouer Juan Brown, l’un des membres de la dynastie des Brown à l’origine de l’émergence du football en Argentine (voir Quand les Écossais ont donné naissance au football argentin). Le Club Atlético Lanús voit alors le jour. Quelques jours plus tard (le 7), son comité directeur est formé, parmi eux, Carlos Pointis, architecte de métier est chargé du choix des couleurs et du dessin de l’écusson. L’origine de ses couleurs prête encore à débat. Une version prétend que la couleur grenat vient des origines espagnoles de certains fondateurs du club et plus précisément de la ville de Pontevedra. Une seconde version prétend aussi que Pointis, qui cherchait un maillot se démarquant de tous ceux portés à l’époque par les différents clubs des environs, est revenu d’Europe avec un maillot grenat. Celle-ci est alimentée par des écrits indiquant qu’à ses débuts, le CA Lanús jouait en rouge avec des manches blanches jusqu’au voyage entrepris en 1927. Quoi qu’il en soit, ce maillot à la couleur si unique en Argentine va lui donner son surnom, Le Granate.

La polémique à l’origine de l’époque dorée

Aux débuts du professionnalisme, le Granate ne brille pas de mille feux. Avant-dernier en 1931, quelques années plus tard, il est contraint de fusionner un temps avec Talleres de Escalada, fusion qui donnera naissance à son maillot extérieur blanc à bande grenat horizontale.

Pendant près de 18 ans, le club reste dans l’élite argentine jusqu’à la polémique de 1949. Alors avant-dernier, le Granate précède Boca Juniors, déjà un géant local. Ayant fait tomber les Xeneizes 3-0 à l’aller, Lanús se retrouve alors en danger après sa défaite 5-1 à la Bombonera lors de la dernière journée. Au point de devoir jouer un match d’appui pour la survie avec Huracán. A l’aller, le Globo s’impose 1-0 sous la controverse d’un arbitrage contesté par les hinchas du Granate, mais s’incline lourdement 4-1 au retour. On doit alors jouer un troisième match pour départager les deux clubs. C’est alors que la polémique intervient. Lors de ce troisième match, alors que les deux équipes sont à égalité 3-3, l’arbitre anglais de la partie annule le 4e but pour le Globo. Fureur des joueurs d’Huracán qui décident alors de quitter le terrain. Alors que le Granate devait se voir donné match gagné, la fédération donne raison aux joueurs du Globo. On rejouera un quatrième match ! Celui-ci sera également riche en controverses, la plus importante lorsqu’à 3-2 pour Huracán, l’arbitre donne un penalty au Globo. Les joueurs du Granate décident alors à leur tour de quitter le terrain. Quelques jours plus tard, la fédération donnera match perdu à Lanús qui se retrouvera alors en seconde division.

C’est sur cette base de polémique et ce sentiment d’injustice que le club va se reconstruire et revenir plus fort. D’autant plus fort que Lanús décroche ses premiers succès dans les années 50 : dès son retour en première division, le club surprend son monde et bouscule les grands au point de se faire surnommer Los Globetrotters lorsqu’en 1956, emmené par le trio Nicolas Daponte, Juan Hector Guidi et José Nazionale au milieu, le Granate sera à la lutte pour le titre avec le grand River de Sivori. S’en suivra une longue période de descente aux enfers, le club se retrouvant même en troisième division nationale dans les années 70. Puis, au début des années 90, le club se reconstruit petit à petit et retrouve l’élite après une incroyable finale disputée face à Quilmes (défaite 1-0 à l’aller, victoire 4-1 au retour avec notamment le 100e but au club de Gilmar Gilberto Villagrán) et va ensuite se stabiliser connaissant une nouvelle ère de gloire sous la direction d’Héctor Cúper. Le Granate passe alors tout près du titre lors du Clausura 1996 (leader à trois journées de la fin, le Granate s’effondrera) et surtout remportant alors son premier titre continental : la Copa CONMEBOL (sorte d’ancêtre de la Sudamericana). Avec l’entrée dans le XXIème siècle, le club devient une valeur sûre du paysage argentin, décroche son premier titre national en 2007, participe à sa première Libertadores en 2008 (il a depuis disputé 5 des 8 dernières éditions), termine trois fois vice-champion d’Argentine et surtout remporte la Copa Sudamericana 2013. De cette formidable saison 2013 qui a ainsi vu le Granate de Guillermo Barros Schelotto échouer d’un rien dans sa quête de titre national mais triompher sur le continent, le club en garde un héritage vivace, celui d’être devenu une référence au pays. S’inclinant de peu en finale d’une Recopa Sudamericana 2014 de toutes les folies (une folle défaite 4-3 au Mineirão), le club atteint les quarts de finale de la Libertadores suivante, signant le meilleur parcours de son histoire. Après avoir célébré son centenaire, Lanús va de nouveau briller au pays. Sous la conduite de Jorge Almirón, le Granate séduit et marche sur l’Argentine, décrochant son deuxième titre national après avoir donné une leçon de football à San Lorenzo en finale (lire Argentine – Primera División 2016 : Lanús magnificis) avant de confirmer lors de la finale de la Copa Bicentenario face au Racing et de conduire le club à une historique finale de Libertadores l'année suivante. De quoi définitivement installer le Granate dans les valeurs sûres de la Primera División argentine, de quoi surtout faire taire toutes les envies de moqueries.

L’étonnant cousin italien

Fort de ses 102 ans d’histoire, le Club Atlético Lanús ne doit donc rien à l’Europe si ce n’est l’origine française de son nom. Pourtant, le Granate possède un cousin germain avec qui il n’a pourtant aucun rapport. Le 17 février 1915, l’Unione Sportivo Livorno voit le jour à Livourne en Italie. Le club porte les mêmes couleurs grenat qu’il emprunte à sa ville, poussant le vice jusqu’à porter des maillots quasi-identiques au Granate dans les années 50, la quasi-gémellité entre les deux clubs se poursuivant jusque dans l’écusson.

Si aucune évidence d’un lien entre les deux équipes n’a encore été apportée (on peut par exemple se demander dans quel pays d’Europe, le fameux maillot grenat a été rapporté en Argentine), il n’en demeure pas moins que cet étonnante similarité, perpétuée au fil des années est un cas quasi-unique d’évolution parallèle. Ne reste plus aux deux clubs qu’à se rencontrer.  

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.