Après vous avoir permis de découvrir les origines du nom du Club Atético Lanús, notre septième épisode de l’histoire d’un nom s’attaque à un autre club dont le nom prête aux blagues les plus fines chez nous, le Club Atlético Colón.

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Comme bien des clubs sud-américains, l’histoire de la naissance du Club Atlético Colón est liée à une bande de gamins désireux de jouer au football. Nous sommes à Santa Fe au début du XXème siècle quand un groupe d’amis décide de se regrouper derrière un club commun sans qu’aucun d’entre eux n’ait de réelle idée de ce que cela peut signifier ou impliquer. Le tournant se situe en 1905 lorsque Ricardo Cullen Funes est chargé par la bande de lui procurer maillots et ballons. Car dans le même temps, il sera celui qui va donner un statut légal à l’association de la bande et donner naissance au club. Ne reste qu’à trouver date de fondation et nom.

Ricardo Cullen Funes est le fils de Doña Manuella Funes de Cullen, catholique convaincue qui a énormément œuvré dans l’évangélisation des gosses du quartier à la fin du XIXème siècle. C’est dans sa maison que la bande, alors âgée de 8 à 14 ans, avait décidé de fonder ce club et avait eu son soutien, celle-ci appliquant alors à la lettre les recommandations du Congreso Nacional Católico y del Congreso de los Hermanos Franciscanos invitant aux fidèles à encourager ce type d’initiatives. A l’heure de choisir la date de fondation du club, Ricardo propose alors à la bande un symbole, la date de naissance de sa mère, le 5 mai. La bande approuve, la date est alors entérinée.

Le choix du nom est rapide. Alors que les débats sont animés, Anibal Rebechi et son cousin pensent alors à ce qu’ils étudient en histoire : la découverte des Amériques par Christophe Colomb ou, en VO, El Descubrimiento de América por Cristóbal Colón. Colón Football Club est ainsi choisi, il deviendra Club Atlético Colón dans les années 20. Vient alors le choix des couleurs qui donne lieu à une anecdote amusante. Au moment de choisir les couleurs du club, ils décidèrent de choisir celles d’un drapeau porté par un bateau accosté à proximité du lieu où ils jouaient : rouge et noir. Mais, au moment de placer ces couleurs sur le maillot, le tailleur, basé à Rosario qui avait été dépêché pour l’occasion fît une erreur, plaçant le rouge à gauche, le noir à droite (les fondateurs voulaient l’inverse). Les couleurs furent conservées allant même jusqu’à organiser un match décisif face à un autre club de Santa Fe qui en portait des similaires pour décider qui aurait alors le droit de les porter. Dans l’esprit populaire, le club va alors devenir el Sabalero, pour des raisons encore incertaines : soit par le fait que ses premier supporters étaient principalement des pêcheurs locaux de la rivière Salado située à proximité du premier stade du club et qui vivaient de la pêche des aloses (Sabalos), soit suite à l’inondation de 1905 qui recouvrît le terrain de nombreuses aloses.

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Des sommets des ligues santafesina à l’anonymat des ligues nationales

A ses débuts, Colón n’est affilié à aucune organisation ce qui a pour conséquence de contraindre le club qu’à ne disputer que des rencontres amicales. La frustration que cela génère finit par pousser les joueurs à faire les démarches pour être affilié à la Liga Santafesina et ainsi rejoindre sa deuxième division. C’est chose faite en 1912, Colón organise alors une rencontre amicale face à Unión, club de première division santafesina pour célébrer le tout et s’impose 6-0 ! C’est ainsi que naît le Clásico santafesino, l’un des matchs les plus féroces du pays (rappelons qu’avec Rosario et La Plata, Santa Fe est la seule ville du pays où la popularité de ses deux grands clubs dépasse la popularité de River et Boca). Devant l’ampleur du score, la Liga Santafesina décide alors d’intégrer Colón directement à sa première division. Excellent choix car pour sa première participation, le Sabalero est champion invaincu. 14 autres titres suivront pendant les 30 années de présence du CA Colón à la Liga Santafesina. Les succès permettent au club de gagner en popularité et, en 1948, il décide alors de rejoindre l’AFA et ainsi postuler aux championnats nationaux.

Malheureusement pour ses supporters, l’arrivée sur le plan national va signifier la fin des succès et pire, une tombée dans un relatif anonymat. Colón ne va en effet guère briller, ne remportant qu’un titre de seconde division au cœur des années 60, années qui vont pourtant marquer le club à tout jamais.

Le 10 mai 1964, alors que Colón vient de célébrer son accession à la Primera B, le club accueille un invité de marque pour une rencontre amicale, le Santos du Roi Pelé. Double champion du monde en titre, le Peixe est en tournée en Argentine et s’impose quel que soit l’adversaire jusqu’au moment de venir affronter cette modeste équipe tout juste promue en Primera B à l’Estadio Brigadier General Estanislao López. Si Pelé en personne ouvre le score d’entrée de partie, Colón réussit l’exploit de s’imposer 2-1. Après avoir fait tomber Peñarol ou Millonarios quelques années plus tôt, c’est au tour de Santos de tomber au Brigadier. Le stade devient alors le Cimetière des Eléphants, el Cementiero de los Elefantes en VO.

Reste que les années passent et Colón demeure un anonyme du paysage national, luttant pour sa survie quand il n’évolue pas dans les divisions inférieures. Le club connaîtra une nouvelle embellie à la fin des années 90 où grâce aux buts d’Esteban Fuertes, le club dispute une demi-finale de Copa CONMEBOL perdue face à Lanús en 1997 (club avec lequel ses hinchas entretiennent une réelle amitié – cela ne s’invente pas), année où le Sabalero luttera jusqu’au bout pour le titre face à River, connait sa première participation à la Libertadores l’année suivante, et joue les premiers rôles au début des années 2000 sous la conduite d’Osvaldo Piazza puis connait de nouveau les joutes continentales (il dispute notamment la Copa Sudamericana 2003 sous la direction d'Edgardo Bauza). Le club de Santa Fe vit une de ses plus belle période. Troisième de l'Apertura 2009, deuxième de l'Apertura 2011 (avec le Racing, Belgrano et Vélez), le Sabalero dispute la Libertadores 2010, la Sudamericana 2012 (éliminé en huitièmes par le Cerro Porteño) et termine l'année 2012 classé au 6e rang argentin par l'IFFHS. Malheureusement pour lui, 2012 est la dernière année de joie. Le club va alors sombrer.

En 2013, le club est sanctionné par la FIFA pour un transfert impayé entre le club et Atlante, le club mexicain. Amputé de 6 points, Colón se retrouve dans la zone rouge à devoir lutter pour ne pas descendre. Malheureusement, la crise est profonde. Lors de la 16e journée du Torneo Inicial, les joueurs refusent de rentrer sur le terrain, protestant ainsi suite aux salaires impayés qui s’accumulent (voir Argentine : suspense et confusion). Le président Germán Lerche démissionne. Malgré un Torneo Final 2014 héroïque disputé en grande partie avec des gamins du club sous la direction de Diego Osella, Colón termine à la septième place mais, pour à égalité de points avec Rafaela au promedio, doit passer par un desempate pour se sauver. Malheureusement, au Gigante de Arroyito, malgré la présence de 20 000 hinchas, Colón s'incline 1-0 et se retrouve en Primera B. Nombreux sont ceux qui imaginent alors voir le club disparaître. Placé sous contrôle administratif, il va pourtant se relever. De retour en Primera A à la faveur de la réorganisation des tournois argentins qui lui permet de faire partie des 10 promus cette année grâce à une dernière victoire face à Boca Unidos avec notamment un but de sa jeune pépite, un certain Lucas Alario. Il n'est plus redescendu depuis.

Gloire continentale

Colón n’est pas seulement de retour dans l’élite, tel un phénix, il renait encore plus fort. En 2017, le Sabalero termine à la onzième place de la Superliga et se qualifie ainsi à un tournoi continental : la Copa Sudamericana. Six ans après sa dernière apparition sur le continent, pour sa troisième participation à la Sudamericana, le Sabalero se hisse jusqu’en huitièmes, sorti par le futur finaliste Junior, mais signe un exploit. Un but de Matías Fritzler éteint le Morumbi lors du deuxième tour, pour la première fois de l’histoire São Paulo s’incline chez lui face à un Argentin. Une série de trente matchs sans défaite, face à des géants tels que Boca, River, Independiente ou encore Estudiantes, San Lorenzo ou Vélez, prend fin face à Colón et sa septième participation à une épreuve continentale. L’exploit est grand, il n’est rien face à celui réalisé un an plus tard.  

De nouveau onzième de Superliga, le Sabalero retrouve la Sudamericana. Après avoir écarté Deportivo Municipal et le River Plate uruguayen, il se retrouve de nouveaux en huitièmes de finale. Mais cette fois, il enchaîne : Argentinos Juniors sorti aux tirs au but arrachés à la 89e minute au retour, Zulia balayé en quarts, emmené par el Pulga Luis Miguel Rodríguez, Colón décroche une historique finale continentale en sortant l’Atlético Mineiro au Brésil au terme d’une année qui symbolise tant ce qu’est ce club (lire Copa Sudamericana 2019 : entrer dans l'histoire). Et si la finale sera finalement perdue, rien ne sera plus comme avant. La prestation de Los Palmeras reprise par la hinchada à la Nueva Olla d’Asunción a fait le tour du monde, depuis ses origines modestes, le Club Atlético Colón a traversé l’histoire du football argentin oscillant entre parcours tout aussi modeste et exploits démesurés pour désormais entrer sur la carte mondiale. Qu'importe les vents contraires, le Sabalero résiste encore et toujours, éternel jeune centenaire. Preuve qu’au Cimetière des Eléphants, le peuple rouge et noir n’est pas prêt de mourir.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.