En 2016, l’Internacional était relégué en deuxième division brésilienne avant de revenir parmi l’élite pour se qualifier pour la Copa Libertadores 2019. Retour sur une histoire commencée cent-dix ans auparavant, le 4 avril 1909.

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De la fondation aux premiers titres

Au début du XXe siècle, trois frères, Henrique Poppe Leão, José Eduardo Poppe et Luiz Madeira Poppe arrivent à Porto Alegre en provenance de São Paulo. Ils veulent continuer la pratique du football, mais les seuls clubs de la ville sont réservés aux descendants d’Allemands. D’origine italienne, les frères Poppe fondent alors un nouveau club qu’ils nomment l’Internacional, en hommage au club de São Paulo du même nom, et pour montrer que le club est ouvert à toutes les nationalités. L’Internacional est donc une histoire de famille, d’autant plus que Henrique Poppe Leão, journaliste et écrivain, joueur et président de l’Internacional en 1910, se marie avec Maria da Conceição, fille du capitaine de l’armée et président d’honneur du club, Graciliano Ortiz. Henrique Poppe Leão, le frère le plus âgé et qui organise réellement le club, meurt subitement en 1916, à l’âge de 34 ans. L’Internacional attendra trois mois après sa fondation pour disputer son premier match, contre Grêmio, qui deviendra son plus grand rival. Les débuts sont catastrophiques pour l’Internacional avec une défaite 10-0, plus large défaite de l’histoire du GreNal. L’Inter remporte ses premiers championnats citadinos à partir de 1913, un championnat auquel ne prend pas part Grêmio. L’Internacional perd ses six premiers matchs contre Grêmio avant une victoire 4-1 en 1915 puis un 6-1 en 1916 avec six buts de Vares. L’Internacional remporte son premier championnat gaúcho en 1927 et s’impose comme l’un des plus grands clubs de Porto Alegre.

Le Rolo compressor

De nouveau sacré en 1934, l’Internacional devra attendre les années 1940 pour dominer la scène régionale. En 1938, Carlitos débute sous le maillot de l’Inter à seulement seize ans. Deux semaines après ses débuts, pour son premier GreNal, Carlitos marque un but et délivre deux passes décisives lors du match nul 4-4. Carlitos ne connaîtra que le maillot de l’Internacional au cours de sa carrière, pour qui il marque 485 buts dont 42 buts dans le GreNal, deux records jamais battus. Russinho arrive à l’Internacional en provenance du Grêmio en 1938, Tesourinha rejoint le club un an plus tard, lançant les débuts du Rolo Compressor. À cette époque, le championnat gaúcho est disputé entre les vainqueurs des championnats de plusieurs régions du Rio Grande do Sul. Entre 1940 et 1945, l’Internacional vient à chaque fois à bout du Grêmio pour remporter le championnat citadino, avant de systématiquement remporter le championnat gaúcho. L’Internacional en profite pour dépasser Grêmio dans le nombre de victoires dans le GreNal.

En 1946, l’Internacional laisse son titre au Grêmio mais reprend ses bonnes habitudes dès l’année suivante, Carlitos marquant le but du titre sur coup franc. L’Internacional conserve son titre en 1948 avant un tetracampeonato entre 1950 et 1953. Entre-temps, Carlitos prend sa retraite à 29 ans avec un total irréel de 485 buts en 384 matchs. En 1953, l’Internacional bat deux fois le Peñarol d’Obdulio Varela, d’abord au Centenario puis au stade d’Eucaliptos et l’Inter se renouvelle avec des joueurs comme Larry, Bodinho et Canhotinho. Pour l’inauguration du stade Olímpico Monumental du Grêmio, les deux clubs rivaux se retrouvent en finale d’un tournoi amical. L’Internacional s’impose 6-0 avec quatre buts de Larry. L’Inter s’offre d’autres victoires de prestige, face au Botafogo de Garrincha, le Santos de Pelé ou encore l’Étoile rouge de Belgrade, mais remporte seulement le championnat gaúcho en 1955 et 1961, laissant les cinq titres intermédiaires au Grêmio. L’Internacional lance ensuite la construction de son nouveau stade, le Beira-Rio. L’argent du club passe dans le nouveau projet et l’équipe est moyenne, donnant naissance à la blague : « À l’Inter, on supporte les maçons ». Le rival Grêmio en profite pour réaliser un inédit heptacampeonato (sept titres consécutifs) entre 1962 et 1968.

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La décennie dorée

L’Internacional ne le sait pas encore, mais il fera encore mieux que Grêmio. Le dernier GreNal disputé au stade Eucaliptos a lieu en 1968 et se termine sur le score de 1-1, avec pour l’Inter un but de Valdomiro, arrivé peu de temps auparavant. D’abord critiqué et sifflé par les supporters, Valdomiro s’impose comme une légende du club à force d’entraînement, même les jours fériés ou jours de match, s’entraînant avec des poids aux chevilles pour être plus léger en match. En quatorze ans au club, Valdomiro devient le joueur le plus capé de l’histoire du club avec plus de 800 matchs disputés et le meilleur buteur du Beira-Rio avec cent buts. La même année 1968, un jeune prodige de quatorze ans du nom de Falcão signe au club. Falcão fait partie des 100 000 personnes qui assistent à l’inauguration du Beira-Rio lors d’un match entre l’Internacional et Benfica en avril 1969. Claudiomiro, un attaquant formé au club et qui a fêté ses dix-neuf ans trois jours plus tôt, marque le premier but de l’histoire du Beira-Rio. Malgré l’égalisation d’Eusébio, l’Internacional remporte un premier succès dans son stade. Claudiomiro fera les beaux jours de l’Inter jusqu’en 1974, marquant 210 buts en 424 matchs. Il manque encore un défenseur à cette équipe de rêve, il arrive en 1971 en provenance de Peñarol, il est chilien et s’appelle Elías Figueroa. Dès son arrivée, le vice-président Eraldo Hermann parle du « plus grand transfert de l’Inter de tous les temps ». Capitaine dès son premier match, Figueroa est élu meilleur défenseur d’Amérique du Sud en 1974, 1975 et 1976. Avec les débuts de Falcão et le recrutement du gardien Manga, l’Internacional écrase la concurrence, remportant huit fois de suite le championnat gaúcho entre 1969 et 1977. L’Internacional est invaincu dans le GreNal d’octobre 1971 à juillet 1975, soit dix-sept matchs sans défaite. À domicile, l’Internacional est invaincu pendant 48 matchs entre 1973 et 1975. Lors du championnat gaúcho 1974, l’Internacional remporte les dix-huit joués, encaissant seulement… deux buts. L’Internacional conquiert aussi l’Europe avec la première tournée du genre en 1975 : treize victoires, un match nul, cinquante buts marqués, un but encaissé.

Entraîné par Rubens Minelli à partir de 1974, le club domine le Rio Grande do Sul, l’Europe mais aussi le Brésil, une première pour un club gaúcho. Lors du Brasileirão 1975, l’Inter écarte le Fluminense de Rivelino devant près de 100 000 personnes au Maracanã avant d’affronter Cruzeiro en finale. Au Beira-Rio, Figueora marque le seul but du match, de la tête sur un coup franc de Valdomiro. L’Internacional et Cruzeiro se retrouveront lors de la Copa Libertadores 1976 pour livrer un duel historique, remporté 5-4 par Grêmio. La même année, l’Internacional s’endette pour recruter Dadá Maravilha. Dans son style caractéristique, Dadá déclare à son arrivée à l’aéroport : « Avec Dadá en action, des buts à profusion ». Après un seul match, une victoire 3-0 contre Esportivo avec un but de Dadá, le prêt est déjà remboursé. L’Internacional atteint une nouvelle fois la demi-finale du Brasileirão en 1976. L’Atlético Mineiro ouvre le score avant l’égalisation en seconde période de Batista, d’une lourde frappe en dehors de la surface. Dans le temps additionnel, après une ouverture de Figueroa, Falcão réalise un exceptionnel double une-deux de la tête avec Escurinho avant de tromper Ortiz d’une reprise de volée. Golaço. En finale, l’Internacional vient à bout du Corinthians grâce à des buts de Dadá Maravilha et Valdomiro. Dadá termine meilleur buteur, Figueroa termine meilleur joueur, l’Inter termine champion. L’entraîneur Rubens Minelli gagnera en 1977 un troisième Brasileirão consécutif, mais du côté de São Paulo, l’Internacional, handicapé par le départ de Figueroa, étant éliminé au deuxième tour. En 1979, l’Internacional retrouve Palmeiras en demi-finale du Brasileirão pour une revanche de la saison précédente au même tour de la compétition. Avant le match, le journal pauliste Jornal da Tarde titre « Mococa ou Falcão ? » du nom des deux milieux de terrain de Palmeiras et de l’Inter. Palmeiras mène 2-1 avant deux buts en cinq minutes de Falcão lors de la seconde période. Victoire 3-2 pour l’Internacional. Le lendemain, le même Jornal da Tarde titre : « Falcão, évidemment ». En battant en finale Vasco avec un nouveau but de Falcão, l’Internacional devient le premier et toujours unique club à remporter le Brasileirão en étant invaincu, avec seize victoires et sept matchs nuls en vingt-trois matchs. Seul regret pour cet Inter, les déceptions en Libertadores, à l’image de la finale perdue en 1980 contre Peñarol pour le dernier match de Falcão avant son départ à la Roma. La fin d’une époque.

Derniers titres avant la traversée du désert

Malgré le départ de l’idole Falcão, l’Inter va continuer d’empiler les titres au début des années 1980, avec un tetracampeonato gaúcho entre 1981 et 1984. Cette année-là, l’Internacional, mené par un jeune milieu de terrain répondant au nom de Dunga, enchaîne trente-neuf matchs sans défaite, remportant le tournoi Heleno Nunes, la Copa Kirin disputée au Japon et le championnat gaúcho. Toujours en 1984, de nombreux joueurs de l’Internacional représentent le Brésil pour le tournoi de football des Jeux olympiques de Los Angeles. Avec le renfort de Gilmar Popoca, milieu de Flamengo, le Brésil décroche à la surprise générale la médaille d’argent, s’inclinant en finale contre la France.

Grêmio domine ensuite les débats sur la scène régionale, remportant six fois de suite le championnat. Les deux clubs rivaux s’affrontent en 1989 en demi-finale du Brasileirão pour une place en Copa Libertadores. Mené 1-0 et réduit à dix contre onze, l’Internacional s’impose finalement 2-1. Même si l’Internacional perd la finale face à Bahia, la demi-finale est connue sous le nom de « GreNal du siècle ». « Grêmio remportait plus souvent le GreNal, mais on a gagné le match le plus important, celui qui comptait le plus. Je suis une idole à l’Inter mais aussi un joueur qui n’a rien gagné ici. Du coup, je considère ce match comme le titre que je n’ai jamais eu » dira le gardien Cláudio Taffarel. L’Internacional retrouve le sourire en 1992 en remportant la Coupe du Brésil, premier titre national depuis treize ans, puis le championnat gaúcho dix jours plus tard. La décennie 1990 sera tout de même compliquée avec seulement deux autres championnats du Rio Grande do Sul remportés, l’Inter luttant même souvent pour le maintien dans l’élite du football brésilien.

Les succès internationaux

Le 2 janvier 2002, Fernando Carvalho est élu président du club. Il réorganise le club, misant sur des jeunes et offrant de longs contrats aux joueurs charismatiques. Recruté par Fernando Carvalho, Iarley dira que son président avait un « œil chirurgical » pour les transferts. L’Internacional remporte après quatre ans sans titre le championnat gaúcho mais lutte une nouvelle fois pour le maintien dans le Brasileirão. Lors de la dernière journée, l’Inter doit s’imposer à Belém tout en espérant deux résultats positifs pour se maintenir. Grâce à deux buts en seconde période, notamment un de Mahicon Librelato, qui décède dans un accident de voiture quelques jours plus tard, l’Internacional sauve sa place en Série A. L’Inter se remet à gagner un GreNal après treize matchs sans victoire contre le rival, et gagnera au moins un titre par an de 2002 à 2016.

Lors de la Copa Libertadores 2006, l’Internacional tient sa qualification en quart de finale en préservant le match nul en Uruguay contre le Nacional malgré deux expulsions. En finale face au tenant du titre São Paulo, l’Internacional arrache une victoire 2-1 au Morumbi grâce à un doublé de Rafael Sóbis. Au retour, l’idole et capitaine Fernandão, auteur du millième but du GreNal et décédé en 2014 d’un accident d’hélicoptère, ouvre le score, menant l’Internacional vers sa première Copa Libertadores. Quelques mois plus tard, l’Internacional, avec notamment Alexandre Pato, seulement dix-sept ans, remporte le Mondial des clubs, venant à bout du Barça de Ronaldinho et Deco.

Deux ans plus tard, emmené par l’entraîneur Tite et le meneur de jeu argentin D’Alessandro, l’Internacional remporte la Copa Sudamericana, battant en finale Estudiantes grâce à un but en prolongation de Nilmar. En 2010, l’Internacional bénéficie par trois fois de la règle du but à l’extérieur, éliminant notamment de nouveau Estudiantes en quart de finale grâce à un but à la 88e minute, et se qualifie pour la finale face à Chivas. Au Beira-Rio, avec des buts de Rafael Sóbis, Leandro Damião et Giuliano, l’Internacional remporte la deuxième Copa Libertadores de son histoire. Si l’Inter domine également la scène régionale avec huit titres remportés entre 2008 et 2016, le club, contrairement à l’ère Falcão, échoue à remporter le Brasileirão, ne faisant mieux qu’une deuxième place en 2005, 2006 et 2009.

L’Internacional atteint la demi-finale de la Copa Libertadores 2015 mais se fait gifler 5-0 par Grêmio dans le Brasileirão. En 2016, malgré des passages sur le banc de l’idole Falcão et de Celso Roth, vainqueur avec le club de la Copa Libertadores 2010, l’Internacional ne résiste pas au prêt d’Andrés d’Alessandro à River Plate et est relégué en Série B pour la première fois de son histoire. D’Alessandro de retour au club, l’Internacional ne met qu’un an pour retrouver le Brasileirão, créant même la surprise en 2018 avec une troisième place décrochée dans le championnat, synonyme de qualification en Copa Libertadores. Malgré ce passage en deuxième division, l’Internacional reste l’une des plus grandes équipes brésiliennes, au palmarès aussi fourni que ses légendes, qui ont écrit l’histoire du club depuis cent-dix ans.

Marcelin Chamoin
Marcelin Chamoin
Passionné par le foot brésilien depuis mes six ans. Mon cœur est rouge et noir, ma raison est jaune et verte.