Suite de notre plongée à la découverte de la signification des noms de clubs arabes. Après avoir passé en revue les noms les plus courant, on s’arrête désormais dans chaque pays.

banlomag

Première partie

ARABIE SAOUDITE

L’Arabie est un désert immense de deux millions de km². C’est dans cet environnement hostile que survivent les Arabes et leurs ancêtres depuis plus de 4000 ans. Pas étonnant que le vocabulaire relatif à leur milieu naturel se retrouve également dans les clubs de foot.

Ainsi : Al-Okhdood à Najran (le ruisseau ou le canyon) – Al-Aïn à Al-Atawla (la source) – Al- Nakhil à Bisha (les palmiers) – Al-Fateh à Al-Hasa (la conquête, référence à la conquête musulmane) – Al-Ghazwa à Badr (la razzia, terme qui désigne les batailles (Ghazwa au singulier, ghazawat au pluriel) dont le prophète Mahomet était protagoniste dans les premières années de la religion musulmane, la plus fameuse étant la ghazwa de Badr, entre la Mecque et Médine, en 624) – Al-Hijaz à Baljurashi (région à l’Ouest de la péninsule arabique) – Al-Khaleej à Saihat (la péninsule arabique) – Al- Najd à Hawdath Sudayr (désert saoudien) – Al-Qalaa à Jawf (c’est plein de jolis châteaux là-bas) – Al-Ghotta à Ha’il (l’oasis).

ALGÉRIE (et un peu MAROC)

Mouloudia

Villes : Alger, El Eulma, Oran, Saida, Bejaïa et Constantine (Algérie), Oujda et Marrakech (Maroc).

Le Mawlid célèbre la naissance du Prophète Mohammed. Ces clubs ont été fondés le jour de cette célébration, qui est férié tant en Algérie qu’au Maroc.

BAHREÏN

Al-Muharraq et Al-Malkiya, les deux clubs les plus connus, sont les noms des villes qui les accueillent. Al-Muharraq fut un centre de l’église nestorienne au Ve siècle, tandis que Malkiya (la royale) a été nommée en hommage à la monarchie des Banu Khalifa.

zamalek

ÉGYPTE

Zamalek

L’un des plus grands clubs du monde arabe et d’Afrique. Initialement appelé Qasr al-Nil puis King Farouk Club, il fut renommé Zamalek dès la prise de pouvoir de Nasser et des Officiers Libres du nom du quartier où il résidait. Chose curieuse, le mot zamalek vient de l’albanais et désigne des huttes en roseau pour les soldats, à l’époque où Mehemet Ali (gouverneur d’origine albanaise) présidait aux destinées de l’Égypte.

Al-Mokawloon Al-Arab

Ce drôle de nom est en fait celui d’une société d’ingénierie, Arab Contractors, nationalisée lors de la prise de pouvoir de Nasser et qui participa à l’érection du barrage d’Assouan. Encore maintenant, c’est l’une des plus grandes boîtes d’Égypte.

Al-Masry

Le club de Port-Saïd, tristement célèbre pour les violences qui émaillèrent le match contre Al- Ahli en 2012 (74 morts), tire son nom du poème du musicien Saïd Darwish, au lendemain de la révolution de 1919 et dans une volonté de lutter contre l’occupant britannique.

Wadi Degla

Le club du Caire, connu pour avoir tenté l’expérience Jean-Marc Guillou et s’être affilié au Lierse SK dans les années 2000, tire son nom du quartier de la ville où il est situé.

Les clubs d’entreprise

Ils sont nombreux les clubs à avoir été fondés ou sponsorisés par des entreprises. Si Al- Mokawloon est le plus connu, citons Misr al-Makassa (sponsorisé par une société de produits nettoyants), ENPPI au Caire (Engineering for Petroleum and Processes Industries), Petrojet (Suez), Telephonat Beni Suef (!), Abou Qir Fertilizers (!), Al-Aluminium (Nag Hammadi), Coca- Cola FC (!!!!), Ceramica Cleopatra (!!!!!!!) et encore plein d’autres, fruits de l’imagination débordante de leurs fondateurs.

ÉMIRATS ARABES UNIS

Al-Aïn

Le club le plus titré des Émirats, fondé par la communauté soudanaise, est situé dans la ville d’Al-Aïn, ce qui signifie « la source ». Pour l’anecdote, leur couleur mauve vient d’un match contre Anderlecht en 1977 lors duquel ils furent émerveillés par la tenue des Bruxellois et décidèrent de les adopter en tant que couleurs officielles.

Baniyas

Si Baniyas est un quartier d’Abou Dhabi, il doit son nom à la puissante confédération tribale des Bani Yas qui fondèrent la ville lorsqu’ils y trouvèrent de l’eau en 1760. C’est la seule équipe arabe à porter le nom d’une tribu.

IRAK

L’histoire de l’Irak est mouvementée, c’est un euphémisme. Berceau de la civilisation, l’Irak a vu toutes sortes d’envahisseurs et de régimes politiques lui dicter sa conduite. L’histoire moderne, elle, est indissociable de la prise de pouvoir du parti Baath, un parti nationaliste arabe aux penchants socialistes. Partageant des similitudes avec l’URSS, il a ainsi nationalisé et divisé les clubs entre ses différents organes. Des entreprises nationales ont également créé leur filiale sportive afin de divertir leurs employés. Le régime né de l’invasion américaine a perpétué cette tradition de mécénat envers ses ministères ou ses industries. On retrouve ainsi plusieurs domaines :

Al-Naft (le pétrole)

Principale ressource de l’Irak et cause de l’invasion américaine, le pétrole a été nationalisé à l’époque de Saddam Hussein et de nombreux clubs ont été créés, à l’instar du groupe Peugeot sponsorisant l’équipe de Sochaux. Peu d’embarras au niveau du choix des noms, il leur a parfois suffit de mentionner la zone géographie.

Al-Naft (Baghdad), Naft al-Janoob – Pétrole du sud (Basra), Naft al-Wasat – Pétrole du centre (Najaf), Naft Maysan (Maysan), Shariqat naft al-Basra – Société pétrolifère de Basra (Basra). On trouve aussi les raffineries : Masafi al-Janoob – Raffineries du Sud (Al-Shaiba) et Masafi al- Chmal – Raffineries du Nord (Baiji) et le gaz : Ghaz al-Janoob – Gaz du Sud (Basra) et Ghaz al- Chmal – Gaz du Nord (Kirkouk).

Al-Kahraba (l’électricité)

Histoire que le courant passe bien entre tout le monde. On le retrouve à Baghdad (Al-Kahraba et Sinaa al-Kahrabaiya – Industrie Électrique) et à Hartha (Kahraba al-Hartha)

Les transports

L’industrialisation à marche forcée promulguée d’abord par les Anglais, ensuite par le Baath a requis un investissement conséquent de la nation et un nombre important d’hommes dévoués à la tâche. Eux-aussi ont leurs clubs de foot : Al-Sikka Al-Hadeed (les chemins de fer) devint Al-Naqil (les transports) avant de fusionner pour devenir le célèbre Al-Zawraa. Al-Bahri à Basra (la marine), Al-Mina à Basra (le port), Al-Khutoot al-Jawiya à Baghdad (les lignes aériennes !), Al-Ittisalat à Baghdad (les communications) ou Al-Forat à Suq al-Shiyukh (l’Euphrate).

Les forces armées

L’armée étant bien un des fleurons du régime irakien, rien d’étonnant à ce qu’ils soient représentés parmi les clubs de foot. Et l’un d’entre eux est en train de se faire un nom sur la scène asiatique après avoir remporté trois AFC League consécutives. Ils sont depuis surnommés « le Séville irakien », c’est le grand club d’Al-Quwwa al-Jawiya.

Outre ce club basé à Baghdad et représentant l’armée de l’air, les autres clubs sont également issus de la capitale et sous contrôle de différents ministères, celui de l’intérieur (Al-Hudood – les frontières), de la défense (Difaa al-Madani – la défense civile) et anciennement ceux de la garde royale (Al-Haris al-Maliki), du temps où la monarchie hachémite régnait également en Irak.

Les autres

Parmi les autres grands noms, citons Al-Zawraa (nom d’un quartier à Baghdad), présente cette année en AFC Champions League ; Al-Talaba (les étudiants, à Baghdad), Al-Sinaa (l’industrie, Baghdad également), ainsi que les clubs défunts du Al-Athori (club de la minorité assyrienne, très présente avant l’invasion américaine ayant généré le chaos) et le sinistre Al-Rasheed (présidé par Uday Hussein, fils de Saddam et psychopathe aguerri. Il aurait supervisé l’équipe irakienne au Mondial 86 et des cas de tortures auraient été révélées par certains joueurs).

JORDANIE

L’histoire de la Jordanie est particulière et assez neuve. Établi initialement en tant que Transjordanie dans la Palestine mandataire contrôlée par les Anglais, le pays prit son indépendance et devint le foyer de la monarchie hachémite du roi Abdallah. Les Hachémites, originaire du Hedjaz, se rebelleront contre le joug ottoman et soulèveront les Arabes lors de la Première guerre mondiale. Dupés par leurs alliés qui leur promettaient l’indépendance, ils tentèrent de prendre le pouvoir à Damas mais en furent expulsés par les Français. On les exila en Irak et en Transjordanie, où ils parviendront à se faire une place au soleil. La société jordanienne est un amalgame entre l’aristocratie jordanienne, une population bédouine très importante et un nombre mirifique de Palestiniens réfugiés ou installés depuis longtemps. Les tensions se manifestent surtout lors du derby Al-Faisaly – Al-Wehdat : le premier représente les Jordaniens « ethniques » alors que le second est une émanation d’un camp de réfugiés palestinien. De ce fait, beaucoup de clubs portent des références à la monarchie hachémite.

Al-Faisaly

Le club de Amman porte ce titre en hommage à Faisal ibn Huseyn ibn Hachem, roi de la Grande Syrie (1920) et puis de l’Irak (1921-1933). Père d’Abdallah futur souverain de la Jordanie, il représenta un temps l’espoir des Arabes d’accéder à leur indépendance.

Al-Hussein

Fondé à Irbid, il porte le nom du père de Faisal qui se souleva contre les Turcs.

Al Sheykh Hussein

Sensiblement la même chose que le précédent

Shabab Al-Hussein

Bien qu’il s’agisse d’un camp de réfugiés palestiniens, ils l’ont néanmoins renommé en son honneur.

KOWEÏT

Kazma

Un des clubs koweïtiens les plus connus. Son nom vient de la région de Kadhma où s’est déroulée la bataille de Dhat as-Salasil, une campagne menée par Amr ibn al-As, le général du Prophète, contre les tribus qui supportèrent les rebelles ghassanides au début de l’islam.

LIBAN

Le Liban, dans sa richesse mais aussi son malheur, est segmenté en dix-neuf communautés religieuses et par le clientélisme en politique. Rien d’étonnant à ce que cette particularité se retrouve dans le foot. Ainsi, nous avions évoqué Al-Ansar comme club de la communauté sunnite, voire du parti du Courant du Futur de Saad Hariri (Mustaqbal). L’un de ses plus féroces rivaux est le club de la communauté chiite, proche du Hezbollah, Al-Ahed (l’alliance). Les Druzes, courant religieux ésotérique puisant dans de multiples influences, supportent Safaa (la pureté). Enfin, Al-Hikma (la sagesse) puise ses supporters surtout parmi les chrétiens maronites.

Au début du XXe siècle, le Liban est devenu terre d’accueil pour de nombreux réfugiés arméniens fuyant les massacres de l’Empire ottoman. Ceux-ci, disposant d’une diaspora dans laquelle idées, opinions et structures sociales se répandaient comme la poudre, ne furent pas long à inaugurer des clubs arméniens. Ainsi, le Homenmen (proche du Hunchak, parti social- démocrate), le Homenetmen (plutôt axé sur l’éducation physique et le national-socialisme), le Pagramian (proche du parti communiste libanais) et l’Ararad SA (qui prit la suite du Pagramian) eurent toutes leurs équipes de foot mais cela mérite un article à lui tout seul.

LIBYE

La plupart des grands clubs libyens ayant été cités, nous nous sommes penchés sur un club de Tobruk au nom singulier, Al-Andalus, qui ne signifie pas seulement l’Andalousie mais la péninsule ibérique au sens large (ainsi que certains territoires français). Il faut savoir que l’Espagne (pour sa moitié Sud) et le Portugal furent une province musulmane de 711 à 1492 dans ce qui est considéré comme l’âge d’or de l’Islam tant par ses conquêtes, que par son raffinement, sa poésie et la profusion de scientifiques qui contribuèrent à son éclat.

rajawac

MAROC

Raja et Wydad Casablanca

Le club du peuple contre le club de l’aristocratie. Si l’opposition de classe s’est atténuée depuis lors, les deux clubs continuent de déchainer les passions. Dès lors, à quoi se réfèrent supporters rajaoui et wydadi ?

Le premier fondé fut le Wydad, en 1937, par opposition aux autorités françaises qui avaient restreint l’accès...des piscines aux Marocains. Si le mot Wydad est un mélange d’amour et d’affection, le nom viendrait du film éponyme dans lequel jouait la grande star de la chanson Oum Kalsoum et qui aurait séduit le fondateur du club. Le Wydad a enfanté plein de petits rejetons chez lui (Fes, Serghini) et en Algérie (Tlemcen, Mostaganem, Ramdane Djamel et Boufarik) qui décidèrent de rendre hommage à leur ainé.

Quant au Raja, il fut fondé par les résistants marocains à la présence française ainsi que les représentants syndicaux. Tout ce beau monde s’était réuni au café Raja afin de trouver un nom. Alors qu’ils penchaient pour Al-Fath, une troupe de théâtre qui avait fait sensation, ils décidèrent de s’en remettre au hasard de papiers dans un chapeau d’où le Raja sortit vainqueur. Lui aussi a décidé d’avoir des petits frères (Beni Mellal).

Hassania Agadir

Le nom du club est un hommage au fondateur et sponsor, Haj Driss Lahlou. Les membres du club décidèrent de lui donner le nom de sa fille Hassania. On le retrouve également à Sidi Slimane et à Ben Slimane.

FAR Rabat

Al-Quwwat al-Mussalliha al-Malikiya, les Forces Armées Royales de Rabat, club fondé par la monarchie alaouite lors de l’indépendance du pays et équipe la plus titrée du pays.

FUS Rabat

Fath Union Sport. L’autre club de Rabat tire également son nom du pouvoir alaouite qui insistait sur le « Fath », l’ouverture, élément rassembleur de la culture marocaine, bien qu’à l’origine le club s’appelait Union Sportive Rabat-Salé.

Kawkab Marrakech

La planète. Un autre club a été également fondé à Al-Karkh, en Arabie saoudite.

Moghreb Athletic Tétouan et Maghreb Association Sportive de Fès

Consonance nationaliste claire en intégrant le nom du pays dans le nom du club, que ce soit pour le MAS (fondé en 1946 pour marquer l’identité locale musulmane face aux entités sportives réservées aux français) ou le MAT, né de la dissociation du club marocain aux racines ibériques Atlético de Tétouan après l’indépendance en 1956 (une partie fusionne avec le SC Ceuta et devient l’Atlético Ceuta, l’autre partie devient le Moghreb Athletic Tétouan).

OMAN

Peu de surprises, la plupart des clubs portent le nom des villes qui les hébergent (sauf ceux cités précédemment).

PALESTINE

La Palestine et son histoire moderne sont connues de tous. La résistance à l’occupant israélien a ruisselé pour toucher également les clubs de foot, arborant des symboles et des références propres à leur identité palestinienne, arabe ou musulmane.

Al-Markaz (le centre) est l’un des noms les plus répandus, et on le trouve uniquement en Palestine (à Al-Amari, Tulkarem, Askar et Balata). Il s’agit initialement de centres culturels et sociaux en Cisjordanie qui ont décidé de développer leurs sections football. D’ailleurs le nom complet d’Al-Amari est Markaz Shabab Al-Am'ari Al-Reyadi Al-Thaqafi Al-Egtima'y (centre social, culturel et sportif des jeunes d’Al-Amari).

Beaucoup de clubs font également le pari de la jeunesse, comme on a pu le voir dans la catégorie Al-Shabab. Enfin, la religion est bien présente comme le montre les nombreux Hilal (cf la catégorie éponyme), surtout à Jérusalem et à Hébron (ville tombeau des Patriarches et divisée entre Israéliens et Palestiniens).

QATAR

Pas grand-chose à dire, si ce n’est que la plupart des clubs ont changé de nom deux ou trois fois avant d’aboutir à leur forme finale, comme des Pokémons.

SOUDAN

Omdurman est de loin la plus grande ville de football du Soudan et ses deux géants se partagent le championnat depuis des années. Face au Hilal dont nous avons déjà parlé se dresse Al-Merreikh. Son nom veut dire...la planète Mars. Son aura est telle qu’il a ses petits frères attitrés à Port-Soudan et à Al-Fasher.

SYRIE

Al-Karama est le seul club syrien à avoir atteint une finale de compétition asiatique. Le club de Homs pote fièrement son statut de doyen du football syrien avec son nom, « la dignité ». Citons également Al-Futuwwa de Deir ez-Zor, la futuwwa étant un concept similaire à l’idéal de chevalerie médiévale, également à la recherche d’une spiritualité élevée et d’un combat pour la justice.

Pays également socialisant, la Syrie fait la part belle à sa force de travail, en témoigne le club d’Al-Ommal (les ouvriers) à Alep et Rmelan, celui d’Al-Harafiyyin (les artisans) à Alep.

TUNISIE

Si la plupart des clubs tunisiens sont connus sous leur sobriquet francophone ou ont été cités précédemment, le club de Gafsa a attiré notre attention pour son nom très spécial, El Gawafel, ce qui veut dire les caravanes. Référence bien sûr au fait que la ville était un important carrefour de caravanes et de négoce auparavant.

D’autres noms de clubs sont inspirés directement de l’environnement naturel (désert, côte, palmeraie, etc.) dans lequel la ville qu’ils représentent est situé : Al Waha (l’Oasis) pour Kébili, Al Jarida (la palme) pour Tozeur, Al Marjane (le corail) pour Tabarka.

YEMEN

Al-Shaab

Le peuple. Curieusement, seuls les clubs yéménites portent ce nom. Est-ce un moyen de souder un pays qui jadis était encore scindé en deux ? On a connu des régimes moins scrupuleux à surfer sur la démagogie... On les retrouve à Mukalla, Ibb et Sanaa.

Boris Ghanem
Boris Ghanem
Chroniques d'un ballon rond au Moyen-Orient, de Beyrouth à Baghdad, de Manama à Sanaa, football sous 40 degrés à l'ombre d'un palmier.