Première manche des quarts de finale de la Libertadores. Pendant que Boca assure en Uruguay et que Central prend de l’avance avant un périlleux retour en Colombie, les regards se tournaient au Brésil pour le duel national entre São Paulo et Atlético Mineiro. Et LO y était. Inside.

L’historique stade Pacaembu coulant une douce retraite depuis l’année passée, le Stade Morumbi est aujourd’hui le dernier bastion d’authenticité du football paulistano face aux très modernes Itaquera du Corinthians et Allianz Parque de Palmeiras. Si l’envie vous prend d’humer l’ambiance des grandes rencontres sauce latino dans la capitale économique du Brésil, allez donc y faire un tour un soir de match à enjeu, vous serez servi.

Ce mercredi 12 mai justement, le São Paulo FC qui y réside depuis sa construction en 1960, accueille le Clube Atletico Mineiro pour un quart de Libertadores cent pour cent brésilien.

Un match aux allures bien différentes pour les deux équipes. Si il est une suite logique pour un CAM qui aligne les bons résultats depuis trois saisons, il représente surtout l’espoir du réconfort pour des supporters são paulinos un brin agacés par l’irrégularité et l’instabilité du club ces derniers temps. Le Tricolor est vierge de trophée depuis la Sudamericana de 2012… C’est loin.

Cette période de vache maigre n’empêche pas les grandes artères qui alimentent les veines du vieux Morumbi, de se remplir rapidement de torcedores confiants : à domicile, le SPFC a actuellement tendance à assurer le show. Le temps pour les plus gourmands d’avaler un espeitinho, un lanche de pernil et une Brahma bien gelée aux abords de l’arène, les tribunes se parent petit à petit de blanc, de rouge et de noir. Ici, point de places attribuées, pas encore en tout cas. On se rend dans son arquibancada et on attrape le siège que l’on peut. Soyons honnêtes, ce siège ne sera de toute manière utilisé que quinze petites minutes à la mi-temps. Ainsi, que l’on soit sur l’anneau supérieur, assez populaire, ou bien en dessous avec les classes plus aisées, c’est debout que l’on chantera aux côtés des Dragões da Real quatre-vingt-dix minutes durant. Ces derniers ont d’ailleurs accueilli le bus de leurs joueurs avec un spectacle pyrotechnique à en faire pâlir les élites de la LFP.

A l’entrée des équipes sur la pelouse, le stade Cicero Pompeu de Toledo de son vrai nom, s’embrase à coup de fumigènes et de chants à la gloire du SPFC. Dans leur parcage visiteur plein à craquer, les torcedores du Galo ne sont pas en reste et donnent également de la voix. Comme prévu, le coup de sifflet de l’arbitre colombien lance la partie dans un brouillard de circonstance. Pour le moment on ne voit pas grand-chose mais on entend très bien.

Après avoir scandé le palmarès du Tricolor Paulista et rappelé à tous que contrairement à ses deux grands rivaux locaux, lui n’a jamais été relégué à l’étage inférieur, on chante rapidement un petit couplet pour chaque joueur présent au coup d’envoi. Michel Bastos et Diego Lugano, pourtant confortablement assis sur le banc de touche, auront également le droit à leur hommage. Noblesse oblige.

Robinho, arrivé en début d’année à l’Atletico Mineiro, dispose d’un traitement de faveur consistant à le traiter de veado : un cerf, un chevreuil ou, dans le cas présent, une biche en portugais. Non, ça n’est pas une référence à Bambi. Soirée pénible jusqu’au bout pour l’ancien de Santos, puisqu’il sortira sur blessure à la 40e minute. C’est cet instant que choisi un très jeune torcedor pour déchirer un instant de silence d’un chapelet de noms d’oiseaux, destinés à l’international auriverde. Le garnement a le mérite de déclencher l’hilarité générale, et des « Calma muleque », « du calme gamin » en VF, viennent tempérer les ardeurs du petit são paulino, pas peu fier de son coup.

Le terrain, parlons-en. Pourtant plus favoris sur le papier, les pensionnaires de l’estadio Mineirão optent d’entrée de jeu pour une posture défensive, tentant de prendre leur adversaire en contre par les ailes via Patric et Robinho donc, qui laissera sa place à cette grande saucisse de Hyuri. Sereine et solide, la charnière centrale Erazo/Leonardo Silva éteint aisément le sanguin Calleri. Au milieu, Junior Urso semble posséder le don d’ubiquité, grattant les ballons devant sa défense et orientant dans le même temps le jeu dans les trente mètres adverses.

São Paulo pour sa part, a le pied sur le ballon mais semble en panne d’inspiration. Si les relayeurs Hudson et Thiago Mendes assurent, c’est devant que ça coince : Ganso, Wesley, Kelvin et Calleri ont bien du mal à combiner. Peu de mouvement, des Galos en mode verrou : la première mi-temps accouche sur un nul bien pauvre, à peine secoué par un but refusé pour Lucas Pratto, le neuf argentin des mineiros, qui coupait en position de hors-jeu un centre-frappe de Patric.

Au retour des vestiaires les deux équipes redémarrent sur les mêmes bases. Le SPFC domine stérilement, ne se montrant dangereux que sur coup de pied arrêté, tandis que le CAM donne des sueurs froides au Morumbi sur de courts temps forts. Agacé par la mollesse de ses ouailles, le public réclame rapidement l’entrée de Bastos : des « Michel, Michel » dévalent des tribunes. Edgardo Bauza, qui commande l’équipe depuis le mois de décembre, se résout à écouter les conseils de la foule à la 63e. L’ancien canonnier de Tola Vologe rentre à la place du talentueux Kelvin. En défense, Lugano vient prendre sa dose d’acclamations à la 74e, relevant Maicon, victime d’un pépin physique. Le légendaire numéro cinq uruguayen aura le temps de se louper sur ses deux seules interventions. Mais le Morumbi n’a pas la mémoire courte, et épargne l’un des héros de la victoire en Libertadores 2005. Le stade sera bien moins indulgent envers les maladresses d’un Mich’ Mich’ décevant.

Alors que l’on pense le coaching imposé par la plèbe sur le point de capoter, le petit numéro 7 du Tricolor vient dévier de la tête un coup franc de Wesley dans les filets de Victor, le portier alvinegro. O Morumbi explose, les fumigènes ressortent leurs flammes rouges et enfument à nouveau l’arène pauliste. Bonheur intense, malheureusement gâché : alors que les joueurs viennent célébrer la banderille salvatrice devant les leurs, une barrière du premier anneau cède sous la pression de la foule, précipitant une quinzaine de supporters dans la fosse. Une chute de deux bons mètres qui fait des dégâts : une jeune personne est très vite évacuée dans les bras d’un stadier, alors qu’une femme est secourue par Ganso et Wesley, pendant que Thiago Mendes fait signe aux ambulances de rappliquer au plus vite. C’est la cohue, les policiers refoulent tant que faire se peut photographes et caméramans indiscrets, dont la curiosité paraît indécente. Aucun drame à déplorer mais une belle frayeur pour tout ce petit monde. Le jeu reprend aussi mollement qu’auparavant pour boucler les dix dernières minutes. Drapeau sur les épaules, deux hommes entrainés dans l’incident longent nonchalamment la pelouse sans vraiment prêter attention à ce qui s’y déroule. On lit sur leur visage la satisfaction d’en être sortis indemnes et l’émerveillement de se retrouver au cœur de ce volcan en activité.

Bien que le retour dans le Minas Gerais sera évidemment à prendre très au sérieux, le SPFC se donne grâce à ce petit but la chance d’y croire. L’Atletico Mineiro quant à lui, effectue une bien mauvaise opération : en plus de voir Robinho probablement incertain pour les semaines à venir, leur tactique défensive leur a valu une pluie de cartons jaunes et devront ainsi se priver de Junior Urso et Rafael Carioca. Trois absences qui peuvent peser sur le résultat final.

Dans le tiède hiver austral de São Paulo, le mythique Morumbi se vide. Les cohortes de são paulinos s’accompagnent du tumulte des pétards, des derniers chants avant le silence et des appels des vendeurs de pizzas. Bien peu refont le match, la plupart préfèrent déjà se concentrer sur la prochaine étape, espérant revenir au plus vite supporter O Tricolor dans leur enceinte favorite. Et d’enfin y fêter un nouveau titre.

Résumé

 

 

Simon Balacheff
Simon Balacheff
Médiateur culturel, travailleur humanitaire et bloggeur du ballon rond tourné vers l'Amérique Latine. Correspondant au Brésil pour Lucarne Opposée