« La pression, on l’aura toujours. Je ne pourrais pas y échapper, la question est de savoir comment faire avec. J’ai vécu avec toute ma vie. Mais j’aime ça. Je me suis préparé pour ça toute ma vie. » Edgardo Bauza s’est confié sur Ole à quelques heures du premier grand rendez-vous de son albiceleste. L’occasion d’un long entretien au cours duquel il évoque ses joueurs, sa sélection, Messi et son plan. Un entretien dont on vous propose la traduction.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris lors de votre discussion avec Messi ?

Il m’a surpris quand on a parlé de football. Messi sait tout. Plus que ce que bien des gens pensent. On a énormément parlé, de l’idée que j’ai, de la Copa América, de la Coupe du Monde. Il m’a démontré être impliqué dans tout. Ce genre de dialogue est bon.

La confiance s’est vite installée ?

Notre rencontre a duré une heure quarante-cinq environ. Au début, dans les dix premières minutes, je me suis aperçu qu’il m’étudiait un peu, il écoutait beaucoup. Puis il s’est libéré.

Que lui avez-vous dit ?

Je lui ai dit que pendant les vacances, je l’ai vu avec un thermos de Newell’s et qu’un ami m’avait envoyé un thermos de Central pour que désormais nous prenions un mate avec. Il a commencé à rire. Ensuite, il m’a démontré que tout était clair pour lui. Il est très impliqué pour la sélection.

Vous sentiez que vous le teniez ?

Quand la conversation était installée, je suis resté tranquille. Tout le monde m’avait dit que j’irai à Barcelone pour le convaincre et qu’il n’y aurait rien à faire. Je lui ai dit que je n’étais pas venu pour cela, que je voulais l’écouter et savoir ce qu’il s’était passé. Car lorsqu’on prend de telles décisions, c’est par frustration. Ou pire. Je lui ai transmis l’amour des gens pour lui, qu’ils voulaient le voir revenir. Lorsqu’on parlait de football, je crois qu’il se préparait. Je lui ai dit qu’il n’avait rien à dire, qu’il était dans la liste. Ensuite, il a publié ce communiqué.

Photo : Mike Stobe/Getty Images

En sélection, Leo a été attaquant, pointe, derrière le neuf….quel sera votre Messi ?

Messi génère de la préoccupation chez l’adversaire. Je crois que si on l’entoure bien, toute l’équipe en bénéficiera. Et lui aussi. On a parlé de sa position ensemble. Il y a deux ou trois possibilités. Ce qui est certains, c’est qu’il aura toujours deux ou trois adversaires face à lui. Ce que nous devons travailler, c’est comment l’utiliser, avec les autres joueurs qui seront ainsi négligés.

Justement, pendant la Copa América, on a vu cette photo ou Leo était marqué par une énorme quantité de Chiliens. C’est récurrent.

Ce que je veux est sortir Messi de ce genre de situations. Je ne veux pas qu’il soit celui qui doit résoudre seul tous les problèmes de la sélection. C’est pour cela que nous devons travailler pour proposer des solutions. C’est un magnifique défi.

Où en est sa blessure ?

Tout va bien. On va le laisser se reposer. Mais on est confiant dans le fait qu’il sera là face à l’Uruguay.

C’est une des semaines les plus particulières de votre carrière. Ce n’est pas un club, c’est la sélection.

Ecoutez. Quand j’ai discuté avec Messi et Mascherano, tous deux m’ont dit que j’allais rencontrer un groupe extraordinaire pour travailler. Quand je les ai appelés les uns après les autres pour confirmer leur convocation, tous m’ont dit : « Patón, comptez sur moi. » C’est pour cela que je suis tranquille, parce qu’ils m’ont démontré ce qui m’avait été dit. Il existe un engagement pour la sélection qui aide énormément.

S’il y a quelque chose qui va manquer, c’est du temps…

Pour cela, je veux parler avec eux, utiliser le temps qu’on aura ici ensemble à Ezeiza. Me réunir avec quatre ou cinq d’abord, puis d’autres, et ainsi discuter avec eux, savoir ce qu’il s’est passé, ce qu’ils pensent. Quand la confiance s’installe avec un groupe, tu commences à mieux comprendre les choses. Par exemple, j’ai une idée quant à ce qu’il s’est passé lors des finales, mais la vérité, je ne la connaîtrai qu’en discutant avec eux.

Et en même temps, vous devez leur inculquer votre idée, votre plan.

Quand on parle de l’Argentine, avec les joueurs dont elle dispose, on parle d’un jeu agressif. Avec ces joueurs, tu ne peux pas ne pas attaquer. Ce dont nous devons discuter c’est comment se replacer pour défendre. Tous parlent de Barcelone par exemple. Je suis allé voir un entraînement en Catalogne quand Van Gaal y était et ils faisaient des exercices de pression haute qu’ils pratiquaient depuis qu’ils étaient petits. Ils l’avaient incorporé. Ce sont des équipes qui, lorsqu’elles ont le ballon, elles ne le lâchent pas pendant deux heures. Pour cela, il faut être concentré et rapide. Et donc il faut travailler.

Vous avez appelé de nouveaux joueurs : Alario et Pratto sont deux exemples. C’est un message ?

J’ai une liste de 60 joueurs que je vais suivre. Parmi eux, 12 évoluent au pays. Cerruti en est un exemple, Pavón aussi, il joue avec les u23, José Luis Gómez de Lanús un autre. Le fait que Pratto et Alario soient là, ce n’est pas seulement pour qu’ils jouent mais aussi pour qu’ils touchent à la sélection.

Le fait est que leur présence, le fait que ce soit deux 9, est lié à l’absence d’Higuaín. Que s’est-il passé avec lui ?

Les deux 9 sont très bons. Gonzalo est un joueur de la sélection. En ce moment, il découvre un nouveau club, la Juventus, il doit jouer des matchs, accumuler de la continuité. Il sera sûrement dans la prochaine liste. J’ai parlé avec lui, il n’est pas au mieux physiquement et j’ai préféré qu’il soit bien.

Maintenant, vous allez être plus exigeants qu’en club ? Il ne faut pas seulement gagner mais aussi bien jouer.

Je suis d’accord. Le supporter argentin est plus exigent. Mais je veux aussi qu’il soit clairement précisé que je ne suis pas là pour le séduire. Ça ne sert pas à grand-chose. Avec ce maillot, vous devez gagner. C’est ainsi. Avec la sélection, plus que tout, vous devez gagner.

Photo une : JUAN MABROMATA/AFP/Getty Images

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.