Ce mercredi, se déroulait à l'Estadio Mario Kempes l'un des Clásicos de Córdoba entre Belgrano et l'Instituto comptant pour les 32ème de finale de la Copa Argentina. Même si la rivalité est bien évidemment moins exacerbée que lors d'un Belgrano – Talleres, il ne serait que peu dire que nous avons vécu une superbe soirée à Córdoba.

C’est sous le soleil d’un mercredi après-midi que Córdoba, deuxième plus grande ville d'Argentine se prépare à retrouver un Clásico qui focalise toutes les attentions. Dans le centre-ville nous croisons une multitude de maillots de Belgrano mais aussi de l'Instituto, aujourd’hui petit poucet de la rencontre. Plus de 5 ans sans se rencontrer dans une compétition officielle, 15 ans en première division, les radios et télévisions locales ne parlent plus que de ça à quelques heures du coup d'envoi. Sur notre trajet, nous passons dans le quartier d'Alberdi, fief de Belgrano pour nous rendre au stade Mario Kempes assez éloigné du centre-ville « C'est sûr qu'il y a un peu moins d'excitation que face à Talleres mais je peux t'assurer que nous n'avons qu'une seule envie c'est de passer face à ces traîtres » nous confie Juan, hincha de Belgrano. Aux alentours du Kempes, comme il est communément appelé ici, nous décidons d'aller à l'encontre des hinchas de l'Instituto annoncés beaucoup moins nombreux ce soir « Il est vrai qu'on connaît des moments bien difficiles en Primera B alors qu'on a loupé la Primera deux années de suite de très peu. Mais aujourd'hui on oublie tout car on doit passer face à ces traîtres ». Le mot traître reviendra presque à chaque discussions, preuve que le divorce est bel et bien entériné après une amitié de longue date entre les deux clubs et ses supporters (voir Belgrano de Córdoba – Instituto de Córdoba: Une amitié devenue rivalité).

A notre entrée dans le stade, on comprend que Belgrano évoluera à domicile dans un Kempes qu'il a l'habitude de fréquenter depuis qu'il évolue en Primera. Toute la Platea en face de nous est composé d'hinchas de Belgrano ainsi que la Popular Sur tandis que ceux d’Instituto occupant la Popular Norte. L'heure du coup d'envoi approche et les deux barras n'ont toujours pas fait leur apparition. En Copa Argentina, les supporters des deux camps ont le droit d'assister à la rencontre contrairement au championnat où l'AFA interdit toujours les déplacements de supporters visiteurs. Du coup, les deux Barras vont retrouver les bonnes habitudes de l'époque et faire leur entrée un peu plus tardivement lors de la rencontre, toujours avec objectif de dire au rival qu'il était bel et bien dehors.

A un quart d'heure du début de la rencontre, les premiers chants commencent à résonner avec un antagonisme qui se ressent « A estos putos tenemos que ganar » (Contre ces putains l'on doit gagner) côté Instituto, « Sos cagon como los matadores de Talleres » (Vous êtes des tapettes comme les matadors de Talleres) côté Belgrano, le match est lancé en tribune. Les 22 acteurs entrent alors sur le terrain sous les papelitos et les encouragements de deux populars, le match peut commencer. Quel bonheur de voir un stade avec des supporters des deux camps !

Un spectacle en tribune

D'entrée les premiers contacts sont assez rudes, les transmissions imprécises et on sent les deux équipes crispées par l'enjeu. Au bout de 10 minutes de jeu, alors que rien n’évolue sur la pelouse, la Barra-Brava de Belgrano entre en piste. Drapeaux, tambours, la Popular Sur saute comme un seul homme et Los Piratas Celeste décident alors de sortir un voile recouvrant toute la tribune. Sur ce dernier le logo de la Barra en forme de tête de pirate à gauche, le logo du club au centre et à droite Rodrigo, un chanteur très connu en Argentine notamment auteur du titre « Maradona, La mano de Dios » et supporter de Belgrano. Après le voile, un autre logo du club fera son apparition dans une ambiance qui en devient assourdissante.

Sur le terrain le match est toujours aussi terne mais pas le temps de s'ennuyer. En réponse à la Barra de Belgrano celle d'Instituto entre en action. Pas d'animations, pas de banderoles pour cause d'embrouilles interne dans la Barra, mais une ambiance qui monte dans la Popular Norte. Les deux camps se récitent à tout cœur leurs répertoires et leurs plus doux mots d'amour, le Mario Kempes est dès lors en fusion ! Ne manquent plus que les buts, chose qui n'arrivera malheureusement pas dans un premier acte très fermé. Monsieur Pompei, arbitre du soir, siffle la mi-temps sur le score de 0-0.

Lors de cette mi-temps, nous allons vivre quelque chose de très rare. Côté Instituto, la Popular continuera de chanter durant ces 15 minutes de repos, fumigènes en main délivrant de nouveau tout leur amour à Belgrano. La réponse ne se fera que très peu attendre, la Popular Sur se relève comme un seul homme pour répondre aux invectives et l'ambiance délirante ne retombera pas durant la pause.  « C'est pour dire comme les amitiés sont fragiles dans le foot et surtout en Argentine. Regardes aujourd'hui la rivalité et la tension qu'il y a. Ici on est à l'intérieur du pays et Córdoba ce n'est pas comme Rosario qui est coupé en deux avec Central et Newell's. Córdoba, c'est quatre clubs, le Racing, Instituto, Belgrano et le plus populaire Talleres, qui se haïssent de la même manière. Et voilà ce que ça peut donner » nous explique Mathias Barzola, journaliste à la plus grande radio de la ville, Radio Sucesos.

Effectivement un spectacle comme cela à la mi-temps c'est rare et l'on ne peut vous cacher notre plaisir. Alors que le deuxième acte reprend toujours sous des chants détonants, Belgrano décide enfin d'assumer son statut de favori en évoluant beaucoup plus haut, mais l'Instituto a du cœur et manque de très peu d'ouvrir le score en contre à deux reprises. En tribune on ne cesse d'être surpris au fil des minutes, gestuelles, chants surpuissants, fumigènes tout y passe ! On sent Belgrano plus à l'aise techniquement mais les corners se succèdent pour Instituto et obligent le gardien si atypique de Belgrano, Juan Carlos Olave, de s'employer à plusieurs reprises dans les airs. La fin du temps réglementaire approche et malgré un match un tout petit peu plus ouvert lors de ce deuxième acte, la crispation reprend le dessus au fur et à mesure des minutes qui s'écoulent. Instituto ne craquera pas, l'arbitre de la rencontre siffle le coup de sifflet final, la hinchada de l'Instituto le fête comme une victoire, celle de Belgrano reste de marbre et très crispée, la décision finale se jouera donc aux tirs aux buts.

« Pose tes couilles Belgrano » d'un côté, « Ceux qui ne sautent pas sont Olave » de l'autre, on sent une tension incroyable avant cette séance de tirs au but. Olave stoppe la première tentative de l'Instituto mais Hoyos, portier de l'Instituto, l'imite tout de suite derrière. Hoyos ira même jusqu'à tromper Olave pour le 3-1 après un nouvel arrêt. La balle de match sera au bout du pied de Garcia. Celui, qui n'a pas pu regarder un seul tir au but lors de cette séance, ne tremblera pas et enverra les supporters de l'Instituto au paradis. Les scènes de liesses entre joueurs de La Gloria et ses hinchas sont impressionnantes. La Coupe d'Argentine a aussi son charme.

Par Bastien Poupat à Córdoba en Argentine pour Lucarne Opposée

Bastien Poupat