Le match attendu par tout un pays a débouché sur une victoire de Nacional qui se relance bien aux deux classements. Le Bolso a été supérieur et remporte une victoire logique face à un Carbonero en panne. Le match a été marqué par de multiples incidents avant, pendant et après qui font craindre le pire sur la fin de saison.

Avec le recul, beaucoup de gens auraient souhaité rester dans cette semaine pré-clásico. Car, une fois n’est pas coutume, il n’y a pas tant été question de football de club mais de Marcelo Bielsa. Et quel plaisir, dans les radios et dans la presse, que de discuter sur ce « conflit » entre les joueurs (anciens et actuels) et le sélectionneur argentin. Les débats étaient franchement drôles et sans véritable conséquence. Faudra t’il renommer « passage Marcelo Bielsa » le chemin que l’Argentin a fait construire au centre national de sélection pour que les employés ne croisent pas les footballeurs ? Edgardo Di Mayo, surnommé Minguta, intendant de la sélection, est-il un héros ? Est-il nécessaire de faire un asado toutes les semaines pour être, à défaut de grands footballeurs, de vrais joueurs de sélection uruguayenne ? Agustin Canobbio peut-il être en sélection juste pour renvoyer des ballons ? La fin de semaine arrivant, les réactions sont assez unanimes contre le sélectionneur argentin qui risque d’avoir du mal à tenir face à la majorité. D’autant plus que les critiques ne sont pas tant sur le jeu ou les résultats que sur le fonctionnement de la sélection, et qu’Alonso ou Giordano peuvent très bien reprendre la main sur certains points tout en conservant l’entraîneur… On va se régaler dès cette semaine avec les matchs qualificatifs, puisque Rochet a déclaré en atterrissant dimanche qu’ils ne pourront faire l’économie d’une conversation sur ce sujet avec le sélectionneur. Et qu’est-ce qu’on aimerait être là pour voir la tête de Bielsa quand Valverde et Rochet iront lui dire qu’un barbec’ n’a jamais tué personne et qu’il faut bien le partager avec tout le monde, que ce soit l’intendant ou le Ruso Pérez qui passait par là parce qu’il entraîne les jeunes…

Bref, que des problèmes positifs. Des bons problèmes, des polémiques à deux balles. Des problèmes dont on ne se lasse jamais d’entendre les petites histoires à la radio, les fausses confidences, les demi-vérités… Et puis est revenu le sujet du clásico. Et footballistiquement, le match a été très intéressant. Nacional, de la main de Lasarte, a choisi de renforcer son milieu avec des joueurs de pressing (Christian Oliva, Lucas Sanabria) mais aussi des joueurs très bons techniquement (Jeremía Recoba). Dès le début du match, ce milieu a étouffé celui de Peñarol. Cela n’a pas permis à Nacional de se créer de très grosses occasions, Rúben Bentancourt a d’ailleurs peu vu le ballon, mais il l’a quand même vu plus que Maxi Silvera, seul et sevré en pointe de Peñarol. À cette bonne composition de Nacional s’est ajouté un déchet technique incompréhensible du côté de Peñarol, avec notamment un Gastón Ramírez incapable de faire une passe correcte. Le vieux 10 passé milieu récupérateur avec l’âge n’a pas eu l’impact ni physique ni technique et est rapidement sorti au début de la deuxième période après avoir égalisé sur son seul ballon dans la surface. Nacional avait ouvert le score sur corner, sur un deuxième ballon où Sebastián Coates se retrouve tout seul devant le but. Après l’égalisation de Peñarol, Nacional a un petit coup de moins bien mais les changements de Martín Lasarte apportent fraîcheur et envie alors que ceux de Diego Aguirre apportent désorganisation. À la 84e se joue une action qui résume bien le match. Leonardo Sequeira veut dégager devant sa surface avec un extérieur et se loupe complètement. Mauricio Pereyra, bien entré en jeu, en profite et fait une très bonne passe vers Federico Santander. Le vieux paraguayen est toujours efficace dans ces situations-là et redonne l’avantage à Nacional. Victoire logique de Nacional qui s’offre une chance de participer à une ou des finales contre Peñarol qui y sera quoi qu’il arrive suite à sa victoire lors de l’Apertura.

Voilà une partie de la vérité. Car le panorama complet a été entaché de violences. Une partie du staff de Peñarol n’a pu accéder au stade à la demande de la direction de Nacional. Pourquoi ? Parce que les trois employés auraient aidé ou participé à une dénonciation contre Nacional auprès de la CONMEBOL à la suite des incidents lors d’un match de Libertadores, dénonciation ayant abouti à une amende de plusieurs milliers de dollars. Premier point, que l’on pourrait presque qualifier d’anecdotique. Washington Aguerre a été copieusement insulté lors de son échauffement et l’entrée des joueurs sur le terrain s’est plutôt bien passée, avec des fumigènes mais sans drame. Du folklore. Et puis la tribune Abdón Porte a dérapé. À un niveau dont eux-mêmes ne se rendent peut-être pas compte. À la demi-heure de jeu, un maté est lancé sur Washington Aguerre. Quand Sebastián Coates marque le premier but du match, Matéo Antoni (remplaçant) va célébrer devant Washington Aguerre et est exclu. Après le but de Federico Santander, des pétards sont lancés sur les joueurs du Bolso (!!!) faisant s’effondrer Gabriel Báez. Il faut voir la tête de Martín Lasarte, furieux, et celle d’Alejandro Balbi (président de Nacional), abasourdi. En parallèle, la tribune exhibe quatre à cinq banderoles de Peñarol « volées » à l’adversaire. Après le premier pétard lancé, on pourrait se dire : bon, ils ont mal visé, ils vont arrêter leurs bêtises et la fin du match va bien se passer. Au début du temps additionnel, rebelote, c’est Lucas Sanabria qui s’effondre en ayant reçu un pétard juste à côté de lui. Et là, le brave Leodán González fait des signes laissant penser qu’on siffle la fin de la récré et que tout le monde rentre chez lui. Ç’aurait été logique, quand on repasse le film dans son intégralité. Que neni, il discute avec tout le monde, la police, la sécurité et le match reprend à nouveau dix minutes plus tard. Après vingt minutes de temps additionnel, Leodán González semble soulagé de siffler la fin du match et Diego Polenta court vers la tribune Porte pour monter au grillage et célébrer avec la tribune. Son président, Alejandro Balbi, court vers les autres joueurs pour leur dire de célébrer avec les autres tribunes mais pas avec la Porte. Ambiance. Il y a des élections à Nacional dans quelques semaines…

Il reste une question : que ce serait-il passé si Peñarol avait égalisé à la dernière minute ? Si les pétards étaient tombés non pas à côté des joueurs mais à côté de l’arbitre ? Leodán González, que ce soit sur le terrain ou en dehors, a beaucoup « laissé jouer ». C’est un choix. Mais en tribune, la conclusion du match est qu’il n’a pas compris le jeu que veulent jouer ceux qui portaient des masques. On espère côté football, mais l’on craint également beaucoup d’éventuelles finales. Elles donneront sans doute l’indication du nombre d’incident qu’il faut pour arrêter un match, nombre que Leodán González n’a pas voulu dévoiler hier.

Pour le reste, Danubio et Defensor jouaient leur petit clásico samedi et il a été à l’image de la saison des deux clubs et, en général, du ventre mou uruguayen : marqué par les erreurs et se terminant par un match nul. Renzo Giampaoli, défenseur violet, a offert l’ouverture du score à Papelito Fernández sur une air-passe. L’attaquant expérimenté en a profité comme il se doit en trompant Kevin Dawson. Danubio a ensuite géré la suite de la rencontre, dominant mollement, et se faisant taper comme il se doit à la dernière minute du match par Guillermo De Los Santos. Match nul, personne n’avance, et Boston River en profite pour prendre la troisième place du Clausura et à la table annuelle, dix-sept points derrière Nacional, deuxième.

Les buts

Résultats et classement

Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba