Troisième volet de la série « Six choses que la K-eague peut apprendre de la MLS » rédigée par Ryan Walters pour le site K-League United. Après s'être penchée sur les stades et le marketing, la série explore le sujet des supporters

Les parcages de supporters sont les places dans le stade où se trouvent les ultras qui ne s'arrêtent pas de chanter, ne s'assoient pas et n'abandonnent pas leur équipe quel que soit le score. Comme ancien joueur et entraîneur du Chicago Fire, Frank Klopas a dit : « J'ai toujours compris les supporters. Comme je l'ai dit, ils sont l'âme de toute organisation ».

Cette âme fait cruellement défaut à de nombreux clubs de K-League. L'absence de supporters est l'une des choses qui rend difficile de convaincre un spectateur occasionnel d'aller assister à un match. Mais il y a un certain nombre de choses que les équipes et la ligue peuvent faire pour cultiver et développer les ultras authentiques. Avant d'aller plus loin, cet article ne concerne pas vraiment les supporters de Suwon, Jeonbuk et du FC Seoul. Ce sont trois équipes qui n'ont pas besoin d'aide dans ce domaine au contraire des autres. Il y a bien quelques supporters qui tentent de mettre de l'ambiance à chaque match mais ils font face à des stades vides, à leur petit nombre et à des spectateurs apathiques. Beaucoup trop de spectateurs aux matchs de K-League sont là pour faire un pique-nique pas cher avec un divertissement lui aussi pas cher et ils prêtent peu attention au match. Toutefois ne vous méprenez pas, l'atmosphère détendue lors des évènements sportifs coréens est l'une des choses les plus appréciables (surtout le fait de pouvoir apporter sa propre bière). Et il y a certainement un rôle important à remplir par le spectateur occasionnel lorsqu'il assiste aux matchs, mais il y a un problème quand plus de la moitié des spectateurs se fichent complètement du match qui se déroule sous leurs yeux.

A la recherche des ultras

La MLS a de nombreux parcages visibles, bruyants et amusants qui font grimper le niveau d'ambiance dans le stade. Timbers Army, Emerald City Supporterset Section 8 Chicago sont des exemples de personnes passionnées par les matchs de leur club. Contrairement à la plupart des sports américains, le football n'a pas le fameux « Make Some NOISE !! » (« Faites du BRUIT !! ») qui apparaît sur l'écran géant, de cheerleaders ou tout autre stratagème pour impliquer les spectateurs. Les supporters doivent faire du bruit et donner le tempo aux joueurs sur le terrain par eux-mêmes. Les chansons, la passion et l'énergie sont des choses qui conduisent à un lien entre les supporters et le club. Ce sont aussi des choses contagieuses pouvant rendre les spectateurs occasionnels plus connectés à ce qui les entoure et il y a plus de chances qu'ils se joignent aux chants, ou simplement qu'ils s'intéressent plus au match et applaudissent. Cette énergie contagieuse est une chose que j'ai souvent utilisée pour amener des amis au Toyota Park pour voir jouer le Chicago Fire pour la première fois. Prenant exemple du Free Beer Movement, j'ai offert une bière et une place dans la Section 8 à des amis qui étaient soit curieux vis à vis de la MLS, soit des fans de sport mais qui n'avaient pas encore vu le Fire jouer. Il n'y a pas forcément un taux de réussite de 100% pour transformer tous ces amis en fervent supporters, mais un bon nombre commencent à suivre l'équipe de plus près. J'ai tenté de faire la même chose en Corée du Sud, mais ramener des bières pas chères n'a pas vraiment séduit les spectateurs occasionnels. La bière gratuite ne peut compenser le manque d'ambiance dans la plupart des stades de K-League.

Quelques équipes de K-League connaissent une baisse d'ambiance, mais la majorité n'en ont pas et aucune ne fait pire que les Jeonnam Dragons. A Gwangyang, le groupe de supporters « officiel » est généralement composé de 10 ou 15 personnes avec un tambour et un ou deux drapeaux.  Mais il y a un problème qui va bien au-delà des chiffres : la moitié des supporters sont des enfants âgés de 13 ans ou moins. Comme avec les spectateurs qui viennent au match pour un pique-nique, il n'y a rien de mauvais à voir des enfants qui font partie d'un groupe de supporters. Bien au contraire. Les prochaines générations de supporters devraient être représentées. Le problème est le pourcentage du groupe qu'ils occupent. Non seulement il y a un certain nombre d'enfants derrière le but nord, mais les équipes de jeunes des Dragons des U-20 aux U-12 sont assis juste à côté du parcage. En fin de compte, ce qui devrait être l'une des sections du stade la plus tapageuse et chahuteuse ressemble plus à une zone pour enfant. Il est donc difficile de se sentir à l'aise de boire une bière en scandant des injures contre l'équipe adverse tout en étant entouré d'esprits jeunes et impressionnables. Alors, pourquoi ne pas juste laisser la bière à la maison et avoir un bon, propre, familial et sympathique parcage ? Il n'est pas nécessaire d'être plus ou moins alcoolisé pour se lever et chanter à un match ni de crier des injures à l'équipe adverse même s'ils le méritent. La véritable raison qui fait que cela est impossible est la concurrence, dans le stade, des employés d'entreprise.

Vous voyez ce parcage tout en jaune dans le cercle ? Cette partie du stade est généralement pleine et passe bien à la TV. Un œil non averti pourrait même penser que c'est le parcage « officiel ». Cet œil non averti aurait tort. Cette partie du stade est réservée aux employés de l'entreprise propriétaire de l'équipe, POSCO, qui sont payés en heures supplémentaires pour se présenter au match. En plus des tickets gratuits alloués aux nombreux employés de POSCO, ces gens-là sont payés pour venir au match et « soutenir » leur équipe. A chaque match à domicile, un département du comptoir local est payé pour venir au match et reproduire tout ce que leur manager hurle dans un mégaphone. Ces efforts ne sont jamais coordonnés avec le groupe de supporter « officiel », n'ont pas de rapport avec ce qui se passe sur le terrain et sont souvent en concurrence directe avec la dizaine de supporters  qui tentent de couvrir la section des enfants.  Le résultat est que le « groupe des heures supplémentaires » arrive comme le message « Make Some NOISE !!! » sur l'écran géant, qui est heureusement généralement absent au football. Ils sont plus un stratagème d'entreprise qu'une ferveur. C'est un bon exemple d'une grande société qui ne comprend pas ce que signifie faire fonctionner un club de football et jette simplement de l'argent pour résoudre les problèmes. Bien que cette pratique soit détestable, elle est compréhensible : payer des gens à aller au stade pour le rendre plus impressionnant à la TV. Voilà pourquoi Jeonnam n'est pas la seule équipe à payer des employés pour les transformer en « ultras ». Mais comme ils ne sont pas d'authentiques supporters, leur section est faible entraînant une expérience du stade désastreuse et ainsi une diminution des ventes des billets.

Photo : Jonathan Daniel/Getty Images

Que les fans remplacent les employés

Pendant ce temps, la MLS continue de saisir des supporters et de se comporter intelligemment avec eux. Cette année, le Houston Dynamo a créé une nouvelle section plus large pour ses supporters afin de permettre à leurs groupes de mieux travailler ensemble et de grandir. Les Colorado Rapids ont donnéaux groupes de supporters des billets gratuits à distribuer pour attirer des  personnes au match. Des équipes comme le Toronto FC ont non seulement payé des billets aux supporters pour des matchs à l'extérieur mais ils ont même mobilisé 10 bus pour faire l'aller-retour jusqu'au match. Le nouveau sponsor du Chicago Fire, Valspar, a accepté de payer la peinture pour le tifo et a organisé un événement pour le début de sa confection. Ce ne sont pas des choses qui sont au-delà des capacités des clubs de K League. Peut-être l'aménagement d'une nouvelle section, mais le manque d'espace n'est pas vraiment le problème. S'inspirer de la Section 8 à Chicago, ajouter quelque chose d'analogue aux panneaux du The Harlem End derrière une tribune de supporters en K-League montrerait que le club se soucie du rôle des supporters et voudrait créer une meilleure ambiance. Comme vu dans notre premier épisode, il y a de nombreux sièges vides qui pourraient être condamnés pour permettre ce type de signalisation. Au moins, au lieu de payer en heures supplémentaires des employés indifférents au football juste pour remplir des stades, les clubs de K-League feraient mieux d'identifier les supporters les plus fervents et les aider à grandir. Qu'ils fassent ce que fait la MLS en donnant aux groupes de supporters des billets gratuits à distribuer chaque semaine. Qu'ils trouvent un bar dans la ville qui diffuserait les matchs à l'extérieur et qu'ils payent une bière ou deux aux supporters. Qu'ils aident financièrement les supporters dans la création d'un tifo et donnent un espace pour le confectionner. Qu'ils invitent les supporters à des évènements privés comme mentionnés dans notre seconde partie. Faites quelque chose pour saisir des vrais supporters au lieu d'essayer de les acheter.

En l'état, tout groupe de supporters en K-League qui tentent de galvaniser la foule ou l'équipe fait face aux immenses stades vides et à des spectateurs apathiques. Si la K-League et ses équipes tentaient de capter d'autres supporters et soutenaient vraiment les groupes de supporters, ils vendraient non seulement plus de billets, mais une grande partie de leur marketing serait déjà fait. Depuis des années, la MLS a insisté sur l'expérience du stade et mis l'accent sur les groupes de supporter dans les vidéos promotionnelles. Elle l'a fait dans une campagne de pub en 2012 quand elle a signé un nouvel accord avec NBC, et encore dans une nouvelle vidéo l'an passé quand elle a signé un accord encore plus important avec ESPN et Fox Sports.  Regardez ces vidéos et comptez le nombre de plans sur le stade. Elles ne vendent pas seulement le match, mais aussi l'expérience que le spectateur aura en assistant au match. En ce moment, même pas une poignée d'équipes de K-League peut offrir les deux composantes ce qui n'est tout simplement pas bon pour attirer de nouveaux spectateurs et leur donner envie de revenir.

Bien que ces idées peuvent sembler bonne (ou non, chacun son appréciation), elles nécessitent un investissement de la part des clubs et/ou de la ligue. Mais d'où l'argent peut-il venir ? A suivre dans notre quatrième épisode pour, peut-être, un premier élément de réponse.

Par Ryan Walters, traduit de l’anglais par Baptiste pour Lucarne Opposée. Article original à lire ici.

Photo une : Masashi Hara/Getty Images

Ryan Walters
Ryan Walters
Auteur pour kleagueunited.com