Voici l’histoire d’une promesse qui n’a jamais su briller sur ses terres et qui, alors que tout semblait le pousser vers l’anonymat le plus complet, s’est accroché à ses rêves. L’histoire de Leonardo Ulloa, le lion de Leicester, passé de l’ombre à la lumière.

Leonardo Ulloa est né un 26 juillet 1986 à General Roca dans la province de Rio Negro, une ville qu'il quitta à l'adolescence avec ses parents pour déménager à Comodoro Rivadavia. Ce changement de vie aura une grande importance pour le jeune argentin, il n'a alors qu'une seule ambition en tête, devenir football professionnel et découvrir l'Europe.

L’échec argentin

Aussitôt installé pour démarrer sa nouvelle vie, les parents de Leonardo Ulloa l'inscrivent à l'âge de 15 ans au C.A.I (Comisión de Actividades Infantiles) le club local de Comodoro qui accueille uniquement des jeunes joueurs de la région et qui est spécialisé dans le développement de jeunes talents. Il effectue ses débuts en 2002 lorsque le club évolue en Primera B Nacional et jouera une dizaine de match sur une durée de deux ans, un total satisfaisant pour garçon de 16 ans mais maigre quand on a la volonté et l'ambition de gravir les échelons.

A l'issue de ces deux saisons au C.A.I, Leonardo a alors 18 ans et tape dans l'œil des dirigeants de San Lorenzo et de son illustre entraîneur Ramón Díaz. Malgré une aventure exceptionnelle qui lui a permis d'évoluer en Primera Division, de côtoyer au quotidien des joueurs tels que Cristian Ledesma ou Pocho Lavezzi et surtout de décrocher le Clausura, l'avant-centre au gabarit longiligne ne prendra pas racine au sein du collectif de Ramón Díaz, ne parvenant pas à se sortir de la rude concurrence qui y règne et devant ainsi se contenter d’un temps de jeu assez réduit (une trentaine de matchs pour seulement 3 buts marqués). Alors prêté à Arsenal, il échoue, n’entrant jamais dans les plans de Gustavo Alfaro, rentre à San Lorenzo avant d’être envoyé vers le modeste Olimpo la saison suivante. Là encore, les choses ne se passent pas comme prévu, Olimpo est relégué, Ulloa peine, n’inscrit que trois buts et termine sa pige à Bahia Blanca sur un rouge et des fâcheries avec les hinchas aurinegros. Ce sera sa dernière étape argentine.

Eclosion européenne

El Negro Ulloa a pourtant toujours ce même rêve, découvrir l’Europe. Mais alors que son début de carrière européen est un échec, alors que le joueur semble perdu sportivement, ce rêve européen va s’offrir à lui. Le club espagnol du Deportivo Castellón qui évolue alors en Segunda Divison appartient alors en partie à José Manuel García Osuna. Cet avocat détient aussi la société Jump Drive Sport Rights qui gère les droits sportifs du joueur. Le club espagnol débourse alors une somme record à l'époque pour s’offrir le joueur pour un montant de 650 000 euros (ce transfert a ainsi récemment fait apparaître Ulloa dans le scandale des Panama Papers - article en anglais). Qu’importe le montant, son rêve européen à portée, Ulloa le saisit rapidement. La promesse sans lendemain argentine devient une machine à buts. En deux saisons, il inscrit 31 buts est alors repéré par Almeria avec qui il découvre l’élite espagnole, son transfert en faisant le plus cher de l’histoire de Castellón.

Avec le club andalou, El Negro met une saison pour prendre ses marques, brillant d’abord en Coupe plutôt qu’en championnat avant de marcher sur la Seconde Division, terminant meilleur buteur de la Liga Adelante 2011-2012 en inscrivant 28 buts. Suffisant pour être repéré par les britanniques. Nous sommes en janvier 2013, Brighton offre 1,8M€ au club espagnol et propose un contrat de deux ans à l'avant-centre. Le joueur accepte, ses quatre années espagnoles ont totalement relancé sa carrière, l’Europe lui ouvre les bras, le rêve de Premier League se rapproche.

Photo : Denis Doyle/Getty Images

Pour le toucher de plus près, Leo Ulloa continue sur sa lancée espagnole. Sa grande carcasse en fait un poison dans les surfaces, son jeu de tête et sa finition s’adaptent à merveille à l’Angleterre. L’Argentin continue d’enfiler les buts avec les Seagulls (26 en 58 matchs), restant ainsi dans ses moyennes espagnoles. Le plus dur est fait, désormais, Ulloa s’est fait un nom au Royaume-Uni, attise les convoitises. Acheté 1.8M€ un an et demi auparavant, il s’envole alors vers Leicester pour une somme dépassant les 10M€. Nigel Pearson ayant été séduit par le joueur, il le fait changer de dimension, le natif de Rio Negro est propulsé au rang de titulaire indiscutable au sein d'une équipe tout fraîchement promue en Premier League. Une situation nouvelle pour lui, mais sa capacité d’adaptation aux contraintes européennes étonne encore.  Il dispute 37 matchs, inscrit 11 buts, son style rugueux, son jeu dos au but et sa capacité à frapper des deux pieds collent parfaitement au football déployé par Leicester. Mais là encore, des évènements extra-sportifs qui ne le concernent pas directement tentent de stopper son ascension.

Une sombre affaire impliquant James Pearson le fils de Nigel Pearson, alors joueur au sein de la réserve des Foxes. Pendant que les joueurs effectuent leur tournée d'été en Thaïlande, une sextape sur fond de propos racistes fuite sur le net dans laquelle apparait Nigel entouré de ses camarades et de quelques jeunes femmes. Un scandale non sans conséquences pour James Pearson puisque ce dernier est licencié sur le champ, mais aussi pour son père et entraîneur de l'équipe première, lui aussi licencié le 30 juin. Le grand artisan de la belle saison réussie par les Foxes n'est désormais plus là et ça aura une incidence pour Leonardo Ulloa. Car Pearson est l'homme qui est allé le chercher un an plus tôt en Championship, l’homme qui l’avait lancé dans le grand bain de la Premier League. Son remplaçant, Claudio Ranieri arrive début juillet. Son premier transfert est un avant-centre, Shinji Okazaki arrive de Mayence. Leo passe de titulaire à joker de luxe, le spectre de l’Argentine plane. Mais l’Argentine est bien loin, l’Europe a forgé un nouvel homme, bien décidé à ne plus rien lâcher. Parfait dans son rôle de joker, Ulloa contribue grandement au titre décroché par la sensation Leicester. A 29 ans, il a enfin acquis un véritable statut.

L’histoire de Leonardo Ulloa n’est pas l’histoire classique d’une promesse argentine partie trop tôt se bruler les ailes en Europe. Accroché à ses rêves d’Europe, celui qui n’a jamais été prophète en son pays a alors choisi les chemins périphériques pour construire patiemment une carrière qui l’emmène aujourd’hui au sommet d’un championnat européen, aux portes de la plus grande des compétitions européennes.

Leonardo Ulloa n’est pas Agüero ou Higuain et ne le sera jamais. Mais à présent, son rêve est une sélection sous le maillot albiceleste après avoir systématiquement refusé les avances de Jorge Sampaoli lorsqu'il était sélectionneur de la Roja chilienne, ne révélant que très récemment les raisons de ce refus (« Je préfère faire ce que je ressens plutôt que ce qui me convient. Je ne me voyais pas jouer pour une sélection qui n’est pas la mienne, pour un pays dans lequel je n’ai pas joué »). « La seule chose qui rend tout rêve impossible est la peur de l’échec » disait Pablo Guede (lire Pablo Guede : la nouvelle (r)évolution argentine), Ulloa a démontré que l’échec ne peut fragiliser un rêve.

Photo une : Michael Regan/Getty Images

JC Abeddou