Alors que l’Europe vit sous domination du Real Madrid, l’Amérique du Sud se dote de sa compétition continentale de clubs. Sacré lors de la première, Peñarol se présente un an plus tard au Brésil pour défendre sa couronne.
Les premiers pas
Créée en 1960, la Copa de Campeones de América n’est pas encore Libertadores mais a déjà posé ses premiers pas et fait rouler les premiers ballons sur le continent, s’appuyant notamment sur les racines plantées par les Copa Río de La Plata (ou Copa Aldao) qui a vu Argentins et Uruguayens croiser le fer entre 1916 et 1957 à intervalles plus ou moins réguliers ou le Campeonato Sudamericano de Campeones créé par Colo-Colo en 1948 et remporté par le Vasco de Moacir Barbosa. Son premier vainqueur est Peñarol, sorti vainqueur d’Olimpia au terme de la première finale d’une épreuve qui ne concernait alors que sept équipes.
L’année suivante, le tournoi conserve ce nom mais continue de croître. A l’exception du Venezuela, l’ensemble des autres pays du continent seront représentés pour la deuxième édition, le champion sortant n’est pas automatiquement qualifié, il participe à l’épreuve grâce son titre en Uruguay après un match de barrage disputé mi-décembre 1960 face au Cerro (et remporté 3-1). Ce sera la seule fois que le tenant du titre n’est pas automatiquement qualifié pour l’édition suivante, mais Peñarol n’en tiendra pas rigueur à la CONMEBOL.
A cette époque, pas de phase de groupe. La future Libertadores n’est qu’un sprint à élimination directe, il suffit de passer deux tours pour se retrouver en finale. Au premier tour, les Aurinegros atomisent Universitario et peuvent ainsi se permettre de perdre à Lima, ce sera leur seule défaite durant leur campagne victorieuse, leur première dans l’histoire de la Libertadores. Le véritable obstacle se dresse en demi-finale puisque Peñarol croise sa victime de la finale précédente, Olimpia. Mais renforcé par les arrivées de José Pepe Sasía, Juan Joya, el Diablo Edgardo González ou encore Pedro Rocha, ce Peñarol est encore plus fort que celui de l’an passé. Joya, Cano et Cubilla donnent une victoire claire et nette aux Carboneros à l’aller, Sasía et Cubilla marquent au retour, le Decano paraguayen est au tapis sans jamais avoir pu lutter face à l’ogre uruguayen. Ne reste alors plus qu’une étape, la finale et Palmeiras.
Le Verdão du début des années 60 est l’un des plus grands de l’histoire. Bâti par Osvaldo Brandão, l’embryon de la Primeira Academia de Futebol vient de décrocher la Taça Brasil, l’ancêtre du Brasileirão, en atomisant Fortaleza en finale (8-2) et compte dans ces rangs des joueurs tels que Valdir, Valdemar Carabina, Julinho Botelho et surtout Djalma Santos, le premier grand latéral droit du football brésilien, sans doute celui qui a posé la définition du latéral à la brésilienne. Ce Palmeiras est alors l’un des rares clubs à réussir à priver le Santos de Pelé de titres. Pour sa première en Libertadores, Palmeiras n’a pas perdu de temps en chemin, écartant Independiente et Santa Fe sur son passage.
Le match aller se déroule le 4 juin au Centenario où plus de 70 000 spectateurs se sont entassés pour voir les hommes de Scarone sortir sur la pelouse (le onze de Peñarol : Luis Maidana, William Martínez, Núber Cano, Edgardo González, Roberto Matosas, Walter Aguerre, Luis Cubilla, Ernesto Ledesma, Alberto Spencer, José Sasía, Juan Joya). Le match est disputé, acharné, les deux équipes ne semblent pas pouvoir se départager jusqu’à ce que la tête dorée, Alberto Spencer ne surgisse après une erreur de Djalma Santos et fasse alors exploser le Centenario. Dans le livre Os Dez Mais do Palmeiras, Valdir écrira « Ce fut la première fois que Djalma a fait une erreur, la première fois que je l’ai vu triste. » C’est donc fort d’un tout petit but d’avance que Peñarol se rend au Pacaembú le 11 juin 1961. Alors que le peuple brésilien croit en une victoire de son Palmeiras, le duo Spencer – Sasía frappe d’entrée, l’Equatorien donnant à l’Uruguayen pour le 1-0 en faveur des visiteurs dès la cinquième minute. La suite ne sera que gestion de la part des Aurinegros qui se feront tout de même peur en fin de partie lorsque Nardo égalise à l’entrée du dernier quart d’heure. Mais Luis Maidana fermera ensuite l’accès à ses buts, Peñarol conserve alors son titre.
1961, Peñarol sur le toit du monde
Dans le livre 120, Marcos Antúnez écrit : « 1961 est l’un des trois années les plus sensationnelles de l’histoire aurinegra. En plus de remporter pour la quatrième fois consécutive la Copa Uruguaya, le club a remporté pour la deuxième fois la Copa Campeones de América et la Coupe du Monde en s’imposant face à Benfica. » Après son succès en Libertadores, Peñarol, sacré champion d’Uruguay devant le Nacional, retrouve la finale d’une Coupe Intercontinentale, un an après avoir perdu (lourdement) la première édition face au Real Madrid (lire Coupe du Monde des Clubs : une longue tradition mondiale). En 1961, l’Europe s’est trouvée un nouveau roi, le Benfica. L’équipe de Béla Guttmann a mis fin à l’écrasante domination du Real et voit émerger dans ses rangs une future légende, Eusébio. Absent de la finale de Coupe d’Europe des Clubs Champions, il prendra part au troisième match de la finale de l’Intercontinentale, celui qui définira le futur champion après une victoire des lisboètes à domicile à l’aller et la lourde défaite des européens au retour (5-0, plus gros score de l’histoire de l’épreuve). Le plan de Scarone a parfaitement fonctionné au Centenario lors du deuxième match, le remplacement de Cabrera par Joya à gauche et la mission confiée à Ledesma de marquer à la culotte Coluna, buteur du premier match ayant permis d’annihiler toute opportunité adverse. Pour le troisième match, Eusébio est alors sur le terrain, il permettra un temps d’entretenir l’espoir lorsqu’il égalisera à 10 minutes de la pause. Mais ce 19 septembre 1961, Scarone a reconduit le même onze de départ et Sasía permet aux Carboneros de devenir les premiers sud-américains à décrocher une couronne mondiale, conclusion d’une année parfaite pour le club aurinegro. L’année suivante, ces deux équipes s’inclineront face au Santos de Pelé qui viendra alors prendre les lauriers continentaux et mondiaux (lire Santos – Benfica : quand Pelé porte Santos sur le toit du monde). Peñarol devra attendre 1966 pour retrouver un titre en Libertadores (lire 20 mai 1966 : la naissance des gallinas de River). 50 ans plus tard, les Carboneros retrouveront le Pacaembú, ils tomberont à nouveau face à Santos, emmené par un gamin nommé Neymar.