On connait désormais l’affiche de la finale d’AFF Suzuki Cup 2020. Pendant que la Thaïlande remporte le malsain duel des favoris, l’Indonésie dompte la folie pour rêver à un premier titre.

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Règlement de compte

Par Jonathan Branger

Cette opposition entre deux des favoris pour le titre de champion de cette nouvelle cuvée de l’AFF Suzuki Cup a pondu d’un règlement de compte entre deux nations qui, c’est peu de le dire, ne se portaient pas dans le cœur jusqu'à présent. Lors du match aller, un homme fait absolument toute la différence, Chanathip Songkrasin. Brassard de capitaine vissé au bras, le milieu de terrain de la Thaïlande illumine la rencontre de toute sa classe. Il récupère, oriente, donne le tempo et fait vaciller ses adversaires un à un. C’est de lui que viennent aussi les changements au tableau d’affichage. À la 14e minute, il profite des errances du collectif vietnamien pour ouvrir le score de manière totalement improbable. Dix minutes plus tard, le loquace laisse place à la classe, et le meneur de jeu de Consadole Sapporo double la mise au terme d’une action collective des Changsuek à tomber par terre. En face ? Le néant et la bêtise. Le Vietnam se décompose au fil du match jusqu'à tomber dans le ridicule total. Fautes grossières, pseudo intimidations et autres insultes venant du banc de touche ponctuent le reste de la rencontre. À la tête de cette triste démonstration, l'entraîneur coréen du Vietnam, Park Hang-Seo. Ce dernier s’illustre de la pire des manières durant et après le match, en vociférant sur tout ce qui bouge, de Mano Polking à l'arbitre de la rencontre en passant par les instances du football d’Asie du sud-est. La rivalité sportive entre les deux pays prend alors une tournure détestable et la haine entre les deux camps s’intensifient sur les réseaux sociaux jusqu'à prêter, de la part des fans vietnamiens, une relation conjugale entre l’arbitre de la rencontre et la directrice sportive de l'équipe nationale de Thaïlande, Madame Pang.

Entre sexisme et xénophobie, le match retour est loin d'être une ode au football. Les joueurs thaïs subissent, mais ne craquent pas tandis que leurs adversaires tentent de faire un semblant de jeu mais sans succès, l’esprit étant trop occupé à pourrir la rencontre. Sur le banc, Park Hang-Seo, que l’on surnomme désormais « l’abominable monsieur Park » en Thaïlande, continue son cirque grotesque jusqu’au coup de sifflet final. Score nul et vierge d’une double confrontation qui a vu le plus beau du football, Chanathip, comme le plus abject, Park Hang-Seo.

Au bout de la folie

Duel d’outsiders entre un hôte surclassé par la Thaïlande et une Indonésie qu’on n’attendait pas à pareille fête. Ces demi-finales en matchs aller-retour révélaient déjà leur incongruité puisque Singapour allait accueillir les deux matchs (dans le monde pré-COVID-19, chaque qualifié accueillait sur son propre sol). La première joute nous offrait un duel équilibré lors duquel chaque équipe dominait une mi-temps. Sur une belle combinaison entre Asnawi et Sulaeman, le second croisait parfaitement sa frappe pour battre Sunny (0-1, 28e). Les Garuda s’offrent de jolis mouvements mais voient progressivement les Lions revenir dans la partie. Les espaces se font plus ouverts et sur une belle remise de Ramli, le buteur local Ikhsan Fandi remet tout le monde à égalité (1-1, 70e).

Le match retour a été le match le plus fou de tout le tournoi. La règle du but à l’extérieur ne s’appliquant pas, les deux équipes se ruent à l’attaque. Un Sulaeman encore intenable met la misère à la défense locale et sert Walian qui met l’Indonésie aux commandes (1-0, 11e). On se dit que les rouges vont dérouler, mais le véritable festival commence à la 45e. Sur un coup-franc en faveur de Singapour, le capitaine Baharuddin se fait stupidement expulser, compliquant la tâche de ses compatriotes. Mais sur le coup-franc qui suit, Song Ui-young égalise un peu par surprise (1-1, 45+2e). Sûrs de leur supériorité, les Indonésiens s’éclatent techniquement mais oublient de concrétiser. Tout semble même plus facile quand Irfan Fandi rejoint son capitaine au vestiaire en tant que dernier défenseur. On se dit que c’en est fini de Singapour. Mais non, Shahdan Sulaiman exécute un superbe coup-franc dans la lunette d’Argawinata (1-2, 74e) ! Folie dans le stade ! Les Indonésiens se ruent à l’attaque et égalisent par Arhan (2-2, 87e) mais dans la minute qui suit, Singapour hérite d’un penalty. Faris Ramli s’élance… et voit Argawinata détourner sa frappe ! Irrationnel ! Les Lions avaient le but de la victoire à neuf contre onze mais les Dieux du foot ont prolongé l’agonie. Finalement, la prolongation a raison de la résistance des locaux, Anuar contre son camp (3-2, 91e) et Vikri (105+2e) scellent le score final. Singapour vit même une troisième expulsion, l’héroïque Hassan Sunny ayant fait faute après avoir déserté ses cages. L’Indonésie se qualifie un peu miraculeusement et s’offre la sixième finale d’une compétition qu’elle n’a jamais remportée. Le 1er janvier sera-t-il le début d’une nouvelle ère ?

 

 

 

Photo : 2021 Getty Images

Boris Ghanem
Boris Ghanem
Chroniques d'un ballon rond au Moyen-Orient, de Beyrouth à Baghdad, de Manama à Sanaa, football sous 40 degrés à l'ombre d'un palmier.