Bienvenue dans le championnat singapourien, dans lequel une équipe de Brunei peut affronter une du Japon. Plongée dans un match étrange.

bandeauedition

18 heures, le soleil se couche tout doucement sur la Cité du Lion. Singapour, cité-état, ville-monde et temple de la prédominance de la nature dans l’espace urbain allume petit à petit ses lumières. Carrefour de multiples cultures qui font la force de ce pays singulier et attrayant, Singapour n’est pourtant pas THE place to be lorsqu’il s’agit de parler de football.

Avec une population de seulement cinq millions d’habitants plus préoccupés par l’idée de se faire de la maille pour vivre – ou survivre, c’est selon – on ne peut pas dire que la cité-état brille par son talent footballistique. Ses faits de gloire sont loin derrière elle et elle ne fait plus illusion que grâce aux talents des trois frères Fandi, fils de la légende locale.

L’état du football est tel que le championnat ne comporte qu’une seule division de neuf clubs, dont l’un est l’équipe U23 de Singapour qui termine systématiquement dernière… Pire encore, deux clubs ne sont même pas Singapouriens ! Il s’agit de DPMM, club du Sultanat de Brunei venu se mesurer au gratin local, et Albirex Niigata, émanation du club japonais. Ça tombe bien, il s’agit du match entre ces deux clubs étranges que nous sommes allés voir.

Le DPMM FC (Duli Pengiran Muda Mahkota Football Club en malais, Club de Football de Son Altesse Royale Prince Héritier de Brunei en français) fait un peu office d’équipe nationale brunéienne, la majeure partie de son équipe étant appelée sous les drapeaux lors de matchs internationaux. Ayant officié dans la ligue malaisienne précédemment, l’équipe a rejoint le championnat de Singapour en 2009 et même remporté le championnat en 2015. De son côté, l’Albirex Niigata Singapore – ou Albirex Niigata (S) – est le club satellite de celui officiant au Japon sous le même nom. La ligue singapourienne avait pris le parti d’inviter des équipes étrangères afin de remédier aux faibles affluences locales et élever le niveau. La quasi-totalité de l’équipe est constituée de Japonais, ce qui n’est pas pour déplaire aux milliers de Nippons vivant à Singapour, ainsi que du gardien de l’équipe nationale, le vétéran Hassan Sunny.

Pour ce qui est de la foule en tribunes, difficile de savoir s’il y a eu une amélioration. À peu près deux cents personnes garnissent les gradins du Jalan Besar Stadium, deuxième plus grand stade local. Seule une tribune est d’ailleurs ouverte au public et un tambour résonne dans le niveau supérieur. Le match commence avec une grosse pression du DPMM, pas intimidé par la première place de son adversaire, mais les Rouges et Noirs peinent à se montrer dangereux. Techniquement, les Nippons sont au-dessus mais ronronnent encore. Passé la demi-heure, ils se mettent à accélérer alors que le pauvre Biélorusse Voronkov ne peut exploiter les longues saucisses envoyées vers lui par des Brunéiens limités. Peu avant la mi-temps, le vétéran Tadanari Lee, ancien de Southampton, croise parfaitement sa tête et ouvre le score pour Albirex. Le tambour situé en tribune VIP repart de plus belle et les cris des enfants résonnent dans un stade clairsemé. Tout sauf une surprise.

Albirex tue tout suspense dès le début de la deuxième mi-temps grâce à Shodai Yokodama. En cinq minutes le match est plié. D’autres occasions d’aggraver le score apparaîtront, mais la tête de Hariya est signalée hors-jeu, tandis que Kunori foire lamentablement un penalty consécutif à une faute de Hanif dans la surface. Du côté brunéien, seul l’international afghan Farshad Noor, formé au PSV, le Biélorusse Voronkov et Yura Putera ont essayé de maintenir le navire à flot, mais l’opposition était trop forte. Dans les tribunes, un Japonais semble avoir pris fait et cause pour le DPMM, s’égosillant sur chaque faute commise par Albirex, au milieu de la torpeur descendant sur la foule.

Le match se termine et confirme la bonne forme de l’Albirex, au coude-à-coude avec Tampines Rovers, tandis que DPMM se morfond à l’avant-dernière place du classement. La nuit est déjà tombée à Singapour qui de toute façon n’a d’yeux que pour la Premier League et la Ligue des Champions. Les nombreux cernes et les maillots de City croisés ci et là ne font que confirmer cette tendance…

Résumé vidéo

Boris Ghanem
Boris Ghanem
Chroniques d'un ballon rond au Moyen-Orient, de Beyrouth à Baghdad, de Manama à Sanaa, football sous 40 degrés à l'ombre d'un palmier.