L’Australie ouvre la quinzième saison de son championnat de A-League. Une année charnière, celle du renouveau, où le Western United FC lance la phase d’expansion d’un championnat qui veut s’imposer encore plus encore dans la culture australienne.
Cette saison 2019-2020 sera une des saisons les plus importantes pour le championnat national australien. En perte d’audimat et de popularité, il a fallu faire des choix forts afin de dynamiser un championnat devenant de plus en plus moribond. Premier choix capital, celui de l’expansion. Très loin du championnat états-unien et ses vingt-quatre équipes, la A-League débutera la saison 2020-21 avec onze équipes avec pour nouveau venu le Western United Football Club. Une arrivée chamboulant le calendrier avec un chiffre impair de clubs. Chaque semaine verra donc un club exempt. Deuxième grand changement : la Fédération (FFA) ne gouvernera plus la ligue de football masculin, féminin et celle des équipes réserves des clubs professionnels. Une indépendance voulue par les clubs et leurs dirigeants regroupés au sein de l’Australian Professionnal Football Clubs Association qui prend désormais en charge la destinée des championnats professionnels masculins et féminins (une décision qui devrait par ailleurs assurer l’avenir des Wellington Phoenix, membre de l’APFCA). Conséquence, David Gallop, qui dirigeait la A-League depuis la FFA et qui fut d’abord le président Directeur Général de la National Rugby League et fan de rugby avant tout, quittera son poste en fin d’année. La mue est en cours, elle vise à poursuivre le développement du football professionnel en Australie. Un premier élément clé a été ciblé : la couverture médiatique. Chasse gardée de FOX Sports Australia, pour un investissement finalement peu rentable et un audimat réduit à sa portion congrue (sur certaines rencontres, les audiences ne dépassaient pas les 60 à 70 000 téléspectateurs), la A-League va désormais envahir l’espace public après la signature d’un accord avec la chaîne publique ABC qui co-diffusera les rencontres avec Fox Sports. Ces trois angles stratégiques activés, la ligue n’a plus qu’à attendre de ses clubs de faire le spectacle. Au sein des onze clubs de cette nouvelle saison, les stratégies ont été multiples et l’intersaison a été celle des changements de cap, des refontes complètes d’effectif, de la construction pour le Western United et pour les meilleurs, de la consolidation.
L’inconnu de Melbourne
Positionné au Sud-ouest de Melbourne, Western United Football Club a tous les regards braqués sur lui. Une franchise toute neuve, inconnue donc mais avec tout de même une dose de déjà-vu, notamment Mark Rudan aux commandes. Au terme d’une superbe saison avec le Wellington Phoenix, Rudan s’en est allé chercher un autre projet à Melbourne afin de rejoindre son pays natal et revenir au plus proche de sa famille. Les prochains pensionnaires du GMHBA Stadium ont ensuite attirés les noms connus des terrains australiens : Andrew Durante, Besart Berisha, Filip Kurto, Josh Risdon, Ersan Gülüm, Kone ou encore Scott McDonald. Les joueurs d’expériences sont là, à l’image du retour de Berisha, meilleur buteur de l’histoire du championnat (116 buts) qui revient d’une pige d’un an au Japon et de l’arrivée de Durante, l’homme qui compte le plus grand nombre de matchs de A-League (283). Rudan s’est attaché de l’expérience. Au milieu de ces cadors, l’ancien international italien Alessandro Diamanti sera la prochaine star et successeur de Keisuke Honda pour attirer toute la lumière des projecteurs. L’Italien sera le capitaine de la nouvelle franchise, il est attendu au tournant, tout comme son équipe. Rudan devra pousser ses joueurs à décrocher une place en play-offs si l’on s’en tient au mercato effectué. Et jouer des épaules avec ses nouveaux rivaux de Melbourne, les ogres City et Victory.
Tout changer et revenir
Il y a quelques années, parler du Central Coast Mariners ou du Brisbane Roar se résumait à parler de clubs champions, de concurrents au titre. Depuis, tout a été perdu et les changements d’ère n’ont jamais permis de redorer à nouveau les blasons. Alors pour cette année encore, tout change pour la lanterne rouge et l’avant-dernier de la saison 2018-19. Du côté du Central Coast Mariners, la volonté est de rendre moins poreuse une défense complètement dépassée lors du dernier exercice (70 buts encaissés, seul le Roar et ses 71 buts concédés a fait pire). Les malheureux Mariners avaient également subi la plus grosse défaite à domicile par un 8 à 2 contre le Wellington Phoenix. Alen Stajčić a donc renforcé ces secteurs en priorité : le milieu, la défense et le gardien de but avec le non-moindre Mark Birighitti. Les diverses arrivées ont permis d’entrevoir un mieux en FFA Cup avec une demi-finale accrochée, meilleure performance de l’histoire du club, même si face à Adelaïde United, les jaunes et bleus ont encore montré des signes de défaillances dans leurs lignes arrières. Stajčić pourrait fortement compter sur Ziggy Gordon, l’Écossais arrivé de Hamilton AFC pourrait être la pièce maîtresse qu’il manquait à ce club. Dans l’État du Queensland, on s’est d’abord réjouit de retrouver une icône du championnat à la tête du club, Robbie Fowler. L’Anglais est arrivé avec ses plans et a dissout l’effectif. Bilan : seize départs ! Le Brisbane Roar a donc été très actif sur le marché des transferts et s’est même permis de récupérer Roy O’Donovan de Newcastle Jets, sans parler du Gallois Aaron Amadi-Halloway ou de Jai Ingham voire d’Aiden O’Neill prêté par Burnley FC. Un effectif alléchant sur le papier mais qui n’a pas été performant en FFA Cup en se faisant éliminer par le Central Coast Mariners en huitièmes de finale. Robbie Fowler qui a déjà exercé en Thaïlande au Muanghthong United devra faire revenir Brisbane au moins jusqu’en play-offs. L’effectif est là, il ne manquera plus qu’à trouver l’alchimie pour faire fonctionner le tout.
Ailleurs, la reconstruction est aussi au programme. En Nouvelle-Zélande, le Wellington Phoenix a savouré une superbe saison avec Mark Rudan aux commandes et des joueurs tels que Roy Krishna, David Williams ou Sarpreet Singh. Singh a d’ailleurs quitté le pays et la ligue pour la Bundesliga où il est allé rejoindre le FC Bayern. Le jeune néo-zélandais ne jouera pas encore à l’Allianz Stadium, mais évolue avec l’équipe réserve en troisième division. Un départ qui a fait entrer près d’1M$ dans les caisses du club, un record. Wellington ne pourra cependant pas s’appuyer sur sa saison pour aller chercher une meilleure place au classement général. Rudan a quitté le navire comme Singh, Williams et Krishna, les trois meilleurs buteurs du club, ou encore Filip Kurto, élu meilleur gardien de la saison dernière qui a également signé au Western United FC. Les dirigeants du club ont donc décidé de profiter de l’occasion pour élaborer une autre stratégie en s’attachant les services de jeunes joueurs néo-zélandais à fort potentiel mis en lumière par la Coupe du Monde U20. Ainsi, Wellington s’est emparé de Ben Waine, Callum McCowatt, Tim Payne et Te Atawhai Hudson-Wihongi tout en conservant Liberato Cacace. Stefan Marinkovic, plus âgé, mais également néo-zélandais a signé au club. Ufuk Talay, le nouvel entraîneur du club, a misé sur un apport d’expérience et d’habitués du championnat en attirant Joshua Sotirio, Luke DeVere et surtout l’allemand Matti Steinmann. Si l’idée générale est astucieuse, Singh a notamment explosé grâce et notamment aux joueurs d’expérience qui l’entouraient alors, Wellington est l’équipe ayant la moyenne d’âge la plus faible, 23,6 ans, ce qui n'est pas synonyme de victoire en Australie. Surtout qu’à quelques jours de la reprise, le club reste toujours sans attaquant vedette.
Sans individualité, chercher un collectif
Tout comme Wellington, Adelaïde United a souffert à l’intersaison. La direction n’a pas voulu conserver Marco Kurz avec son style de jeu défensif et a préféré s’accaparer les services du technicien néerlandais Gertjan Verbeek. L’ancien coach du VfL Bochum a expliqué au cours de différentes conférences de presse que son équipe, sans réelle individualité, sera portée sur un jeu collectif. Une idée mise en pratique sur le terrain, ses Reds étant qualifiés pour la finale de la coupe nationale après un parcours honorable en s’offrant des courtes victoires face à Newcastle Jets (1-0) et le Central Coast Mariners (1-2). À peine arrivé en Australie, Verbeek est proche de faire soulever une troisième coupe nationale aux joueurs de l’État du South Australia. Dans l’effectif, les paroles de Verbeek font échos aux départs de Craig Goodwin et du capitaine Isaias qui furent à eux deux, les astres du jeu d’Adelaïde la saison précédente. Adelaïde s’est légèrement renforcé en quantité si l’on compare avec Brisbane ou Central Coast, mais l’a fait en qualité : Riley McGree, James Troisi et Kristian Opseth (le Norvégien a déjà montré ses affinités dans le jeu avec McGree en coupe nationale). L’arrivée tardive de Troisi reste une aubaine pour le club faisant revenir à la maison l’international australien. Cependant, les regards devraient se braquer sur un autre joueur, la prochaine révélation australienne tant ses premières prestations ont été intéressantes : Al Hassan Touré. Promu de l’équipe réserve, le tout jeune ailier de 18 ans a déjà quatre but en quatre apparitions durant le parcours en coupe nationale. Une pépite pouvant faire oublier Goodwin ? Tout le peuple rouge d’Adelaïde le souhaite.
Les idées de Verbeek sont proches de celles d’Ernie Merrick à Newcastle. À la tête du club du New South Wales depuis deux ans, l’Écossais a une nouvelle fois subit les joutes du mercato en voyant s’envoler Roy O’Donovan au Nord de l’État, à Brisbane. D’autres ont également pris d’autres chemins à l’image de Daniel Georgievski ou Ronald Vargas. L’effectif a été ajusté avec l’arrivée de l’attaquant international panaméen Abdiel Arroyo, mais surtout de celle de Wes Hoolahan. Un cadeau empoisonné, l’Irlandais s’est blessé jusqu’en 2020 et Kaine Sheppard va traîner une blessure au moins jusqu’aux fêtes de fin d’année. Ernie Merrick va devoir trouver une solution afin de ne pas voir ses Jets se battre en dehors des places de play-offs.
Secousses sismiques
Le sol tremble ailleurs et surtout à Sydney, à l’Est de la ville où le Bankwest Stadium est enfin érigé. Une partie de la ville s’était éteinte dans les travées de l’ANZ Stadium durant trois saisons quand l’on a demandé au Western Sydney Wanderers de déménager de son Parramatta Stadium en attendant que le stade renaisse de ses centres. Le Western Sydney Wanderers a certainement perdu de sa valeur sportive depuis son sacre asiatique en 2012, mais la fidélité des supporters est restée la même, inchangée malgré un ANZ Stadium dix fois trop grand pour les supporters du WSW et du football australien en général. Aujourd’hui, à l’idée de revoir les ultras du Red and Black Bloc chauffer un stade à taille footballistique, on salive déjà des derbies de la ville face au Sydney FC. Sur le rectangle vert, Markus Babbel avait voulu chauffer encore plus ses supporters en essayant de faire venir Franck Ribéry. Échec. Alors Markus Babbel a continué de travailler en Europe afin de trouver des joueurs : Pirmin Schwegler passé par le Hanovre 96, arrive accompagné de son compatriote suisse Daniel Lopar. Le nouveau portier de Sydney arrive à temps au club après une saison ratée de Vedran Janjetovic. Les recrues des Rouge et Noir ont surtout été au milieu de terrain avec Radoslaw Majewski, mais lui aussi déjà blessé avec une rupture des ligaments croisés. Comme Ernie Merrick, Markus Babbel débute avec son meilleur joueur à l’infirmerie. Majewski avait montré de belles choses en amical et remplaçait surtout Alexander Baumjohann dans le cœur du jeu du WSW. Il est un secteur dans lequel le Wanderers a parfaitement bien travaillé son intersaison : la défense. Daniel Georgievski, Dylan McGowan et Matthew Jurman, neuf titres nationaux à eux trois, ont rejoint le club. Michael Jordan disait qu’une « défense faisait gagner des titres », ces recrues arrivent ainsi pour confirmer l’adage ou tout du moins pour replacer l’Est du Sydney en haut du classement du championnat. Restait à trouver un buteur, il se nommera Alexander Meier. L’attaquant allemand revient d’un périple germanique qui l’a conduit à faire trembler les filets à 128 reprises. Suffisant pour faire du Bankwest Stadium une place-forte du football australien ?
Mastodontes
Reste les ogres du championnat, les quatre fantastiques qu’on n’imagine pas ne pas prendre les quatre premières places du championnat : Perth Glory FC, Sydney FC, Melbourne Victory FC et Melbourne City FC. Champion de saison régulière, mais finaliste perdant de la finale des play-offs, Perth Glory FC a laissé ses joueurs ayant fini leur histoire au club aller voir ailleurs. Andy Keogh a rejoint Al-Qadsiah et Brendon Santalab a préféré reculer d’un échelon et jouer en deuxième division. En dégraissant ainsi, Tony Popovic a changé ses pièces et semble miser sur le secteur défensif avec sept des neuf recrues à vocation défensive, « seul » Bruno Fornaroli et à moindre mesure, Nicholas D’Agostino renforçant les lignes offensives. Fornaroli aura à cœur de rebondir après une année blanche à Melbourne City FC. L’attaquant uruguayen ne s’entendait pas avec Warren Joyce qui a préféré se séparer du joueur en le laissant en tribune. Tony Popovic, après avoir fait soulever le premier titre de Perth depuis l’intronisation de la A-League, doit s’affirmer sur une seconde saison et au bout de celle-ci, rompre avec une malédiction qui le ronge : quatre défaites en quatre finales de play-offs. Une tâche dans son palmarès où trônent deux titres de champions de saison régulière (2013, 2019) et une Ligue des Champions (2012). L’objectif sera d’être candidat à sa propre succession.
Un objectif visé par Sydney FC. L’intersaison fut à l’image de Perth, un dégraissage massif et des renforts de poids. Les Sky Blues ont clairement marqué le mercato avec la signature de Kosta Barbarouses (Melbourne Victory), Alexander Baumjohann (WS Wanderers), Luke Brattan (Melbourne City) et Ryan McGowan, le défenseur australien. Sydney FC a fait aussi simple que redoutable : prendre les meilleurs joueurs des concurrents. Les retrouvailles de chaque joueur avec leurs anciens coéquipiers sont déjà fortement attendues. Mais les Sky Blues s’annoncent comme l’une des machines les plus impressionnantes de l’année.
Du côté du Melbourne City, la France est de nouveau à l’honneur. Erick Mombaerts a pris possession des commandes du club. L’ancien coach du TFC et des Espoirs français a d’abord analysé son équipe, mis en évidence les lacunes de trois années de Warren Joyce, et remis au gout du jour la volonté d’avoir une identité dans le jeu. Melbourne City sera donc un club au jeu offensif et porté clairement sur l’avant, une stratégie complètement différente des idées de Joyce. Un secteur dans lequel l’autre français du club, Florin Bérenguer, aura sa carte à jouer. Avec Jamie Maclaren à la pointe de l’attaque, Bérenguer a déjà montré de belles connections, comme l’atteste leur demi-finale face aux Brisbane Strikers et la qualification qui s’en est suivie et pourrait offrir au Français un premier titre en Australie. Pour viser le haut du classement, City va cependant devoir changer la mauvaise habitude de laisser des points filer.
Dernier club de ce quatuor de favoris, le Big V de Melbourne. L’autre ogre du championnat avec le Sydney FC a décidé de se séparer de Kevin Muscat, au club depuis 2005 (d’abord comme joueur puis, depuis 2013 comme entraîneur) pour attirer Marco Kurz auteur d’un travail remarquable avec Adelaïde. Catalogué comme un entraîneur défensif, son Adelaïde avait surtout la deuxième attaque la moins performante de la saison 2018-19, Kurz avait hissé le club à une solide quatrième place à seulement six points du Melbourne Victory, était tombé sur le fil en demi-finale face à Perth et a disputé deux finales de FFA Cup en deux saisons (une perdue, une gagnée). Reste que finalement, le choix n’est pas véritablement surprenant tant le profil de Kurz est similaire à celui de Muscat, les excès en moins. Il démontre la volonté du Victory de reconstruire sans pour autant détruire ses fondations histoire de perdre le moins de temps possible. Sur le terrain, tous les secteurs ont été renforcés : Adama Traoré est revenu, James Donachie et Tim Hoogland aussi, Jakob Poulsen et Kristijan Dobras arrivent au milieu. En attaque, Ola Toivonen sera encore là, héritant du brassard de capitaine. Le géant suédois s’est baladé lors du précédent exercice et voit arriver à ses côtés Robbie Kruse à gauche et Andrew Nabbout à sa droite. Les deux internationaux australiens sont revenus en Australie trouver du temps de jeu et surtout, taper à nouveau dans l’œil du sélectionneur national pour les prochains rendez-vous de la sélection. Kurz n’avait pas eu tous ces moyens à Adelaïde, il sera ainsi observé de près. Comment résistera-t-il à une pression supérieure à celle qu’il avait sur les épaules à Adelaïde ? Parviendra-t-il à impulser une nouvelle vie à un Victory qui était clairement en fin de cycle sous Muscat ? Autant de questions que seul la vérité du terrain parviendra à résoudre.