Quand on évoque le football en Thaïlande, la première équipe qui vient à l'esprit est forcément Muangthong United. Club aux moyens colossaux, les Kirins (surnom du club) ont cependant vécu une saison difficile comme l’atteste leur septième place au classement. Malgré cet échec, un homme fait office d’espoir pour le futur du club. Pour ce sixième épisode de nos bilans, focus sur Mario Gjurovski, ex-idole et entraîneur d’un géant local qui doit se remettre sur le droit chemin au plus vite.

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Le 28 mars dernier, BG Pathum Thani, fraîchement champion de Thaïlande, se déplace au SCG Stadium de Muangthong United. Invaincus jusqu'à ce match, l'objectif des Rabbits est clair, terminer le championnat sans avoir connu le goût amer provoqué par une défaite. Cependant, il y a un homme qui ne l’entend pas de cette oreille. Assis sur le banc de Muangthong United FC, Mario Gjurovski compte bien contrecarrer le projet d'invincibilité de son adversaire. Après quatre-vingt dix minutes pour le moins intenses, c’est chose faite. Muangthong vient à bout de BG Pathum Thani, un but à zéro. À défaut d’un titre officiel cette saison, les Kirins peuvent au moins se targuer d'être la seule équipe du championnat à avoir vaincu le champion, c’est déjà ça. De cette victoire, renaît l’espoir, celui de la renaissance d’un club, probablement le plus grand de Thaïlande, par le biais du coach Gjurovski.

Le joueur, l’idole

Bien avant d’enfiler sa cape d'entraîneur, Mario Gjurovski a longtemps traîné son style dans le monde du football professionnel en tant que joueur. Milieu offensif, rapide et percutant, il connaît un début de carrière laborieux, enchaînant les prêts et transferts dans différents clubs de son pays d’origine, la Serbie. C’est seulement en 2015 que le joueur originaire de Belgrade commence à faire parler de lui. Alors sous les couleurs du Bezanija FC, il est auteur de dix-huit buts et participe grandement à la montée du club en première division. S’ensuit un transfert au Vojvodina FC, où Mario Gjurovski reste trois années pendant lesquelles son envie de voyager, hors du pays qui l’a vu naître, commence à mûrir. C’est chose faite en 2011, direction l’Ukraine, le Metallurg Donetsk.

Malheureusement, ce premier voyage hors de son pays est un échec cuisant. Avec moins de dix apparitions sous le maillot du club ukrainien, Mario Gjurovski est alors à un tournant de sa carrière. Âgé de vingt-six ans et bien déterminé à prouver qu’il peut briller loin de sa Serbie natale, il fait alors un choix radical, celui de rejoindre la Thaïlande et le club de Muangthong United FC.  Ce choix surprenant résonne alors comme la dernière chance de briller d’un joueur certes talentueux, mais qui n’a pas encore atteint les sommets.

À cette époque-là, Muangthong United est le club phare du pays. Mastodonte économique et sportif soutenu par la plus grande entreprise de matériel de construction d’Asie du sud-est, SC Group, le club rafle la plupart des titres nationaux. Champion et vainqueur de la FA Cup en 2009 et 2010, le club de Nonthaburi enchaîne aussi les coups médiatiques, à l'image de la signature de Robbie Fowler en 2011. C’est dans ce contexte particulier que débarque Mario Gjurovski, ce mariage est une totale réussite. Dès sa première année au club, le natif de Belgrade fait des étincelles en inscrivant quatorze buts en trente matchs, faisant de lui le deuxième meilleur buteur du club. Son duo avec l’attaquant star, Teerasil Dangda, fait le bonheur de Muangthong United et permet au club de finir champion de Thaïlande en réalisant l’invraisemblable exploit de terminer le championnat invaincu.

Au-delà de ses statistiques, Mario Gjurovski devient l’idole des supporters kirins par son comportement. Dans un pays où l'exubérance n’est pas vraiment culturelle, le Serbe détonne par ses célébrations théâtrales et ses effusions de joie qu’ils partagent chaque match avec le public. L’histoire d’amour entre l’homme et les supporters est totale. De l’aveu de beaucoup, c’est la relation la plus fusionnelle entre un joueur étranger et un club local. C’est dire. En 2016, Mario Gjurovski décide cependant de rompre avec sa dulcinée et part dans les bras d’un Bangkok United qui se veut ambitieux. Même si cet adultère est une réussite (vingt-neuf buts en une cinquantaine de matchs), le milieu offensif a Muangthong dans le sang, chez qui il retourne jouer le temps d’un bref passage en 2019, le temps de dire au revoir...en tant que joueur.

L'entraîneur, l’espoir

Dans la vie, il est certainement impossible d'échapper à son destin. Celui de Mario Gjurovski, semble lié à celui des Kirins. Nous sommes alors en octobre 2020, alors que les journées de la saison de Toyota Thai League s'enchaînent rapidement pour rattraper les retards causés par la COVID-19, Muangthong United s’enfonce dans la crise. Avec cinq défaites en neuf matchs, le club est en perdition sportive totale. C’est ainsi que les dirigeants prennent la décision de faire du neuf avec du vieux, en engageant Mario Gjurovski comme entraîneur à la place du brésilien Alexandre Gama. Ce dernier part immédiatement chez l’ennemi Buriram United. Cet enchaînement d'événements est un tremblement de terre footballistique en Thaïlande, d’autant plus que les deux clubs s’affrontent quelques jours plus tard.

Et c’est cette rencontre qui fait basculer la saison de Muangthong United. Avec une victoire trois buts à deux face à l'ennemi Buriram d’Alexandre Gama, la côte de Mario Gjurovski touche les étoiles. Déjà idole du club en tant que joueur, le Serbe fait déjà l'unanimité en tant qu’entraineur après un seul match. Une adulation déraisonnable ? Probablement, mais c’est à l'image de Muangthong United, club fou où la passion l’emporte toujours sur la raison. Cet amour est la ligne directrice du reste de la saison. En effet, Mario Gjurovski parvient à remettre le club sur le droit chemin sans pour autant faire de miracles. Avec neuf victoires, quatre nuls et six défaites en dix-neuf rencontres, les kirins font le minimum syndical pour redresser la tête. Malgré ce bilan juste acceptable, les supporters se délectent de voir l’idole Mario sur le banc, quitte à faire preuve d’un soupçon d’aveuglement.

À défaut d’avoir pu placer le club sur le podium, Mario Gjurovski a su ramener de l’enthousiasme au sein du club, à le faire vibrer à nouveau et à montrer au reste du pays que cette saison n’est qu’un simple accident et que Muangthong United a été et redeviendra le patron local. Si l’objectif émotionnel a été atteint, il va cependant falloir que le club se retrousse sérieusement les manches en vue de remplir l’armoire à trophées la saison prochaine. Dans un championnat qui verra une lutte entre beaucoup d'équipes ambitieuses (BG Pathum Thani, Buriram United, Chiang Rai, Port FC), les Kirins devront montrer les muscles et faire preuve de plus de stabilité sur le plan sportif et institutionnel. Pour cela, ils pourront compter sur leur super-héros, coach Mario. 

Jonathan Branger
Jonathan Branger
Rédacteur et correspondant foot Thaï pour LO