La 65e saison du championnat de football tunisien depuis l’indépendance démarre ce samedi, et avec elle une nouvelle session de questionnements autour de l’éternel débat : aura-t-on droit à un nouveau cavalier seul du triple tenant du titre espérantiste ou est-ce que l’une des trois autres grosses cylindrées (CA, ESS, CSS) arrivera à briser cette hégémonie ? Présentation des favoris, des vedettes, des espoirs, bref tout pour suivre cette LP1 19-20 dans les meilleures conditions.

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Le favori : EST, un nouveau cycle à enclencher

Finalement déclarés vainqueurs de la C1 africaine 2018-2019 en août après une longue bataille administrative, les Sang et Or repartent à l’assaut de nombreux lièvres (championnat, coupe, supercoupes, C1 africaines et arabes, mondial des clubs) avec un visage profondément changé au niveau du onze-type, du fait des départs de quatre cadres (Ben Mohamed au Havre, Chaalali à Malatyaspor, Bguir à Al Abha en Arabie saoudite et Kom à Al Rayyan au Qatar), la blessure longue durée du milieu de terrain Coulibaly, et la reprise du champion d’Afrique Belaïli après une pause d’un mois post-CAN (avant un possible départ ?). Les Tunisois n’ont pas chômé niveau arrivées, vu que pas moins de huit recrutements ont été enregistrés, dont trois éléments confirmés issus du championnat d’Algérie : le milieu de terrain Benguit (Paradou, ex-international U23), le défenseur Badrane (ES Sétif), et l’attaquant Bensaha (DRB Tadjenanet). Il faudra du temps pour qu’une hiérarchie se dégage et qu’une dynamique se recrée, mais avec toutes les échéances immédiates, l’Espérance n’a pas vraiment de temps à perdre.

Les trois chasseurs : l’ESS déjà sur le pont, entame rêvée pour le CSS, enfin de la sérénité pour le CA ?

Le temps, l’Étoile du Sahel n’en a pas à perdre non plus. Le « retour vers le futur » fraîchement décidé avec un énième comeback de Faouzi Benzarti à la tête de l’équipe première a débuté par une défaite en finale de Coupe de Tunisie face au CS Sfaxien samedi dernier, et déjà se profile un périlleux premier tour retour de C1 Africaine face à Hafia Conakry (1-2 pour les Guinéens à l’aller). Sans stade fixe et obligé de varier suivant la compétition pour un moment le temps que le Stade Olympique de Sousse soit rénové, avec une animation offensive à repenser vu le style très « pragmatique » du coach et la pléthore d’éléments offensifs à associer, l’ESS a aussi du pain sur la planche comme le rival espérantiste, avec une touche d’urgence et de mise sous pression rapide en plus.

Logiquement, s’il y a un perdant déçu, il y a un gagnant satisfait : vainqueur de sa cinquième coupe de Tunisie face à l’Étoile, le CS Sfaxien s’est offert le droit de débuter la saison sans pression pour l’entraîneur Nebojša Jovović, avec pour le moment aucun cadre de perdu (pas de championnat saoudien pour l’attaquant Firas Chaouat, le défenseur Hnid à priori parti pour rester) et la lente mais sûre montée en puissance du possible futur de la Tunisie au poste de gardien, le rempart Aymen Dahmen qui comme son vis-à-vis étoilé Bdiri a repoussé deux tirs aux buts samedi dernier. Toujours à l’affût de bons plans pour la post-formation, le CSS pourrait profiter de sa possible confrontation contre la pépinière de talents algériens du Paradou en C3 africaine (les jeunes pousses de l’AC Paradou ont pris une option pour passer le tour préliminaire aller en battant les Guinéens de Kamsar 3-0) pour repérer avant tout le monde et attirer dans ses filets un ou deux futurs génies comme cette académie sait en produire.

Et si le CA, modèle d’enchaînement de crises et psychodrames et adeptes des tempêtes tumultueuses, s’était enfin assagi ? Une saison 2018-2019 décevante mais conclue sans trop faire de vagues et qui a un peu abaissé l’attente dévorante des supporters, un effectif qui n’a pas trop bougé comportant encore des valeurs sûres (Ayadi, Ben Yahia, Khalil) une promesse qui doit confirmer (Chammakhi) des anciens sur le retour (Khalifa, Belkhiter), avec un entraîneur local (Lassaad Dridi) qui reste sur deux bonnes expériences (une période intéressante avec le CSS, et l’USMO ressuscité alors qu’elle avait un pied et demi en Ligue 2 en décembre), les Clubistes vont peut-être enfin pouvoir travailler sereinement et repartir sur des bases solides, avec qui plus est un calendrier délesté de compétions continentales. Peut-être, car l’étincelle provoquant le déchaînement de la fanbase peut fuser à tout moment, et que ce soit dans la manière ou le résultat, le Club Africain doit être paré dès la journée inaugurale de samedi, dans le petit derby face au Stade Tunisien.

Les outsiders : USBG et CAB, montée en chauffe

Quatrièmes et sixièmes respectivement de la saison dernière, l’US Ben Guerdane et le CA Bizertin ont débuté en avance, l’un au premier tour de C3 africaine, l’autre au tour préliminaire de coupe arabe. Les deux « Jaune et Noir » du championnat avaient déjà marqué les esprits la saison dernière, l’un par son caractère intraitable à domicile, l’autre par sa phase aller réussie malheureusement suivie d’un effondrement total en sortie d’hiver. Mais avec des effectifs solides et cette montée dans le rythme rapide avec les matchs officiels estivaux, nul doute que sudistes et nordistes seront de nouveau candidats au top 5.

Réforme de l’UNAF et mercato : un danger pour la post-formation en Tunisie ?

La Tunisie a été la première à mettre en pratique la réforme de l’Union Africaine de Football sur les transferts, qui favorise le libre-échange de joueurs entre pays membres de l’Union (Tunisie, Algérie, Maroc, Libye, Égypte) les dits joueurs n’étant donc plus considérés comme extra-communautaires. Le résultat ne s’est pas fait attendre, puisque désormais près de 35 joueurs UNAF (dont 22 Algériens) seraient sous contrat dans des clubs de première division tunisienne, et le flux ne cesse de s’intensifier, que ce soit les trois recrues algériennes de l’Espérance, les arrivées récentes des Libyens Sola (JSK) et Omar (CSHL), Boukhenchouche (JS Kabylie) à l’Étoile du Sahel, Chettal (CR Belouizdad) au CA Bizertin, et la liste est longue. À terme, si l’arrivée massive de joueurs d’autres pays d’Afrique du Nord se poursuit (alors même que certains, comme Meziani à l’EST ou Laribi à l’ESS n’arrivent pas à s’imposer) peut-il être problématique pour le temps de jeu des jeunes locaux en post-formation ? Deux points de vue s’opposent : l’apport positif, pour l’accélération de la maturité des jeunes tunisiens, d’un environnement plus concurrentiel et plus sélectif qui les sort de leur zone de confort et les pousse à se surpasser, ou un apport négatif sur le plan psychologique qui entraîne les jeunes sur la voie des prêts ou des changements de clubs fréquents pour échapper à des horizons bouchés. Il faudra observer sur cette saison la tendance de ces arrivées, en attendant de voir si l’application de cette loi dans d’autres pays membres de l’UNAF limite le débit entrant en Tunisie et rééquilibre les flux.

Les énigmes

Parmi les arrivées récentes, dans lesquelles on recense des parcours dans plusieurs pays, se cachent peut-être les futures vedettes du championnat ou de futurs flops monumentaux. Parmi ces arrivées récentes, on peut citer l’ancien espoir de l’Olympique Lyonnais Yannis Tafer, recruté par l’Étoile du Sahel après deux dernières saisons à Saint-Gall (Suisse) ponctuées d’un seul but en 1900 minutes en championnat ; le jeune franco-tunisien Rayed Derbali, recruté par le CAB en provenance des U18 de Sunderland ; l’attaquant nigérian Anthony Okpotu (USMO), titulaire avec le Nigéria au CHAN 2018 (dont il sera finaliste) puis prêté par le Difaa El Jadida (Maroc) à Laçi, en Albanie ; ou encore le brésilien Ricardo Alves Pereira « Ricardinho » qui a écumé championnats d’état au Brésil, Serie B brésilienne, J.League, K League, et surtout un doublé avec l’US Ben Guerdane pour son premier match de C3 africaine. Des profils aussi énigmatiques qu’imprévisibles.

Pronostics de la rédaction Tunisie de Lucarne Opposée (à ne surtout pas suivre)

Top 3 (dans l’ordre) : ES Sahel, Espérance de Tunis et Club Africain.

Meilleur buteur : Chammakhi (CA).

Meilleur joueur : Benguit (EST).

Meilleur gardien : Dahmen (CSS).

Fin novembre huit clubs sur quatorze auront déjà changé d’entraîneur.

Faouzi Benzarti expulsé à la septième journée (EST-ESS) puis la quinzième (USMO-ESS) et suspendu huit matchs en cumulé sur la saison.

Les promus (CS Chebba et AS Soliman) maintenus en LP1 au terme de leur première saison.

Farouk Abdou
Farouk Abdou
Actuellement à E-management, passé par Echosciences Grenoble, Le Dauphiné Libéré, Sport Translations et Tunisie foot, Africain volant pour Lucarne Opposee