Décisif d’emblée, dès la cinquième journée, le sommet de ce 1er janvier entre le leader du championnat de Tunisie et son dauphin va accaparer l’attention. Avec les joutes africaines fondamentales en tête, quels visages montreront l’Espérance de Tunis et l’Étoile du Sahel ? Nous vous livrons les clés de ce clásico.

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La maîtrise des nerfs

Au cours de la décennie écoulée, de nombreuses confrontations entre les deux équipes ont vu certains joueurs des deux camps céder soit au jeu dur adverse, soit à une erreur arbitrale, soit aux provocations, soit un peu des trois en même temps, ce qui contribuait à instaurer un climat houleux occasionnant des fins de matchs hachées. Il ne faudra pas compter sur le huis-clos (vu le contexte sanitaire actuel) pour apaiser les tensions, la première finale de Coupe de Tunisie post-révolution qui avait opposé l’Espérance et l’Étoile et vu l’expulsion de Santos, l’ancien sochalien et vainqueur de la CAN 2004, s’était déroulée elle aussi dans un stade de Radès vide.

Une fois de plus, la pression est au max dans les deux camps. L’obsession de la C1 Africaine pour les Sang et Or ne supporterait pas une déconvenue en début de compétition, si le match retour piégeux contre Al Ahly Benghazi (0-0 à l’aller à l’extérieur) venait à mal se passer. Même si l’enjeu d’une énième épopée en C3 est légèrement moindre pour les Sahéliens, ils comptent fortement sur la Coupe de la CAF pour embellir leur saison, et ils se trouvent dans la même configuration (match retour en Tunisie après un 0-0 à l’aller face à l’Arab Contractors). Une défaite contre le rival à l’orée d’une rencontre africaine déjà cruciale, avec la première place au classement du championnat en jeu, serait très mal vécue des deux côtés. On ne peut que souhaiter que la nervosité et la frustration ne s’invitent pas dans les débats, vu qu’elle nuirait fortement à la qualité du spectacle proposé, mais il est certain que c’est l’équipe qui maîtrisera le mieux cet aspect qui aura l’avantage.

Couverture défensive : la diagonale Nagguez

Le succès de l’Étoile du Sahel version 2015/16 a en partie été aidé par la capacité à maximiser l’utilisation des qualités de l’arrière droit Hamdi Nagguez : taille atypique pour un latéral, avec une bonne vitesse et une bonne qualité de centre. Que ce soit en attaque placée débutée sur la gauche ou en transition, l’ESS opérait des renversements de jeu dans la diagonale vers Nagguez qui avait déjà dévoré l’espace dans son couloir et l’international effectuait soit un enchainement rapide pour centrer, soit profitait de sa taille pour remiser vers ses coéquipiers dans la surface. Aujourd’hui à l’Espérance de Tunis, Nagguez pourrait tirer profit de la facilité dans le jeu long de ses coéquipiers au milieu (Chaalali ou Benguit qui peuvent faire ce type de renversement) pour être utilisé ainsi, cette fois face à l’ESS. Le jeu des Sahéliens est fortement tributaire de la vitesse des latéraux et leurs débordements, et on voit mal le vis-à-vis de Nagguez, l’arrière gauche de l’Étoile Ben Ouannès, renoncer à son apport offensif. Cela pourrait induire, à des moments ciblés du match, le recours par l’adversaire à cette diagonale qu’il faudrait alors couvrir. Soit via la charnière centrale, qui devra être bien plus mobile que ce qui a été montré sur les premiers matchs, soit via les pivots, et là se pose le problème du forfait des deux éléments ayant le plus de références à ce poste côté ESS, Baayou et Ben Amor. La synergie entre les pivots et les latéraux Étoilés, qui auront déjà fort à faire pour gérer l’activité du feu follet libyen de l’EST Hamdou El Houni, sera cruciale pour optimiser la couverture défensive si l’Espérance a recours à cette option vers son arrière droit.

Quelle zone d’influence pour Lahmar ?

Étoile du Sahel 2015/16 toujours, avec un autre cadre de l’époque, qui semble retrouver de bonnes sensations : le milieu de terrain Hamza Lahmar. Très en vue lors du derby du Sahel gagné face à l’US Monastir, il semble être le milieu créatif le plus en mesure de créer des différences, par rapport à Chikhaoui et González actuellement moins incisifs. Lahmar, qui s’était révélé en meneur de jeu reculé ou en 8 avec une forte zone d’influence dans l’axe, a débuté face à l’USMO sur une aile, n’a clairement pas semblé à son avantage et a fortement accéléré le jeu offensif de son équipe à partir du moment où il a permuté avec Chikhaoui et un peu bougé partout où il le voulait. Il est probable qu’en cas de titularisation il soit amené à avoir un rôle similaire, et il sera intéressant de voir dans quelle zone du terrain il pourra booster sa formation et dans quelle mesure les milieux adverses (en particulier Coulibaly ou Ben Romdhane en fonction du onze de départ de l’EST) pourront limiter son apport, soit en bloquant le jeu long, soit en contrant cet effet « rampe de lancement pour les latéraux » qu’il a eu lors de son meilleur match depuis son prime du milieu de décennie.

Rien ne sert de partir à point

L’intersaison a été très courte vu la fin décalée de la saison 2019/20. Et cela se ressent, que ce soit dans les formes physiques hétérogènes et le rythme global imprimé par ces deux équipes : menée au score par l’AS Solimane pour démarrer la saison, l’EST a peiné à accélérer malgré une domination territoriale et dans la possession. Face à l’US Monastir et l’US Ben Guerdène, les hommes de Chaabani ont semblé rechigner à accompagner vite et loin les contres. Très déstabilisée par le pressing tout terrain de l’AS Solimane, l’Étoile elle aussi ne trouve pas la bonne carburation pour imprimer un gros rythme, pour preuve les longues phases de possession arrêtées aux 25-30 mètres sans prise de vitesse (individuelle ou dans les passes) pour désarçonner l’adversaire, vues notamment face à l’ES Metlaoui en championnat ou en C3 face à l’Arab Contractors. Et si la clé résidait dans la capacité à casser une entame de match à bas régime et tout de suite se muer en lièvre ? Soit avec un pressing très haut, soit un bloc bas très vif dans les sorties et les transitions ? Individuellement et collectivement, l’équipe qui aura le plus de fraîcheur pour allier intensité et endurance sera la mieux placée pour créer des différences, et pour cela rien ne sert de partir à point.

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Farouk Abdou
Farouk Abdou
Actuellement à E-management, passé par Echosciences Grenoble, Le Dauphiné Libéré, Sport Translations et Tunisie foot, Africain volant pour Lucarne Opposee