Après Nashville puis Miami, c’est au tour de Cincinnati de rejoindre la MLS et ainsi continuer à garnir les rangs d’une ligue qui va donc se retrouver à vingt-six. Une expansion programmée et constant qui pose la question de sa limite.

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Le 20 décembre 2017, Nashville SC a été choisi pour devenir une future franchise de Major League Soccer. Il s’agissait alors de la vingt-quatrième équipe annoncée après que le Los Angeles FC a fait ses grands débuts cette saison. Depuis, deux équipes ont été de nouveau présentées au public : Le « Miami de Beckham », dans les cartons depuis que ce dernier avait inclus dans son contrat avec le Los Angeles Galaxy, une clause pour la construction d’une franchise à « prix réduit » (25 millions de dollars plutôt que 110 comme le LAFC), qui rejoindra la ligue en 2020, et dont le nom pourrait être Miami Freedom FC. La deuxième, dévoilée cette semaine est le FC Cincinnati. Le vingt-sixième spot fut compliqué à acquérir pour le Fussbal Club (d’abord Futbol Club, le FC a été germanisé pour l’occasion afin de rendre hommage à l’héritage allemand de la ville), il a été le résultat d’une bataille entre douze expansions, puis une finale à quatre entre Détroit, Sacramento, et les deux projets finalement choisis, Cincinnati et Nashville.

Pourquoi, Comment Cinci

Même si Cincinnati était le secret le moins bien tenu dans la ligue, et que son expansion était très attendue, le parcours fut long pour la Queen City. Née seulement en août 2015, la franchise rejoint la United Soccer League (Division 2) et connait un succès immédiat. Un an plus tard, les Orange et Bleu dépassent tous les records pour une franchise de deuxième division avec plus de 17 000 personnes dans le stade chaque semaine. Depuis, le club a continué de battre les records d’affluence : record pour un match d’USL (25 667 le 7 avril 2018 contre les rivaux de Louisville), le deuxième pour un match d’Open Cup, la coupe nationale (32 287 contre Chicago en juin 2017) et finalement le record pour un match en Ohio, état dans lequel évolue pourtant le Columbus Crew depuis 1996, durant un amical face à Crystal Palace qui attira 35 061 personnes. Tout cela malgré de bons résultats mais pas de vrais titres. C’est aussi ce qui fera dire à Don Garber, commissaire de la MLS, lors de sa visite de la ville pour la première fois en 2016,« qu’ils n’étaient pas bien haut dans la liste ».

Pourtant, sur le papier, si la nomination d’une grande ville avec une population à majorité hispanique comme Miami avait du sens, en face ce n’est que Cincinnati. Ville moyenne de 300 000 habitants (et qui en perd depuis les années 50), personne n’aurait parié avant 2016 que la MLS s’y installerait, ni que l’Ohio aurait un jour deux franchises. Son expansion, c’est d’abord une victoire pour et par les fans. Certes, le projet est soutenu par de grands investisseurs, qui ont réussi à mettre un projet de stade à 21 000 places – un chiffre qui pourrait être sujet à une augmentation – essentiel à un dossier d’expansion mais ce sont véritablement les supporters qui ont rendu la conversation possible. Les fans de Cinci sont ainsi plus dépensiers de la ligue au niveau merchandising (une donnée essentielle à prendre en compte en MLS) et bénéficient surtout d’une notoriété incroyable en termes d’audience. Le groupe The Bailey, situé derrière l’un des buts, est connu pour mettre une ambiance incomparable à chaque match, au point que Jesse Marsch (entraîneur des Red Bulls) qualifiera celle-ci comme étant « l’une des plus folles de la ligue ». C’est donc un cadeau très rare qu’a fait la MLS à des fans avec l’inclusion d’une ville qui sent le football. La plus grosse surprise reste celle de voir deux clubs en Ohio, chose à laquelle personne n’aurait cru. Cependant, si l’un est naissant, l’autre est au contraire plutôt mourant.

La mort du Crew ?

Le Columbus Crew est l’une des franchises fondatrices de la Ligue et l’une des premières à inaugurer l’un des premiers stades entièrement dédiés au soccer aux États-Unis lors de son entrée en MLS. Champion de MLS en 2008, trois fois vainqueur du Supporter’s Shield (trophée récompensant la meilleure équipe de la phase régulière), vainqueur de l’US Open Cup en 2002, finaliste de conférence à cinq reprises, finaliste de la MLS en 2016 et ayant participé à trois quarts de finale de CONCAChampions, il est un club qui compte dans le paysage footballistique nord-américain. Son seul problème, c’est que les affluences ont toujours été moyennes, ne dépassant jamais celles de la première saison (autour de 18 000), tombant en-dessous des dix-mille spectateurs cette année. En octobre dernier, Anthony Precourt a annoncé qu’il transfèrerait la franchise de Columbus à Austin, Texas, en raison des pauvres revenus que générait le Crew. Si la pratique est courante dans les sports US, les fans de MLS y sont peu habitués. Avec une seule relocalisation effectuée dans son histoire (San José à Houston en 2006) qui n’en fut pas véritablement une (San José revit l’année même avec de nouveaux propriétaires), la communauté soccer s’est ainsi révoltée contre la décision, notamment via les réseaux sociaux derrière le hashtag #SaveTheCrew. La protestation n’a cependant pas atteint les portes du stade et, même si la ligue travaille mais dans la main avec Precourt pour trouver une solution au problème, il est possible de voir bientôt apparaître une franchise à Austin. Car l’annonce de l’arrivée de Cincinnati est à double-tranchant. Certains pensent que nommer une deuxième franchise en Ohio est inutile d’un point de vue business, bouchant de l’espace pour un autre marché plus juteux, comme par exemple Austin, Texas, et que l’apparition de Cincinnati en MLS pourrait être un moyen de pousser Columbus en dehors de la ligue. D’autres pensent au contraire que son annonce serait un bon moyen de revitaliser la région, avec une belle rivalité en prime. La réponse devrait être connue en fin de saison.

Futures expansions

Qu’Austin arrive ou non dans le marché MLS, il y aura de nouvelles expansions dans un futur proche pour la ligue, avec non seulement des projets déjà existants, mais aussi de nouveaux entrants.
Brett Lashbrook, le propriétaire et président des Las Vegas Lights (USL) nous résume les leviers à utiliser pour y parvenir : « La division deux s’acquiert soit en étant d’un marché puissant, soit en étant une franchise efficace en USL ». Des onze dernières franchises dans la ligue, quatre sont des marchés importants en termes de revenues (Atlanta, Philadelphie, et les deuxième franchise de Los Angeles et Atlanta), le reste arrive en effet d’USL ou de NASL.

La ligue s’intéresse à d’autres marchés importants sans équipe professionnelle. Detroit, qui était dans les finalistes pour l’expansion cette année et qui avait déjà commencé à s’intéresser à la ligue en 2011, possède plus de quatre millions d’habitants avec sa banlieue. Le seul désavantage que compte la ville est le Detroit City FC, club hautement populaire de quatrième division (NPSL), un fort dissident de la MLS et du « foot-business » présenté par la ligue et fervent défendeur d’un système de promotions et relégations. Ses supporters (qui ont réussi à attirer lors d’un match de NPSL en 2017 plus de 7 000 fans) essayent souvent de saboter les évènements de la ligue et utilisent les réseaux sociaux pour descendre cette dernière, ne voulant pas finir comme l’ancien club d’Atlanta, les Silverbacks, qui ont perdu leur statut professionnel ainsi qu’une part importante de leurs fans lors de l’arrivée d’une franchise MLS dans la ville.

Dans les autres grands marchés sans équipe professionnelle, on peut citer Cleveland, qui était une option avant Detroit mais qui, à cause des velléités expansionnistes des derniers cités, n’est plus dans aucune discussion depuis dix ans. Las Vegas fut une autre option nommée, mais à moins que la franchise USL ne soulève des montagnes, l’arrivée d’une équipe de NFL en 2020 devrait rendre cette option improbable. Finalement, il reste le cas plus compliqué de San Antonio. La ville est un marché intéressant pour la ligue, avec plus de deux millions d’habitants, mais sa proximité au Texas rend son existence liée à celle d’Austin (lire MLS : l'expansion se poursuit). La ville possédait une franchise de deuxième division nommé les Scorpions, dans une ligue rivale à la MLS, la NASL, et qui était plutôt populaire. Mais l’arrivée d’un groupe d’investisseurs en USL – à qui Don Garber aurait promis une accession en MLS – a tué la franchise NASL, ce qui a conduit une partie des ex-fans des Scorpions à haïr la ligue. De surcroit, avec les dernières rumeurs venant d’Austin, beaucoup pensent que la promesse non-tenue n’était qu’une stratégie de la ligue pour mater l’ancienne franchise de NASL devenue trop populaire en y installant un concurrent. Si le Austin Crew existe un jour, le projet sera définitivement enterré. Si ce n’est pas le cas cependant, il aura une autre chance d’entrer en compétition.

United Soccer League, l’antichambre de la MLS

Plusieurs équipes existantes en USL tenteront l’aventure expansionniste. Si les probables dossiers de Charlotte, Raleigh, Indianapolis, Nouvelle-Orléans, Orange County ou San Diego ont été intéressants dans le passé, ils semblent tous être désormais improbables pour la ligue, même si la dernière citée est la mieux positionnée des cinq candidates, notamment car elle est représentée par Landon Donovan. Pour les candidatures de Tampa Bay et Ottawa, même si les noms semblent plus probables sur le papier, l’aventure sera toute aussi compliquée. Si la deuxième ouvrirait un réel changement en admettant une quatrième franchise canadienne, les Fury (le nom de l’équipe USL) ne sont pas l’équipe la plus populaire de deuxième division et la concurrence de (ou d’ailleurs, une collaboration avec) la Canadian Premier League pourrait pousser la MLS à ne pas s’intéresser à la seule franchise canadienne d’USL. Pour Tampa Bay, les Rowdies (la franchise locale) pourraient avoir tout le succès du monde, il semble qu’un miracle serait nécessaire pour leurs entrées en MLS. Premièrement, la ville est située bien trop à proximité des marchés d’Orlando et de Miami (une ville qui voudra probablement éviter d’avoir un concurrent direct dans la région lors de ses premières années), et la ville a déjà connu une équipe MLS, les Mutiny, qui furent la première franchise arrêtée en 2002.

Finalement, un outsider pourrait être Chicago, qui arrive en USL dans deux ans. Une deuxième franchise évoluant dans une enceinte moderne, soutenue par des investisseurs puissants et qui se verrait bien tenter de rentabiliser le succès que n’a eu que moyennement le Fire. Cependant, même si le LAFC est un succès, la ligue sait quels sont les dangers que posent deux franchises dans la même ville (Chivas USA), va certainement déjà attendre de voir le succès du club en USL.

Mais loin devant toutes les franchises citées, trois dossiers sont réellement en concurrence pour une place en MLS dans le futur, qui ont tous un club USL. Louisville, ville historique de soccer, serait un choix rempli de symboles pour la ligue. Un nouveau stade qui compterait entre 10 et 20 000 places est en construction, les investisseurs sont là mais surtout, la ville joue au soccer depuis 1907, où il y avait déjà une division professionnelle dans la région. De plus, le principal concurrent dans la ville, la franchise de football américain des Rams, s’est récemment vu déplacée à Los Angeles. Cependant, le marché est petit (un demi-million d’habitants), à cheval entre Chicago, Nashville et Kansas City. Propriété notamment du DJ Tiesto et de Didier Drogba, le Phoenix Rising a récemment signé avec la Goldman Sachs un prêt pour la construction d’un nouveau stade de 20 000 places. La ville est importante démographiquement, avec aussi une population hispanique importante. Quelques problèmes se posent néanmoins : la chaleur étouffante ainsi que la proximité avec les deux franchises de Los Angeles. Cependant, peu doutent que la ville n’ait pas sa chance sur le long-terme, si son nouveau stade se remplit correctement. Finalement, le troisième candidat était celui que beaucoup voyaient être victorieux aux débuts face à Nashville ou Cincinnati : le Sacramento Republic. Franchise importante en Californie, elle est la seule à l’Ouest à avoir gagner l’USL Cup lors de leur première saison en 2014. Tout comme Cincinnati, la franchise est connue pour ces fans, qui sont rarement moins de 10 000 au stade, et était la favorite pour l’expansion (ayant notamment un nouveau stade dans ses plans), bien que limitée par ses manques financiers. Un investisseur manquait notamment pour accéder en MLS, mais si ce dernier est trouvé, le Republic serait en pole position car n’aurait alors plus qu’un seul problème : le nombre de franchises en Californie (Galaxy, LAFC, San José). Si la Californie est l’état le plus peuplé des États-Unis (37 millions d’habitant), Don Garber avait déjà mentionné l’envie de « remplir la carte », cela pourrait écarter Sacramemto même si l’annonce de Cincinnati, elle aussi portée par les fans alors que dans un marché plutôt réduit (la capitale californienne ne compte qu’un demi-million d’habitants, un peu plus que Cincinnati). À moins que la ligue ait donné une franchise aux fans via Cincinnati et se tourne désormais uniquement sur les gros marchés.

North American Soccer League : Le gâchis des ligues privées

Grandir jusqu’à quand ?

Don Garber a déjà dit et répété que sous son mandat, la ligue ne dépasserait pas les 28 franchises. Mais Don Garber ne sera pas immortel. Alors que les franchises arrêtées ont été rares (seulement trois, la dernière en 2014 avec les Chivas USA), la ligue aurait probablement besoin de stabilité pour quelques années, comme ce qu’on eut de nombreuses ligues US. Après donc un nouvel appel d’offre pour la 27ème et 28ème franchise, la MLS pourrait arrêter toute expansion quelques années, respirer, et éviter de grandir trop vite. Cette période de tranquillité permettrait de faire grossir les franchises existantes tout en développant les équipes d’USL, pour avoir de sérieux dossiers d’expansions pour les phases d’expansion suivantes. Si les dernières franchises d’expansions ont souvent été d’énorme succès en termes d’affluence comme à New-York, Orlando ou Atlanta, la ligue devrait éviter des candidats qui ne paraissent que beau sur le court terme, et qui pourrait perdre la MLS en cas de mauvais choix, comme l’avait fait les expansions trop rapides et non réfléchie de la NASL dans les années 80. Elle devra surtout, comme dit plus haut, décider si elle préfère des marchés de sécurité (Minnesota en fut un) ou des coups de poker réussis (Atlanta). De plus, beaucoup d’équipes d’USL investissent dans des stades neufs avec plus de 15 000 places (Phoenix, Sacramento, Chicago, Louisville…) et certaines ne seront forcément pas prises en MLS. Il faudra à ce moment-là développer l’USL, pour ne pas perdre des équipes en cours de route ; certaines dépensent énormément pour essayer d’entrer en compétition, un jour, avec celles de la MLS, mais si ces dernières ratent la dernière marche pour la division une et que les revenues d’USL ne sont pas suffisants, la chute pourrait être mortelle financièrement.

D’autant qu’une question mérite d’être posée : la MLS ne doit-elle pas aussi stopper sa croissance ?  De nombreuses villes américaines bien peuplées n’auront sans doute pas pas le droit à leur propre club de soccer, et la ligue devra arriver à contenir la haine des pro-promotions et relégations. De plus, la ligue a été dans les années 2010 dans un cycle constant d’expansion et les derniers projets d’expansion ont fait naître l’envie d’appartenir à la ligue dans de nombreux clubs qui ne se contenteront plus dans quelques années de l’USL. La ligue possède différentes options. La création de différentes conférences et ligues, comme en NBA, MLB et NFL semble impossible tant elles divergent du format de ligues de soccer (en NFL il y a par exemple huit sous-divisions, en deux ligues, avec 32 équipes). Le seul format, différent de celui d’aujourd’hui qui pourrait être adopté, serait celui sous forme de trois conférences avec une conférence « centrale », comme ce qui va être fait en USL dans quelques saisons. Cependant, ce ne serait qu’une solution sur court-terme, sans parler du fait que cette conférence centrale, sans les franchises de New-York, de la Cascadia ou de Californie, pourrait être d’un niveau fort inférieur aux deux autres. Comment alors pourra-t-on expliquer à des équipes d’USL avec plus de talents et de supporters que certaines franchises MLS qu’elles ne pourront pas, voir jamais, jouer avec elles ? On voit mal la ligue garder Sacramento ou Las Vegas en division deux quand les stades des Red Bulls, du Houston Dynamo ou du New-England Revolution ont du mal à ne pas sonner vide.

Pour certains, le seul système qui pourrait permettre de combler ces envies serait l’installation de promotions et relégations. Le problème est toujours le même sur ce sujet. Les propriétaires d’expansions payent environ 100 millions de dollar (prix qui monte à chaque nouvelle expansion) pour intégrer la MLS, et ceux qui payent ce prix attendent un retour sur investissement ce qui est notamment permis par quelques garanties. L’avantage d’une ligue privée est quelle tolère une saison manquée et permet alors à une franchise de pouvoir totalement se reconstruire, réinvestir et retrouver le succès. Imaginez ainsi un tout nouveau club (Minnesota l’année dernière, par exemple), qui après sa première année a des résultats très moyens et qui dès sa deuxième année d’existence devrait affronter une relégation en USL alors que les fans n’ont pas forcément tout de suite adhéré au nouveau club et qu’ils sont dans une enceinte moderne, neuve et chère. Ce serait alors un risque de suicide financier qu’aucun propriétaire ne prendrait. Ce système est aussi ce qui fait la force de la ligue. Comme le dit justement Brett Lashbrook, pourtant fan de l’idée d’un système ouvert : « je comprends les réalités financières et la stabilité qu’apporte un système fermé et ça a beaucoup apporté au développement du soccer dans ce pays ». Dans l’autre sens, avoir une franchise USL avec un public faible et des installations moyennes promue MLS serait extrêmement problématique pour une ligue qui pense en termes de chiffre d’affaire et d’audiences télévisées, terrible aussi pour la promotion du sport en lui-même. La seule solution qui permettrait un simili de promotions et relégations serait une MLS2, qui diviserait les franchises en deux groupes dès les débuts de saison. Mais encore une fois, cela paraît peu probable.

Les tentatives d’implantation d’un système de « ProRel » sont d’ailleurs rares. La défunte NASL (deuxième division qui s’est arrêtée l’année dernière, concurrente de l’USL) était intéressée, mais n’ayant même pas les ressources pour combler sa propre division, ne pouvait avoir l’ambition d’en créer une autre pour ouvrir le système. La NISA était une autre idée. La National Independant Soccer Association avait pour ambition d’ouvrir une « division zéro » ouverte et pas conduite par l’argent et qui, selon eux, présente divers avantages : premièrement, de l’adrénaline pour les fans, que ce soit dans les montées ou dans les descentes, ainsi qu’une réelle récompense pour les plus petites équipes produisant du beau jeu, avec de belles histoires à la clé. Pour ses créateurs, la NISA aurait aussi permis d’ouvrir plus de marchés au soccer (puisque tous peuvent monter au plus haut niveau du soccer étasunien) et d’ainsi d’avoir plus de fans, de formations et d’intéressés dans tout le pays. Cependant, le projet fut de courte durée. Peu de marchés se sont montré intéressés, et surtout peu d’investisseurs ont répondu, ceux-ci préférant dans la « sécurité » d’une équipe de MLS ou d’USL. Cette dernière a d’ailleurs lancé une nouvelle ligue, puisque le nombre de franchises explosent (elles seront presque quarante l’année prochaine en USL). L’USL D3 fera son apparition l’année prochaine, sans promotion ni relégation : ce sera un espace pour les plus petites franchises d’USL plutôt qu’un système ouvert. L’un des créateurs de la ligue mort-née NISA, Peter Wilt, a annoncé la création d’une nouvelle franchise qu’il dirigerait à Madison… en USLD3.

La création d’une Pro/Rel paraît donc infaisable dans le court et moyen-terme, les enjeux financiers étant trop grands. Tant que les marchés les plus intéressants financièrement – qui changent peu, contrairement à des performances sportives – seront couverts par la MLS, cette dernière n’aura aucune raison d’ouvrir ces portes. Même si les plus grosses équipes d’USL grandissent au niveau d’une franchise de première division, elles ne seront jamais assez nombreuses pour former une autre ligue pouvant concurrencer les trente géants de la MLS. Elles pourraient à la limite devenir des ligues de développement, comme le sont les « deuxième division » (qui n’ont pas ce nom) de baseball, basketball ou de football américaine, qui accueillent et forment les jeunes avant leurs arrivées dans les premières divisions (c’est d’ailleurs en USL qu’on retrouve les équipes affiliées et réserves de MLS). C’est pour cette raison que les ligues de sports américains ne sont pas concurrencées par d’autres championnat du même sport, et que les seuls mouvements qu’elles enregistrent sont en fait des relocalisations.

Relocalisation : la seule solution ?

Ancien joueur des Minnesota Kicks dans les années 80 (dans l’ancienne division professionnelle NASL), Alan Merrick nous disait : « La promotion/relégation aux États-Unis, c’est la relocalisation. Si votre équipe ne performe pas, que personne ne va au stade, elle sera déplacée dans une meilleure ville ». En sports US, que ce soit au baseball, au basketball, mais surtout au football américain, les relocalisations sont monnaies courantes : une ville qui ne montre pas assez d’envie (traduisez, qui n’achète pas assez de billets, de merchandising, et qui ne regarde pas assez les matchs à la télévision) perd sa franchise. Certes, cela sanctionne certains fans, qui voient partir leurs franchises, mais ça permet surtout de s’adapter aux meilleurs marchés et rester compétitif en attirant de nouveaux nombreux fans. Les relocalisations sont très rares en MLS, il n’y a qu’un exemple : en 2005, les San José Earthquakes, qui n’avaient pas réussi à sécuriser un stade dédié au soccer, furent déplacés à Houston (cependant, un groupe créa dans la foulée une nouvelle franchise à San José, du même nom). Comme décrit plus haut, c’est ce qui pourrait se passer à Columbus, pour Austin. Si l’idée n’est pour le moment peu populaire, que faire si la greffe prend ? Elle serait sûrement réutilisée, pour déplacer des franchises avec peu de succès en termes sportif, financier et d’audience comme celles de Salt Lake, Colorado ou Dallas vers de nouveaux marchés, peut-être plus fructueux. Dans la ligue de football américaine (NFL) où il n’y a plus de nouvelles franchises depuis 2002, c’est comme cela que de nouvelles équipes sont arrivées. Un système étrange donc, où les investisseurs ne font clairement pas du soccer pour la « beauté du jeu », mais pour un retour sur investissement, dans une ligue où les montants en jeu deviennent de plus en plus gros. Cependant, cette solution ne pourrait s’appliquer qu’aux villes sans franchise établie (comme San Diego, par exemple), mais il est très peu probable de voir les Sacramento Republic ou Phoenix Rising « accueillir » une nouvelle franchise avec les propriétaires d’un autre club MLS. La solution la plus réaliste à envisager est que la MLS fixe un prix d’accès à la ligue tellement haut que plus personne ou presque – le presque étant les franchises vraiment intéressées – ne veule/puisse y accéder. En NFL par exemple, rien que la relocalisation des Rams ou des Chargers dans la région de Los Angeles a couté 600 millions de dollars, soit cinq fois les prix d’expansion en MLS. A ce moment-là, la ligue aura alors sans doute fini son travail, les expansions seront bouclées, et la période de tranquillité pourra commencer.

Antoine Latran
Antoine Latran
Rédacteur Etats-Unis pour @LucarneOpposee et @MLShocker, à suivre sur @AntoineLatran et @FrenchSounders