Arrivé en juin 2014 avec pour seule expérience un titre de champion décroché au Nacional en Uruguay lors de sa seule saison passée sur un banc, Marcelo Gallardo a depuis changé radicalement l’un des plus grands clubs du continent.

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6 juin 2014, Ramón Díaz a quitté le navire du champion sortant, Marcelo Gallardo est présenté à une presse qui regarde l’ancien de la maison avec un œil à la fois curieux, à la fois sceptique. Celui qui n’a qu’une année d’expérience sur un banc de touche (avec tout de même un titre de champion d’Uruguay), se voit nommé à la tête d’une institution qui vient de retrouver véritablement la vie trois ans après avoir vécu l’enfer d’une relégation, la seule de son histoire. Son discours est simple, il rappelle le bonheur que représente pour lui le fait d’être l’entraîneur de River « pour un entraîneur, c’est la chose la plus belle qui puisse arriver », expose quelques idées « joueur, ma seule obsession était le but adverse, je ne vais pas changer ma façon de penser, mon équipe sera une équipe qui attaque, qui sait aussi défendre, mais avec une culture footballistique dans laquelle les hinchas de River se reconnaîtront ». De beaux discours évidemment, mais personne alors ne peut deviner à quel point Marcelo Gallardo va radicalement transformer le club qui l’a formé.

Dix-sept finales, quatorze titres en sept ans et demi

Impossible de ne pas évoquer l’histoire de Marcelo Gallardo avec River sans commencer par les résultats. À une époque où les lignes de palmarès sont utilisées comme critère principal pour juger de la valeur d’un technicien, celles du Muñeco ne laissent ainsi aucune place au débat. Lorsqu’il succède à Ramón Díaz, il récupère un club qui vient de remporter le Torneo Final et ainsi de renouer avec ses succès locaux d’antan, grande spécialité du club le plus titré à l’échelle nationale en Argentine. Gallardo va transformer son club en machine à remporter des coupes, qu’elles soient locales ou continentales.

La première pierre est posée dès le premier tournoi continental du Muñeco, la Copa Sudamericana. Huit victoires, deux matchs nuls et un parcours sans faute pour décrocher le premier titre continental du club depuis que Marcelo Gallardo et Enzo Francescoli avaient levé ensemble la Supercopa Sudamericana dix-sept ans plus tôt. Avec deux tours références pour un Gallardo alors devenu le plus jeune entraîneur à décrocher l’épreuve en tant que coach (38 ans), le seul millonario à remporter un titre continental comme joueur puis comme entraîneur. Le premier, c’est évidemment la demi-finale face à Boca Juniors. Gallardo surprend tout le monde en décidant de verrouiller le match aller à la Bombonera et plie l’affaire au retour dans un Monumental en fusion, lors d’un match marqué par le penalty raté de Gigliotti (qui lui vaudra une longue traversée du désert) avec, dans les deux matchs, un rôle clé donné à Leo Ponzio dont l’objectif (atteint) était d’annihiler Fernando Gago. Le second est la finale avec d’abord un match aller totalement subi pendant quarante-cinq minutes, un repositionnement de Vangioni plus défensif pour enfin trouver l’équilibre et un nul ramené de Colombie. Au retour, l’Atlético Nacional n’existera pas, totalement asphyxié par un Monumental en fusion et un River au diapason.

La suite n’est qu’une accumulation de succès, à peine entrecoupée de quelques revers. Les succès, ce sont les Recopa Sudamericana 2015 (face à San Lorenzo avec un Marcelo Barovero en homme du match) et la première Libertadores du Muñeco avec notamment une nouvelle leçon tactique donnée à Boca à l’aller comme au retour avec un doble cinco Ponzio – Kranevitter qui presse Gago et prive Boca de jeu et un match à la Bombonera qui met en valeur l’impuissance des Xeneizes (un seul tir) avant le fameux épisode du gaz pimenté. La suite est une symphonie, River maîtrisant son sujet avec notamment une leçon donnée au Brésil à Cruzeiro (3-0), une demie tranquillement maîtrisée et une finale largement gagnée au Monumental face aux Tigres de Gignac (3-0). Au lendemain de ce succès, River s’envole pour le Japon et décroche tranquillement la Suruga Bank quelques jours plus tard en écrasant Gamba Osaka (3-0). Gallardo continue de renouveler son effectif mais a transmis les valeurs suffisantes à l’heure d’aborder les matchs couperets. 2016 ne déroge pas à la règle, emmené par Driussi et Alario, River s’offre la Recopa Sudamericana face à Santa Fe et la première Copa Argentina de son histoire au terme d’une folle finale remportée 4-3 face à Central (avec un triplé d’Alario et un but de la victoire donné par Iván Alonso). Elle sera la maigre consolation d’une Libertadores quittée en huitièmes de finale – pire résultat de l’ère Gallardo – face à la sensation de l’année, Independiente del Valle. L’année suivante, Lanús met fin à l’histoire des Millonarios en demi-finale de la Libertadores (et une improbable et contestée victoire 4-2 au retour) alors qu’au tour précédent, Gallardo avait fait exploser Jorge Wilstermann (8-0) alors qu’il fallait remonter un retard de trois buts et que pour ce faire, il avait opté pour une formation en 3-3-3-1 sans aucun véritable latéral mais avec une nuée de milieux offensifs pour servir Scocco. River se console avec une nouvelle Copa Argentina (2-1 face à l’Atlético Tucumán) qui lui ouvre la porte à une nouvelle campagne de Libertadores mais surtout à un premier duel face à Boca Juniors dans une finale depuis quarante-et-un ans qui préfigure la folle année 2018. Car si River ne battait jamais Boca en face à face éliminatoire avant l’arrivée du Muñeco, l’histoire est rangée aux mauvais souvenirs depuis. Comme lors de la Sudamericana 2014 ou de la Libertadores 2015, alors que le Boca Juniors de Barros Schelotto règne sur l’Argentine, la Supercopa Argentina de mars 2018 est pour River (2-0, buts de Pity Martínez et Scocco). La suite conduira à cette folle finale de 2018, terminée finalement sur une finale unique, disputée sur terrain neutre, à Madrid, pour une victoire historique de River (3-1, buts de Lucas Pratto, Juanfer Quintero et Pity Martínez) et un Gallardo qui affirme sa paternité sur le plus grand rival. 2019 ne déroge donc pas à la règle, l’Athletico Paranaense de Lucho tombe au Monumental (3-0, buts de Nacho Fernández, Pratto et Matías Suárez) et voit la Recopa tomber une fois encore dans l’escarcelle de River.

Longtemps, il lui fut reproché son manque de titres en championnat, 2021 lui a permis de décrocher l’unique titre qu’il lui manqué. Sacré au terme d’un tournoi totalement maîtrisé, el Muñeco a également dirigé dix-sept finales sur le banc de River, en a gagné treize (les quatre défaites étant en Supercopa Argentina 2014 face à Huracán (0-1), lors du Mondial des clubs face au Barça de Lionel Messi et Luis Suárez (0-3) et en Supercopa Argentina 2016 (0-3 face à Lanús) et la Libertadores 2019 (1-2 face à Flamengo). Pour le reste, le bilan est encore plus impressionnant : Gallardo a dirigé soixante-quinze duels éliminatoires avec River Plate, il en a passé cinquante-neuf, soit un pourcentage de réussite en face à face de 79% quand le total historique du club avant son arrivée était de 62%. En compétitions internationales, sur les trente-six disputés, son River n’en a perdu que huit, l’élimination face à l’Atlético Mineiro marquant une première en 2021 avec une défaite à l’aller et au retour. En sept ans et demi au club, Marcelo Gallardo a remporté quatorze titres, dont sept des douze titres internationaux décrochés par le club dans toute son histoire, devenant l’entraîneur le plus titré de l’histoire du club, rejoignant même Ángel Labruna en cumulé (joueur + entraîneur – vingt-deux titres), a signé la plus longue série d’invincibilité du club toutes compétitions confondues (trente-deux matchs) et a hissé River Plate dans le dernier carré de la Libertadores lors de cinq des sept dernières éditions

Dans le détail, son bilan (au 25 décembre 2021) est stratosphérique : Marcelo Gallardo a remporté 196 des 370 matchs qu’il a dirigés avec River, pour 101 matchs nuls et 73 défaites. En d’autres termes, el Muñeco a remporté 62% des points qu’il lui était possible de prendre.

Compétition

J

V

N

P

Championnat

195

99

54

42

Copa de la Liga Profesional - Copa DiegoMaradona

25

13

6

6

Copa Argentina

31

24

6

1

Copa Superliga

4

2

1

1

Supercopa Argentina

4

2

0

2

Copa Libertadores

83

38

29

16

Copa Sudamericana

16

10

3

3

Coupe du Monde des Clubs

4

2

1

1

Recopa Sudamericana

6

4

1

1

Copa Suruga Bank

1

1

0

0

 

Les finales de Gallardo

  • Copa Sudamericana 2014: 3-1 (global) contre Atlético Nacional.
  • Supercopa Argentina 2014: 0-1 contre Huracán.
  • Recopa Sudamericana 2015: 2-0 (global) contre San Lorenzo.
  • Copa Libertadores 2015: 3-0 (global) contre Tigres.
  • Suruga Bank 2015: 3-0 contre Gamba Osaka.
  • Coupe du Monde des clubs 2015: 0-3 contre Barcelona.
  • Recopa Sudamericana 2016: 2-1 (global) contre Independiente Santa Fe.
  • Copa Argentina 2016: 4-3 contre Rosario Central.
  • Supercopa Argentina 2016: 0-3 contre Lanús.
  • Copa Argentina 2017: 2-1 contre Atlético Tucumán.
  • Supercopa Argentina 2017: 2-0 contre Boca.
  • Copa Libertadores 2018: 5-3 (global) contre Boca.
  • Recopa Sudamericana 2019: 3-1 (global) contre Athletico Paranaense.
  • Copa Libertadores 2019: 1-2 contre Flamengo.
  • Copa Argentina 2019: 3-0 contre Central Córdoba.
  • Supercopa Argentina 2019: 5-0 contre Racing.
  • Trofeo de Campeones 2021: 4-0 contre Colón.

Caméléon et sens du détail

Une fois la case « résultats et titres » cochée, on peut alors étudier plus tranquillement l’entraîneur Gallardo, les derniers réfractaires, ceux qui n’analysent un travail que sous le prisme des résultats, étant de fait écartés. Au début de son cycle à River, Marcelo Gallardo a été décrit sous le prisme du bielsisme avec parfois un soupçon d’influence Alejandro Sabella. Il faut dire que Muñeco avait affirmé avoir été le plus marqué par ces deux hommes et que le parallèle était tentant : la volonté d’exercer un pressing intensif et d’appuyer sur les ailes, d’utiliser des losanges pour avancer le rapproche de Bielsa, son sens de l’organisation tactique le rapproche de Sabella. Mais il n’y a pas forcément cette recherche de verticalité, de vertige si propre à Bielsa, et surtout, il n’y a pas un schéma de jeu, pas une organisation que l’on pourrait définir pour résumer Gallardo. On l’a ainsi vu varier les plaisirs, de la défense à trois contre Wilstermann, à la défense à quatre la plus fréquemment utilisée, du doble cinco à la sauce argentine à celle du récupérateur unique entouré de créateurs, en passant par la défense à cinq, comme face à Boca, au milieu renforcé à trois. Il n’y a pas un plan, une stratégie préétablie. Tout n’est que partie d’échec dans laquelle ses joueurs ne sont pas de simples pions mais ont la capacité à s’adapter. La plus grande force de Gallardo réside dans son incroyable capacité d’adaptation. Que ce soit à l’adversaire ou à l’effectif dont il dispose. « Nous avons une idée définie en termes de jeu que nous souhaitons proposer, mais cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas nous adapter à ce que propose l’adversaire », a-t-il ainsi déclaré. C’est le fondement du Gallardisme : soutenir une philosophie n’implique pas de se ranger derrière un fondamentalisme tactique. Plus qu’un simple pragmatique, Gallardo est un caméléon capable de proposer et de réagir. Il n’est pas Bielsa, il n’est pas Menotti, il n’est pas Bilardo : il est Gallardo.

L’équipe qui remporte la Sudamericana évolue ainsi préférentiellement en 4-3-1-2 avec Pisculichi comme maître à jouer. L’année suivante, Gallardo pose un doble cinco Ponzio – Kranevitter dans son 4-4-2 qui décroche la Libertadores, Piscu prend place sur le banc. On verra ensuite une sorte de 4-2-2-2 avec deux créateurs, D’Alessandro et Pity Martínez puis un milieu à cinq soutenant une pointe, Alario ou Scocco. Les exemples ne manquent pas, son River est en constante mutation. Le tout avec donc cette flexibilité, cette adaptation à la réalité, symbolisée par l’entrée du défenseur Germán Pezzella au poste d’avant-centre lors d’un Superclásico disputé sur une pelouse détrempée qui va contraindre Muñeco à demander aux siens à abuser du jeu long (Pezzella égalisera en reprenant un ballon relâché par Orión suite à une tête du numéro 20 de River), ou par l’entrée d’un Juanfer Quintero pour Leo Ponzio lors d’une finale de Madrid au cours de laquelle Boca verrouille les ailes et se voit contraint de reculer par l’insertion d’un créateur à la place d’un récupérateur, changement de système et de stratégie, avec l’utilisation de passes entre les lignes et au cœur du jeu ce dont le Colombien est friand, qui font basculer la finale. Interrogé par la FIFA, Alejandro Sabella, qui avait lancé le jeune Gallardo (15 ans) avec la réserve a parfaitement résumé l’homme : « J’avais à peine posé mes valises qu’on me parlait déjà d’un certain Gallardo qui évoluait en novena (NDLR : U14). Mais il était très jeune. Puis, je l’ai vu jouer la finale de son championnat en fin d’année. Dès son premier ballon, j’ai compris qu’il était différent. Il jouait comme s’il avait 30 ans ! Marcelo était pour moi ce que Magic Johnson était pour les Lakers : un playmaker, un créateur. Je me souviens avoir déclaré une fois : 'Si vous voulez comprendre le football, ouvrez la tête de Gallardo, tout y est'. C’était un numéro 10 rusé et réfléchi. Il avait donc le profil d’un bon entraîneur. Marcelo a toujours eu cette vision globale qui fait sa réputation aujourd’hui. Il est doté d’une grande créativité. Il a toujours un plan B, et même un plan C. Marcelo est très exigeant avec lui-même et en demande autant à ses joueurs ». Cette vision globale est symbolisée par l’ensemble des changements qu’il a introduit chez les pros à River, des changements par un souci du détail qui ont fait entrer le club dans une nouvelle dimension.

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Tous les secteurs sont concernés. Le terrain, avec la pelouse du Monumental désormais équipée de systèmes électroniques qui détectent en temps réel son état, permettant de définir non seulement quels secteurs doivent être mieux irrigués, à quel niveau, mais qui donnent aussi des informations quant à la dureté du sol et livrent ainsi des données qui permettent de déterminer la vitesse du ballon (et ainsi adapter le système tactique), mais aussi quel types de crampons doivent être fournis aux joueurs. La vie de l’équipe, avec la réfection et la modernisation du centre dans lequel les joueurs se réunissent lors des mises au vert ou des concentrations d’avant-match. Mais aussi le suivi des joueurs, leur développement. Parfois même sur des pans autre que le simple développement physique ou technique. Dès son arrivée, Marcelo Gallardo intègre Sandra Rossi à son staff. Spécialiste de la médecine du sport et des neurosciences, elle travaille à l’optimisation du cerveau des joueurs afin de raccourcir leur temps de réaction, augmenter leur vision périphérique, augmenter leur capacité de concentration et à rendre plus efficace leur communication. Muscler les cerveaux, développer la plasticité neuronale afin de doper la plasticité de son équipe. « Les joueurs qui pensent mieux et plus vite, avec plus d’outils pour résoudre les problèmes, font la différence. Le moteur est la tête » a ainsi déclaré Gallardo. La « vision globale » décrite par Sabella concernant son ancien joueur est ainsi parfaitement illustrée. Si le River Plate de Gallardo s’est transformé en machine à succès, ce n’est pas seulement par un changement tactique ou l’émergence d’une génération dorée, c’est véritablement par une révolution opérée par un Muñeco devenu Napoleón.

Partie visible d’un immense héritage

Si l’on parle de révolution, c’est aussi et surtout parce que le projet porté par Marcelo Gallardo ne s’intéresse pas uniquement à la vitrine, à l’équipe première, il base sur les jeunes. C’est aussi en cela que l’héritage de Napoleón pourrait être bien plus grand. Oubliées les politiques dépensières de l’ère Passarella, sans véritables ressources économiques, River s’est tourné sur la professionnalisation de ses méthodes pour former les talents de demain. Celles-ci reposent sur trois piliers : la détection, les infrastructures, les méthodes d’entraînement. De Mar del Plata à Mendoza en passant par Chaco ou encore Córdoba, River Plate a mis en place un réseau de scouts (au moins dix dans ces provinces) qui parcourent les stades de l’interior à la recherche des talents de demain. Ces scouts et la création de ce réseau font partie du projet écrit par Marcelo Gallardo et mis en place sous la président de D’Onofrio avec l’accord du manager Francescoli. Tout est coordonné et el Muñeco a placé à la tête de tout cela Gustavo Grossi, ancien directeur sportif de Rosario Central ou de Racing mais surtout ancien responsable du scouting à Udine. Près de 50 000 jeunes d’âge compris entre six et seize ans sont ainsi observés et méticuleusement étudiés chaque année, dans toutes les provinces du pays, mais aussi à l’étranger (de l’Uruguay à la Colombie). Avec une priorité donnée sur la technique individuelle, « la priorité est le talent mais par-dessus tout, la technique individuelle, la génétique, la vitesse, il faut des joueurs qui doivent prioriser l’attaque », confie Grossi au site officiel, avant de poursuivre « on ne regarde pas les capacité physiques, la taille, nous privilégions la tactique. Ce que nous voulons, c’est que le talent dispose de la meilleure technique pour pouvoir devenir le type de joueur que River a toujours possédé durant son histoire ». Gallardo supervise et coordonne le tout, se réunit régulièrement avec les différents entraîneurs des équipes de jeunes et toute la structure de scouting.

Une fois détectés et entrés dans le club, les jeunes vont ainsi apprendre la philosophie River Plate, le style de jeu du Millonario que porte son entraîneur principal. Alors toutes les catégories de jeunes s’entraînent de manière similaire à l’équipe première. Marcelo Gallardo et ses adjoints, Matías Biscay et Hernán Buján transmettent ainsi les lignes directrices aux entraîneurs des jeunes. L’idée est simple : que les juveniles soient la « Primera en miniature » pour reprendre les termes de Grossi. Gallardo demande ainsi à tous ses entraîneurs de jeunes que leurs équipes jouent à quatre en défense, avec des latéraux capables de passer rapidement en phase offensive. Les défenseurs doivent être capables de jouer loin de leur but, maîtriser l’individuelle, l’équipe doit être capable de transitions rapides. Grossi de le poser noir sur blanc : « on joue toujours à quatre défenseurs, avec deux axiaux loin de leur but et deux latéraux qui ne font qu’attaquer. Au milieu, on ne place qu’un seul cinco et le maximum de milieux créateurs. Devant, deux attaquants. Notre idée est de posséder des joueurs qui comprennent que le style de River est offensif, que nous cherchons un certain volume de jeu et évidemment à marquer le plus de buts possibles. Et que pour cela, il faut prendre des risques. Et cela, on le fait des équipes des infantiles jusqu’à la réserve. Chez les jeunes, il nous arrive de perdre des matchs parce que les autres nous piègent sur des coups de pied arrêtés, avec des joueurs plus grands, ou avec un système tactique qui permet de gagner contre des équipes qui prennent des risques. Mais l’objectif est de mettre en valeur les talents ». Pour mettre tout cela en place, il fallait la troisième pièce du puzzle : les infrastructures.

En 2016, alors que Muñeco n’est au club que depuis à peine plus de deux ans, il est présent à Ezeiza pour l’inauguration du nouveau RiverCamp. Ce projet, Gallardo en a discuté avec Guillermo Cascio, secrétaire général du club, un an plus tôt. Sept hectares de plus, trois terrains aux dimensions de celui du Monumental, deux plus petits pour des entraînements plus spécifiques, de nouveaux vestiaires, des aires pour les kinés, les psychologues, les nutritionnistes. Une rénovation totale du centre d’entraînement qui permet d’une part de disposer de structures de haut niveau, d’autre part – le plus important – de faire en sorte que les équipes de jeunes (la réserve, la Cuarta (U20), la Quinta (U18) et la Sexta (U17)) puissent s’entraîner non loin des pros (la réserve servant souvent de sparring aux pros). Les autres formations sont toutes à Hurlingham, où River s’occupe de la gestion des sept terrains à disposition en échange de pouvoir s’en servir pour les plus petits. Tout est relié, tout est connecté. River ne fait plus qu’un, le club est une seule et même équipe. Et Gallardo chapeaute tout. 

Ainsi, River héberge près de 85 gamins venus de l’interior dans sa pension nommée Adolfo Pedernera, l’un des géants de la Máquina des années quarante et l’un des meilleurs buteurs de l’histoire du club. À la demande de Muñeco, le club enregistre tous les entraînements et les matchs des différentes catégories. Via le logiciel Hudl, Gallardo observe sur son ordinateur les performances individuelles de chaque jeune et se réunit quatre fois par an avec Grossi pour définir ligne par ligne quel(s) jeune(s) pourra intégrer l’équipe première pour procéder à son renouvellement et à quel terme il le pourra. Ancien latéral du club, Hernán Díaz s’occupe désormais des gamins : « Marcelo est impliqué à 100% dans le projet des jeunes. Je ne sais pas comment il fait. Il connait les joueurs de la Cuarta, de la Quinta, la Séptima, l’Octava, de la Novena. Il connait le latéral droit de la Quinta et le milieu central de l’Octava. Il est à ce niveau ». Ce niveau fait que sous le mandat de Gallardo, trente-cinq gamins formés au club ont débuté en Primera División. Parmi eux, Augusto Batalla, Emanuel Mammana, Lucas Martínez Quarta, Gonzalo Montiel, son fils Nahuel, Exequiel Palacios, Cristian Ferreira, Lucas Boyé, Julián Alvarez ou Benjamín Rollheiser. Un niveau qui permet au Muñeco non seulement de maintenir une série de résultats unique dans l’histoire du club en s’appuyant principalement sur des jeunes, mais surtout, en plus d’enrichir le présent, d’assurer l’avenir.

 

Article publié pour la première fois le 20/11/2019. Mise à jour le 18/01/2022.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.