Alors que le championnat a désormais franchi le cap de la mi-course, on attend encore les géants qui semblent peiner à rattraper quelques formations parfaitement organisées.
Seize journées ont été disputées sur les vingt-sept prévu au menu d’un championnat argentin qui ne sait pas s’il est un marathon ou bien un sprint (fin prévue le 23 octobre prochain, soit onze journées à placer en moins de deux mois). Alors que l’Argentine se débat pour savoir à quoi ressemblera son élite l’an prochain et l’année suivante (avec des rumeurs allant du retour à trente en passant par des formules alambiquées qui pourrait voir la moitié de l’élite jouer son maintien), le tournoi actuel ne réussit pas vraiment aux géants et favoris annoncés, certains se montrant incapable de monter dans le bon wagon quand d’autres surfent sur les vagues de la crise.
Savoir défendre
S’il est cependant une recette qui fonctionne en 2022 en Argentine, c’est celle de la discipline. En particulier en défense. Telle est la voie choisie par les deux leaders actuels, qui ont déjà creusé un petit écart : Atlético Tucumán et Gimnasia. Avec respectivement huit et sept buts encaissés en seize journées, les deux leaders s’appuient donc sur une défense hermétique pour gratter des points. Du côté du Decano, tout a coïncidé avec l’arrivée dans les buts d’un Carlos Lampe qui n’avait plus joué un match de championnat depuis décembre 2021 et un match pour du beurre disputé par Vélez, au point qu’on le voyait bien revenir à Bolivie après son passage à Always Ready. Lampe est arrivé à Tucumán en juin dernier, il a lancé une dynamique totalement folle dès sa première titularisation face à River, signant onze clean sheets en quatorze matchs disputés. Dans ses pas, le Decano n’a cessé de gagner, signant une série de six victoires consécutives, ne connaissant que deux défaites, une surprise face à Arsenal, une autre, polémique, face à Boca.
Car le week-end dernier, face à un Boca qui ne convainc personne à l’exception de son Consejo del Fútbol, nous y reviendrons, l’Atlético Tucumán aurait mérité mieux, en premier une belle polémique. Alors que le Decano menait au score, un doublé de Langoni en fin de partie a permis à un Boca souvent sauvé par Rossi de retourner la rencontre, avant que, sur l’une des ultimes actions du match, le VAR devienne aveugle, ne voyant pas l’énorme coup de coude d’un Zambrano à la dérive dans la rencontre sur Maestro Puch qui aurait clairement dû signifier penalty pour le Decano et possibilité d’aller sauver le nul et laisser Boca à neuf points. Le Decano ne perd donc pas son fauteuil de leader, bien aidé par un Gimnasia totalement hermétique (sept buts encaissés), mais qui peine à marquer (un seul but par match en moyenne et deux matchs sans marquer face à des mal classés, Aldosivi et Sarmiento), et ne saisit donc pas l’opportunité de revenir à hauteur. Reste que la recette fonctionne à merveille, les trois poursuivants, qui se tiennent en un point, sont également dans le top 5 des meilleures défenses.
Réussir à enchainer
La question est donc de savoir où sont passés les géants, les candidats au titre. Du côté de Racing, on met en cause un manque profond d’efficacité et cette fabuleuse capacité que le club possède à être lui-même. La Gagoneta semble presque déjà oubliée (alors que la Aca n’est qu’à sept points du leader) et l’on pointe donc cette tendance à la possession stérile. Il faut dire aussi que Racing n’est pas épargné par les blessures et autres absences de dernières minutes chaque semaine, contraignant Gago à bricoler et travailler au jour le jour. Ce souci se pose également pour l’Argentinos de Milito. Outre les blessures, le technicien du Bicho doit aussi faire avec le pillage régulier qui touche son club, ayant notamment perdu dans le mois tout son milieu de terrain (Fausto Vera à Corinthians, Gabriel Carabajal à Santos, Gabriel Florentín à Orenburg, Matias Galarza à Genk). Mais pourtant, Argentinos s’accroche, n’est qu’à cinq points de la tête, a récupéré l’avant-centre qui lui manquait tant avec Gabriel Ávalos. De son côté, River panse également quelques blessures, mais se retrouve dans une dynamique assez proche de celle de Racing (le Millo compte un point de plus que la Aca) : capable d’être parfois brillant, semblant laisser penser que la machine est de nouveau en marche, River est aussi parfois capable d’être totalement inefficace dans les deux zones, malgré un potentiel offensif pourtant assez impressionnant sur le papier (sans doute le meilleur du pays). Et la bande à Gallardo, à six points du leader, ne parvient finalement jamais à véritablement recoller. Attention tout de même à ne pas laisser trop de points sur le bord de la route, River mène la table annuelle, est encore en course en Copa Argentina à l’heure d’écrire ces lignes et peut encore chercher à remporter le tournoi : l’une de ces trois conditions lui permettra de retrouver la Libertadores en 2023.
Sortir de la crise (ou ne pas y entrer)
Dans la roue du Millo se trouve le rival de toujours, Boca. Sur le papier, la bande désormais dirigée par Hugo Ibarra assure l’essentiel en prenant des points. Parfois au prix de polémiques, nous venons de l’évoquer, souvent sans convaincre dans le jeu tant ce Boca ne semble pas savoir véritablement ce qu’il compte proposer. Le tout dans un contexte totalement néfaste entre un Consejo del Fútbol qui ne cesse de vouloir faire le ménage dès qu’une once de critique est émise par des joueurs, des joueurs eux-mêmes qui parfois en viennent aux main, une gestion des contrats toute relative comme l’illustre le cas Agustín Rossi, sans doute le meilleur joueur du club, se retrouve désormais en concurrence avec Sergio Romero, recruté pour lui prendre sa place après que les négociations quant à sa prolongation n’ont pas abouties, pour désormais, devant son importance et le soutien du peuple qu’il reçoit, pouvant se retrouver avec une nouvelle offre de dirigeants qui ne cessent de sembler naviguer à vue. À l’image de leur équipe. Jusqu’ici tout va bien (ou presque) à Boca, tant que la victoire est au bout du chemin. Mais la pression pourrait bien croître, d’autant que le Superclásico approche à grands pas. La crise pourrait alors éclater en cas de contre-performance.
Elle a déjà bien éclaté à Independiente qui continue son année noire. 2022 aurait dû être l’année d’un nouveau départ, d’une nouvelle direction qui aurait dû être élue fin 2021. Il n’en a rien été à cause de différends entre la direction en place et l’opposition, avec intervention de la justice. Sur le terrain, l’élimination en Sudamericana et le clásico perdu ont mis fin à la courte ère Eduardo Domínguez, les dettes du club se sont creusées, se retrouve sous la menace par la FIFA d’une interdiction de recrutement (le club devrait faire appel) alors que treize joueurs arrivent en fin de contrat et que la future nouvelle direction devra trouver des fonds et pire, sur le terrain, le Rojo n’en finit plus de s’enfoncer. Independiente n’a remporté que trois de ses seize matchs, deux à domicile, reste sur quatre résultats nuls consécutifs et ne compte que quatre points d’avance sur Lanús, autre équipe qui devrait jouer la première moitié de tableau mais se retrouve à la dérive (au point que les joueurs ont reçu quelques menaces après la défaite face à Newell’s).
Entre les deux, le cas Vélez est bien plus particulier. Le groupe du Cacique Medina n’avance pas en championnat, incapable de se montrer efficace offensivement et solide défensivement, mais surtout semble n’avoir porté son attention que sur son formidable parcours en Libertadores. Un choix clair, avec quelques matchs totalement laissés de côté par le coach, qui fait que Vélez est avant-dernier du tournoi mais semble surtout hors course pour l’un des accessits continentaux : la Libertadores est à vingt-quatre points, la Sudamericana à treize. Ne restera alors que Copa Argentina pour sauver les meubles avec comme prochain adversaire… Independiente.